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point, faites seulement ce qu'il vous dira, quodcumque dixerit vobis facite, et ne vous mettez pas en peine, car sans doute pourvoira à vostre besoin.

mandez donc point cela, mes cheres filles,
mais resolvez-vous de servir Dieu gene-
reusement, sans goust ny sentiment, d'au-
tant que ce n'est pas icy le lieu des dou-il
ceurs et suavitez. Quand vous serez dans
le ciel en la felicité eternelle, vous cognois-
trez clairement si vous avez l'humilité, et
verrez alors comment vous aymerez Dieu,
et gousterez pleinement la suavité de son
amour: mais en ceste vie, Dieu veut que
nous vivions entre la crainte et l'esperance,
que nous soyons humbles, et que nous l'ay-
mions, en nous appuyant sur les veritez
de la loi, et non pas sur nos sentimens.

Revenons à la tres-saincte Vierge: Vinum non habent: Mon fils (dit-elle), ils n'ont point de vin. Ce qu'entendant Nostre-Seigneur, il luy dit: Quid mihi, et tibi est mulier? nondum venit hora mea. Femme, qu'avez-vous à faire avec moi? mon heure n'est pas encore venue. Certes, cette response semble d'abord bien rude, de voir un tel fils parler ainsi à une telle mere; un fils si doux et si clement rejeter si rudement, ce semble, une priere faicte avec tant de reverence et d'humilité, par une mere la plus aymante, la plus aymée et la plus aymable qui fut jamais. Ha! Seigneur, la creature n'a-t-elle pas à faire avec son createur, de qui elle tient l'estre et la vie? la mere avec son fils, et le fils avec sa mere, de qui il a reçeu la chair et le sang? ces paroles semblent un peu estranges et difficiles à entendre; et ayant esté mal entendues par des ignorans, qui se sont attachez à la lettre, ils en ont formé trois ou quatre heresies. Mais, ô Dieu ! qui sera si hardy que de presumer pouvoir comprendre par son propre esprit, pour aigu et subtil qu'il puisse estre, le vray sens de l'Escriture, sans avoir reçeu d'en haut la lumiere requise à cela?

Ceste response, au contraire, estoit tresamoureuse; et ceste saincte Vierge, qui entendit le vray sens d'icelle, s'en ressentit la plus obligée mere qui ayt jamais esté; ce qu'elle fit paroistre, lors qu'après ceste reponse, son cœur demeura tout plein d'une saincte confiance, disant à ceux qui servoient à table: Vous avez oüy ce que mon fils m'a respondu, et pour cela, vous qui n'entendez pas le langage d'amour, pourrez entrer en doute qu'il ne m'ayt esconduicte; o non! ne craignez

Il y a une grande varieté de raisons et d'opinions parmy les docteurs, sur ces paroles de Nostre-Seigneur : Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? D'aucuns disent qu'il vouloit dire: Qu'avons-nous à faire ny vous ny moy de nous mesler de cela? nous sommes seulement des invitez; c'est pourquoy nous ne devons point avoir de soin de ce qui manque à ces nopces; et autres semblables raisons qu'ils disent. Mais demeurons fermes à celle-cy, que la pluspart des SS. Peres de l'Eglise tiennent, laquelle est que Nostre-Seigneur fit ceste reponse à sa tres-saincte mere, pour apprendre aux personnes qui sont constituées en quelque benefice ecclesiastique, de prelature, ou autres telles dignitez, qu'ils ne se doivent point servir de telles charges, pour faire en faveur de leurs parens chose aucune qui soit tant soit peu repugnante à la loy de Dieu; d'autant que pour la chair et le sang, je veux dire pour leurs parens, ils ne se doivent jamais oublier jusques-là qu'à leur occasion, et pour les gratifier, ils viennent à faire quelque chose qui soit tant soit peu eloignée de la perfection et droiture avec laquelle ils doivent exercer leur charge. Nostre-Seigneur voulant donc faire cette leçon au monde, il se servit du cœur de sa tres-saincte mere; en quoy certes il lui donna des preuves tres-grandes de son amour, d'autant que c'estoit comme s'il luy eust dit : Ma tres-chere mere, en vous disant, qu'estce que vous avez à demesler avec moy? je ne veux point vous esconduire de vostre demande: car qu'est-ce que peut refuser un tel fils à une telle mere? mais d'autant que vous m'aymez souverainement, et que je vous ayme parfaictement, je me veux prevaloir de la fermeté de vostre cœur pour faire cette leçon au monde. Or je sais bien que vostre cœur amoureux ne s'en troublera point, quoy qu'en apparence cette parole soit un peu rude; mais ce n'est rien pour vous, qui entendez le langage d'amour, lequel ne s'entend pas par les paroles seulement, ains encore par les yeux, par les gestes et actions. Dilectus meus fasciculus myrrhæ, inter ubera

mea commorabitur (1). Mon bien-aymé, dit l'Epouse au Cantique des cantiques, m'est un faisceau de myrrhe, je le prendray et le mettray au milieu de mes mammelles, c'est-à-dire, au milieu de mon cœur et de mes affections; d'autant que la goutte de cette myrrhe venant à tomber dessus, le fortifiera et affermira dans toutes les contradictions. Ainsi cette divine amante, la tres-sacrée Vierge, prit les paroles de Nostre-Seigneur comme un faisceau de myrrhe, qu'elle mit entre ses mammelles, c'est-àdire, au milieu de ses amours, pour recevoir la goutte qui découloit de cette myrrhe, laquelle raffermit tellement son cœur, qu'entendant cette response, qui aux autres sembloit un refus, elle crut sans aucun doute que Nostre-Seigneur luy accorderoit sa demande, et pour cela elle dit aux officiers de ces nopces: Faites tout ce qu'il vous dira: Quodcumque dixerit vobis facite (2).

Quant à ces paroles, Nondum venit hora mea: Mon heure n'est pas encore venuë, quelques docteurs ont estimé que Nostre-Seigneur vouloit dire que le vin n'estoit pas encore failly. D'autres les expliquent en diverses manières, de sorte qu'il y a une grande diversité d'opinions sur ce subject; mais je ne m'y veux pas arrester, afin de passer à des choses plus utiles pour nostre instruction, et dire qu'il y a des heures ordonnées de la divine providence, desquelles dependent votre conversion et nostre salut. Or il est vray que de toute eternité, Dieu avoit determiné l'heure et l'instant de faire ces grands miracles, à sçavoir, celuy de l'Incarnation, et celuy de donner au monde le premier signe de sa puissance pour la manifestation de sa gloire: mais c'estoit absolument, et non pas en sorte qu'estant prié il ne les pust advancer. C'est pourquoy les docteurs, parlant du mystere de l'Incarnation, disent que Nostre-Dame par ses prieres a merité qu'il fust advancé, meruit accelerationem (3), ce qui se doit encore entendre de ce premier signe et miracle de Nostre-Seigneur. Je veux dire un exemple, pour me faire mieux entendre. Rebecca et Isaac desiroient extresmement avoir des enfants; mais Rebecca estant sterile, elle n'en pouvoit naturellement avoir.

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(1) Cant. 1. — (2) S. Jean. 11. — (3) Gen. xxv

Or, cependant Dieu avoit veu et ordonné de toute eternité, que Rebecca concevroit etauroit des enfans; mais avec cette condition, qu'elle les obtiendroit par ses prieres, et si elle n'eust prié avec son mary Isaac, elle n'eust point conceu: voyan donc qu'ils ne pouvoient avoir d'enfans, ils s'enfermerent dans une chambre, et prierent si fervemment, que Dieu entendit leurs prieres et les exauça; et Rebecca, nonobstant sa sterilité, conceut et devint grosse de deux jumeaux, Esau et Jacob. Ainsi les elans et soupirs d'amour de NotreDame, comme disent la plupart des SS. Peres, advancerent le temps de l'Incarnation de Nostre Seigneur. Ce n'est pas pour cela qu'il s'incarna devant le temps qu'il avoit preordonné; mais cela veut dire, que de toute eternité il avoit veu que la Ste Vierge le prieroit d'advancer le temps de sa venuë au monde; et que pour l'exaucer, à cause de ses grands merites, il s'incarneroit plustot qu'il n'eust faict si elle n'eust prié. Il en est de mesme de ce premier miracle que Nostre-Seigneur a fait aujourd'huy aux nopces de Cana en Galilée : Nondum venit hora mea, Mon heure n'est pas en. core venue, dit Nostre-Seigneur à sa tressaincte mere; mais parce que je ne vous puis rien refuser, je l'advanceray pour faire ce que vous me demandez. Il est donc certain que Dieu avoit veu de toute eternité qu'il l'advanceroit, à la faveur des prieres de sa saincte mere.

O! qu'heureuse fut l'heure en laquelle la divine providence nous voulut departir tant de graces et tant de biens; ô qu'heureuse sera l'ame qui l'attendra avec patience, l'heure que Dieu a destinée pour luy departir les graces requises à son salut, et qui avec fidélité se préparera pour correspondre à cette béniste heure quand elle arrivera. Certes, ce fut en cette heure ordonnée de la providence divine, que la Samaritaine fut convertie, et c'est de cette beniste heure de laquelle depend nostre conversion et transmutation spirituelle; c'est pourquoy on doibt avoir un grand soin à s'y bien preparer, afin que Nostre¬ Seigneur venant à nous, il nous treuve disposez à correspondre à sa grace. Voyons maintenant comme Nostre-Seigneur fit ce miracle.

Il y avoit six cruches de pierre preparées

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pour la purification des Juifs, dit l'Evan-
geliste, d'autant qu'ils se lavoient frequem-
ment, spécialement quand ils avoient tou-
ché quelque chose defendue par la loy; car
ils faisoient force ceremonies exterieures,
esquelles ils estoyent grandement exacts,
de
bien qu'ils ne se souciassent gueres pu-
rifier leur intérieur. Nostre-Seigneur donc
don-
voulant faire ce grand miracle, pour
ner au monde le premier signe de sa puis-
sance, il fit remplir ces cruches d'eau, Im-
plete hydrias aqua, ce que les officiers de
ces nopces firent promptement: en quoy
ils furent grandement soigneux de faire ce
que la Ste Vierge leur avoit dit; car si-tost
que le commandement fut fait, ils les rem-
plirent si pleines, que, comme dit le sacré
texte, l'eau surnageoit par dessus : Et im-
pleverunt eas usque ad summum (1).
Après quoy, Nostre-Seigneur dit une parole
interieure que personne n'entendit, et à
l'instant cette eau fut changée en de tres-
bon vin. Cette parole sans doute fut sembla-
ble à celle par laquelle il créa toutes choses
du néant et donna l'estre et la vie à l'homme,
et par laquelle en ce dernier banquet qu'il
fit avec ses disciples, il changea le vin en
son sang, instituant le tres-sainct sacrement
de l'Eucharistie, nous donnant ce vin tres-
excellent, duquel nous sommes nourris
pour la vie eternelle, puisque c'est par la
reception du corps et sang de Nostre-Sei-
gneur que nous sont appliquez les merites
de sa mort et passion, et que nos ames
sont substantées, fortifiées et vivifiées.
Concluons ce discours.

Mais avant que de finir, disons encore ce mot d'instruction sur l'Evangile, qui est que nous debvons avoir un grand soin de nous addresser à Nostre-Dame, puisque nous voyons qu'elle a tant de crédit aupres de son divin fils; et afin qu'elle lui represente nos necessitez, il nous la faut inviter à nostre festin avec Nostre-Seigneur ; car là où est la mere et le fils, le vin n'y peut manquer, d'autant qu'elle luy dira infailliblement : Mon Seigneur et mon fils, cette mienne fille vostre servante n'a point de vin Mais prenez garde, mes cheres ames, quel vin c'est que vous lui demandez. O certes, je me doute bien que c'est celuy de vostre propre consolation: ce que je vous feray entendre par un exemple familier.

(2) S Joan, 11.

Vous verrez une fenmme qui a un fils malade: il faut employer le ciel et la terre pour obtenir sa santé, car cet enfant est unique; c'est en luy auquel elle a mis toutes ses esperances; et quand les remedes humains n'y peuvent plus rien, elle a recours aux saincts, afin qu'ils soient ses intercesseurs envers Dieu, esperant d'obtenir par leur entremise la santé de son fils. C'est bien faict d'avoir recours aux saincts en nos necessitez; mais pourquoy demandez-vous tant la santé de ce fils? Quand il se portera bien vous en ferez vostre idole; il eust donc esté plus utile pour vous, que Nostre-Seigneur vous l'eust osté. Si la Ste Vierge luy eust demandé du vin, afin que ceux qui estoyent aux nopces se fussent enyvrez, sans doute il n'eust point faict ce miracle.

Mais remarquez que si nous voulons que Nostre-Dame demande à son fils, qu'il change l'eau de nostre tepidité, au vin de son fervent amour, il nous faut faire tout ainsi ce que Nostre-Seigneur nous dira, que firent les officiers de ces nopces. Faictes-le donc fidellement, mes cheres ames, remplissez bien vos cœurs de l'eau de penitence, et il vous changera cette eau au vin de son fervent amour. Mais si vous voulez avoir de la ferveur, entretenez-vous le long du jour en de bonnes pensées, faictes de frequentes oraisons jaculatoires; et tenez pour regle generale, si vous voulez estre recueillies en vos oraisons, de ne vous pas laisser dissiper le long du jour, et n'employez pas le temps à faire des reflexions inutiles, tant sur vous, que sur co qui se passe autour de vous, ains occupezvous fidellement en la presence de Dieu : et si vous voulez avoir des lumieres pour pouvoir comprendre quelque chose des mysteres de la foy, occupez-vous le plus que vous pourrez à les considerer. En somme, mes cheres filles, pour conclusion, faites bien ce qui vous a esté enseigné jusques à present; reposez-vous en la Providence de Dieu, et soyez asseurées qu'il ne manquera jamais de vous donner ce qui vous sera necessaire pour vostre salut : benissez-le continuellement en cette vie, et apres icelle vous le glorifierez eternellement là haut au ciel avec tous les esprits bien-heureux, où vous conduise le Pere, le Fils, et le Sainct-Esprit. Amen.

SERMON

POUR LE JOUR DE LA PURIFICATION DE NOSTRE-DAME.

Postquam impleti sunt dies purgalionis Mariæ secundum legem Moysi, tulerunt Jesum in
Hierusalem, ut sisterent eum Domino. Luc. II.

Apres que les jours de la purgation de Marie, selon la loi de Moyse, furent accomplis, ils portérent
l'enfant Jesus au temple pour le presenter au Seigneur.

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Dieu dit comme il faict, et il faict comme il dit en quoy il nous monstre qu'il ne nous faut pas seulement contenter de bien dire mais qu'il faut que nous adjoustions les effets conformes à nos paroles si nous voulons luy estre agreable: et tout ainsi qu'en Dieu, dire et faire n'est qu'une mesme chose, il faut aussi que nostre dire soit faire, et que nostre parole soit incontinent suivie de l'œuvre. Et pour cela les anciens, quand ils vouloient representer un homme de bien et vertueux, ils se servoient de la comparaison d'une pesche, sur laquelle ils appliquoient une feuille de pescher, parce que la pesche a la forme d'un cœur, et sa feuille celle de la langue, pour nous monstrer que | l'homme sage et vertueux a non-seulement une langue pour bien dire; mais que ceste langue estant appliquée sur son cœur, il ne parle sinon à mesure que son cœur le veut, c'est à dire, qu'il ne dit que des paroles qui procedent des affections de son cœur, qui le portent en mesme temps à operer et mettre en effect ce qu'il dit. C'est ce que nous representent les quatre animaux que vid Ezechiel (1), lesquels n'avoient pas seulement des ailes pour voler; mais au-dessous d'icelles ils avoient des mains pour operer; pour nous signifier que nous ne nous devons pas contenter d'avoir seulement des ailes pour voler au ciel par de saincts desirs et de bonnes pensées, si avec cela nous n'avons des mains pour nous exercer aux bonnes œuvres, afin de mettre en practique nos desirs: car c'est une chose asseurée que nos bons (1) Ezech. L

propos, nos resolutions, ny nos paroles, pour sainctes qu'elles puissent estre, ne nous conduiront point au ciel, si elles ne sont accompagnées des effets.

Nostre-Seigneur donc, pour confirmer cette vérité, et nous monstrer qu'il faict ce qu'il dit, vient aujourd'huy au temple, pour y estre offert à Dieu son pere, s'assujettissant à l'observance de la loy qu'il avoit donnée à Moyse, en laquelle il y avoit quantité d'observances particulières, auxquelles il ne pouvoit estre subject estant le Createur et le monarque souverain de toutes choses. Mais neantmoins, parce qu'il devoit estre mis devant nos yeux comme un divin portrait, auquel nous nous devions conformer en toutes choses, autant que la foiblesse de nostre nature le pourroit permettre, il voulut observer la loy qu'il avoit donnée, et s'y assujettir, et sa tres-saincte Mere aussi à son exemple, ainsi que nous voyons en l'Evangile de ce jour, qui fait mention de la presentation de Nostre-Seigneur au temple et de la purification de Nostre-Dame, duquel je tireray trois petites considerations pour nostre instruction, que je ne feray que toucher en passant, les laissant apres ruminer à vos esprits, pour en faire une bonne et heureuse digestion.

La premiere consideration sera touchant l'exemple que Nostre-Seigneur et la glorieuse Vierge nous donnent, d'une profonde et veritable humilité : la seconde sera sur l'obeyssance, qui est entée sur l'humilité; et en la troisiesme nous appren drons une methode excellente pour bien faire l'oraison.

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Or premierement, quelle plus grande et plus profonde humilité se pourroit-on imaginer que celle que Nostre-Seigneur et Nostre-Dame practiquent en venant au temple; l'un pour y estre offert comme tous les enfans des hommes pecheurs, et l'autre se venant purifier comme les autres femmes? Quant à Nostre-Seigneur, il est tres-certain qu'il ne pouvoit estre obligé à ceste ceremonie, veu qu'il estoit la pureté mesme, et qu'elle n'obligeoit que les pecheurs: et quant à Nostre-Dame, quelle nécessité avoit-elle, ou pouvoit-elle avoir de se purifier, puis qu'elle n'estoit, ny ne pouvoit estre soüillée, ayant esté doüée d'une pureté et d'une grace si excellente des l'instant de la conception, que celle des cherubins et seraphins ne luy est nullement comparable, car si bien Dieu les prevint de sa grace des leur creation, pour les empescher de tomber en peché, neantmoins ils ne furent pas confirmez en grace des cet instant, ains ils le furent seulement par apres en vertu du choix qu'ils firent de se servir de cette premiere grace, et par la volontaire soubmission de leur franc-arbitre à leur Createur Mais Nostre-Dame ne fut pas seulement prevenüe de la grace au mesme instant de sa conception, ains elle fut encore tellement confirmée en icelle, qu'elle n'en pouvoit descheoir. Et néantmoins l'enfant et la mere, nonobstant leur incomparable pureté, se viennent aujourd'huy presenter au temple, comme s'ils eussent esté pecheurs, ainsi que tout le reste des hommes. O acte d'humilité incomparable! plus la dignité des personnes qui s'humilient est grande, et plus l'acte d'humilité qu'elles font est inestimable; ha! quelle grandeur de Nostre-Seigneur et de sa tres-saincte mere? ô que c'est une consideration utile et profitable pour les ames qui veulent tendre à la perfection, que celle de l'humilité que Nostre-Seigneur a practiquée; car il a tellement estimé et chery ceste vertu, qu'il a mieux aymé mourir que d'en laisser la practique, suivant ce qu'il a dit luy-mesme, qu'il n'y a point de plus grand amour, que de mettre sa vie pour la chose aymée or Nostre-Seigneur a donné sa vie pour l'humilité, ayant fait en mourant le plus excellent et souverain acte d'humilité qui se puisse jamais imaginer.

Le grand apostre S. Paul nous voulant

faire concevoir en quelque façon l'amour que Nostre-Seigneur portoit à cette vertu, dit qu'il s'est humilié jusques à la mort, et à la mort de la croix, Humiliavit semetipsum usque ad mortem,mortem autem crucis; voulant dire, qu'il ne s'est pas humilié seulement pour un temps, ny en quelque action particuliere, ains jusques à la mort, c'est à dire, des l'instant de son incarnation, jusques au dernier instant de sa vie : et pour nous monstrer la grandeur de cette humilité de Nostre-Seigneur, il s'est humilié, dit-il, jusques à la mort, et la mort de la croix, qui estoit la plus ignominieuse, la plus infame et pleine d'abjection, qui se pust trouver, En quoy nous sommes enseignez qu'il ne nous faut pas contenter de practiquer l'humilité en quelques actions particulieres, ny pour un temps seulement, ains tousjours et en toutes occasions; et non-seulement jusques à la mort, ains jusques à la mort de la croix, c'est à dire, jusques à l'entiere mortification de nousmesmes, humiliant l'amour de nostre propre estime, et l'estime de nostre propre amour; car il ne se faut pas amuser à la practique d'une certaine apparence d'humilité, de contenance et de paroles, qui consiste à dire que nous ne sommes rien que l'imperfection mesme, et à faire quantité de reverences et d'humiliations exterieures, qui ne sont rien moins que l'humilité, laquelle si elle est vraye, nous fait recognoistre et tenir pour le vray neant, qui ne meritons pas de vivre, et nous rend souples, maniables, et soubmis à un chacun, observant par ce moyer ce precepte de Nostre-Seigneur, qui ordonne de renoncer à nous-mesmes, si nous le voulons suivre. Si quis vult post me venire, abneget semetipsum (1).

Il y en a plusieurs qui se trompent grandement en ce subject, pensant que l'humilité (2) ne soit bonne à practiquer que par les novices et commençans; et des qu'ils ont fait quelques progrez en la voye de Dieu, ils se persuadent qu'ils se peuvent bien relascher en cette practique, croyant d'estre desja assez advancez en icelle; en quoy certes ils s'abusent grandement; car ne voyent-ils pas que Nostre-Seigneur s'est humilié jusques à la mort; c'est à dire, tout le temps de sa vie. O que ce divin (1) S. Matth., XVI. — (2) S. Luc, XIX.

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