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pour Dieu, comme leurs idoles, et le reprochoient aux chrestiens. Arnobe visant à l'intention des accusateurs, plus qu'à leurs parolles, nie tout-à-fait leur dire : « Nous ne desirons pas, dit-il, les croix, » ny ne les honorons » cela ne s'entend en la sorte et qualité que vous pensez, ny selon le sens de vostre accusation. Il arrive souvent de respondre plus à l'intention qu'aux parolles. Et c'est la raison de bailler plutost tout autre sens à la parolle d'un homme de bien, que de luy bailler faux et menteur, tel que seroit celuy d'Arnobe, s'il contredisoit au reste des autheurs anciens.

Si ne veux-je pas laisser à dire quel est l'autheur de ce huictiesme livre que le traitteur a cité, qui est certes digne de respect; car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cet endroict imite voire mesme presque és parolles Tertullien, et Justin le martyr ne se contentant pas d'avoir respondu que les chrestiens n'adoroient ny ne desiroient les croix à la façon qu'entendoient les payens: mais par après il fait deux choses; l'une c'est qu'il rejette l'accusation des Gentils sur eux-mesmes, monstrant que leurs estendarts n'estoient autres que des croix dorées et enrichies, leurs trophées de victoire non seulement estoient de simples croix, mais represen→ toient en certaine façon un homme crucifié, Signa ipsa et cantabra, et vexilla castrorum, quid aliud quàm auratæ cruces sunt et ornata? Trophæa vestra victricia, non tantum simplicis crucis faciem, verum et affixi hominis imitantur.

L'autre chose qu'il fait, c'est de monstrer que le signe de la croix est recommandable, selon la nature mesme, alleguant que les voiles des navires et les jougs estoient faits en forme de croix ; et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu, representoit la mesme croix. Puis conclud en cette sorte: Ita signo crucis, aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donc que Minutius rejette la croix, ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plutost. Mais le traitteur qui n'a autre soucy que de faire valoir ses conceptions à quelque prix que ce soit, n'a pris qu'une petite partie du dire de cet autheur,

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qui lui a semblé propre à son intention. Je sçay qu'en peu de parolles on pouvoit respondre: Que quand Minutius a dit Cruces nec colimus, nec optamus, il entendoit parler des fourches et gibets; mais l'autre response me semble plus naïfve.

:

Cependant que nous avons combattu pour Arnobe, et soubtenu qu'il n'a pas mesprisé la croix, faisons-luy en dire luymesme son opinion. Arnobe donc luymesme sur le pseaume octante-cinq, interpretant ces parolles (4): Fac mecum signum in bonum; il introduisit les apostres, parlant ainsi : « Car iceluy Seigneur >> ressuscitant et montant au ciel, nous >> autres ses apostres et disciples aurons » le signe de sa croix à bien, avec tous » les fidelles, si que les ennemis visibles » et invisibles voyent en nos fronts ton >> sainct signe, et soient confondus; car >> en ce signe-là tu nous aydes, et en ice>> luy tu nous consoles, ô Seigneur, qui » regnes ès siecles des siecles. Amen. › Quelqu'un pourra dire que ces commentaires ne sont pas d'Arnobe le rhetoricien; mais n'aura pas raison de le dire, et c'est

assez.

CHAPITRE XIII.

Combien l'on doit priser la croix par la comparaison d'icelle avec le serpent d'airain. L'eschappatoire ordinaire des huguenots de demander quelque passage exprez en l'Escriture, pour recevoir quelque article de creance, semble demeurer encore en main au traitteur; car il me dira : Où estil dit qu'il faille honorer les images de la croix, et qu'elle aye les vertus que vous luy attribuez? J'ay desjà respondu au commencement du premier livre: mais maintenant je dy, premierement, qu'on n'est pas obligé de faire voir exprez en l'Escriture commandement de tout ce que l'on fait. Me sçauroit-on monstrer qu'il faille avoir en honneur et respect les dimanches, et les tenir pour saincts plus que le Jeudy? Item, l'Eucharistie, si elle n'est autre chose qu'une simple commemoration de la passion, comme presupposent les reformez? on treuvera bien qu'il faut s'esprouver soy-mesme, et ne la manger pas indignement: mais qu'il y faille au

(1) Psal. LXXXV, 17.

cun honneur exterieur, où me le montrerat'on? Et pourquoy, je vous prie, aura-t'on plus de credit à brusler et briser les croix, les appeler idoles et sieges du diable, qu'à les dresser et honorer, et appeller sainctes, precieuses, triomphantes? car si cecy n'est escrit, cela l'est encore moins.

:

Rejetter ce que l'Eglise reçoit, part d'une excessive insolence. Je treuve en l'Escriture (4): « Qu'il faut ouyr l'Eglise (2), » qu'elle est colomne et fermeté de ve» rité (3), que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle mais je ne treuve point en l'Escriture qu'il faille abattre ce qu'elle dresse, honnir ce qu'elle honore. Il faut croire aux Escritures, ainsi que l'Eglise nous les baille; il faut croire à l'Eglise, ainsi que l'Escriture le commande. L'Eglise me dit que j'honore la croix : il n'y a huguenot si affilé qui peust monstrer que l'Escriture le deffende; mais l'Escriture qui recommande tant l'Eglise, recommande assez les croix dressées en l'Eglise, et par l'Eglise.

Je dy avec Nycephore Constantinopolitain: « Qu'il est commandé d'honorer la » croix là où il est commandé d'honorer » Jesus-Christ, d'autant que l'image est » inseparable de son patron, n'estant l'i>mage et le patron qu'une chose, non par >> nature, mais par habitude et rapport, > et que l'image a communication avec » son patron de nom, d'honneur et d'ado>>ration: non pas à la verité esgalement, » mais respectivement. >>

La verge de Moyse, d'Aaron, l'arche de l'alliance, et mille telles choses, ne furentelles pas tenues pour sainctes et sacrées, et par consequent pour honorables. Ce n'estoient toutesfois que figures de la croix. Pourquoy donc ne nous sera honorable l'image de la croix? Disons ainsi : N'est-ce pas avoir en honneur une chose, de la tenir pour remede salutaire et miraculeux en nos maux? Mais quel plus grand honneur peut-on faire aux choses que de les avoir en telle estime, et recourir à elles pour tels effects? Or les premiers et plus affectionnez chrestiens avoient cette honorable croyance de l'ombre de S. Pierre (4), neantmoins leur foy est loüée et ratifiée par le succez et par l'Escriture mesme. Et

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cependant l'ombre n'est autre chose qu'une obscurité confuse, et tres-imparfaite image et marque du corps, causée, non d'aucune reelle application, mais d'une pure privation de lumiere. L'honneur de cette vaine, frivole et legere marque est receu en l'Escriture: combien plus l'honneur des images permanentes et solides, comme est la croix.

Enfin je produis l'honorable rang que le serpent d'airain, figure de la croix, tenoit parmy les Israëlites, pour monstrer qu'au tant en est-il deu aux autres images de la croix, qui sont parmy le christianisme. La raison est considerable, comme je vay faire voir par les repliques que j'opposeray à ce qu'en dit le traitteur, lequel avec un grand appareil produit ce mesme serpent d'airain contre nous, afin qu'il nous morde,

en cette sorte:

«Mais ce qui est allegué du deuxiesme >> chapitre des Nombres ne doit estre passé » legerement, car s'il y a exemple qui ra>> batte formellement et fermement l'abus >> commis touchant la croix, c'est celuy du >> serpent d'airain. Iceluy avoit esté basty >> par le commandement de Dieu, pourtant » ce n'estoit pas une idole; car combien » que par la loy generale Dieu eust defendu » de faire image de chose qui fust au ciel, » en la terre, ny ès eaux sous la terre, si >> est-ce que n'estant astreint à sa loy, ains >> estant au-dessus d'icelle, il a pu dispen>> ser: comme de fait il a dispensé luy» mesme de sa loy, et commandé de faire » ce serpent, qui a esté figure de l'exalta» tion de Jesus-Christ eslevé en croix, » comme luy-mesme le tesmoigne en S. » Jean, chapitre 3. »

Et peu après: « Or voyons ce qui est >> advenu depuis cela, jusques au temps > du bon roy Ezechias, c'est-à-dire, par >> l'espace d'environ sept cent trente-cinq >> ans; il n'a point esté parlé de ce serpent >> d'airain. Et estant advenu qu'alors le >> peuple luy faisoit des encensemens, c'est» à-dire, l'adoroit; quoy qu'il eust esté » fait par Moyse et eust esté conservé par > l'espace de sept cent trente-cinq ans, >> Ezechias le rompit et brusla, dont nous >> recueillons du moindre au plus grand, » si les images en general, et specialement >> celles de la croix, ne se font point par >> l'ordonnance de Dieu, ains par outre

>> cuidance et defiance des hommes, qui » ont pensé que Dieu ne les voyoit, ny »oyoit, sinon qu'ils eussent telles images » devant leurs sens; voire des images introduites depuis je ne sais combien de > temps, combien doivent-elles estre mises >> au loing? De fait, quand les choses de» viennent en tel poinct, qu'elles n'ont >> peu estre commencées par tel et mesme » poinct, il les faut oster, comme Ezechias » a osté le serpent, qui n'a pu estre dressé > au commencement pour estre encensé, » et à cause de l'abus survenu touchant ice» luy, il a bien fait de l'oster du tout, car >> l'idolastrie n'est pas de ce genre des >> choses dont on puisse dire: Corrigez >> l'abus, et retenez l'usage, d'autant qu'en » quelque sorte qu'on prenne l'idole, elle » ne vaut rien. » Voilà toute la deduction du traitteur.

Mais, mon Dieu, que d'inepties! 1. Vous dites, ô traitteur! que le serpent d'airain a esté fait par le commandement de Dieu, qu'il l'a dit à Moyse; mais je dy que les croix se font par le commandement de Dieu, qui le suggere à l'Eglise, et le luy a enseigné par la tradition apostolique. Vous me monstrerez que Dieu a parlé à Moyse: je vous monstreray qu'il enseigne et assiste perpetuellement !'Eglise, en façon qu'elle ne peut errer.

2. Vous dites que le commandement de faire ce serpent d'airain a esté une dispense du commandement prohibitif de faire images. Donc, de faire des images, n'est pas idolastrie, ny les images ne sont pas idoles; car l'idolastrie est mauvaise en toute façon, et est impossible qu'elle puisse estre loisible, d'autant qu'en quelque sorte qu'on prenne l'idole, elle ne vaut rien. Dieu donc n'eust jamais dispensé pour faire ces images, si cela eust esté idolastrie, sinon que Dieu peust dispenser pour estre

renié.

3. Vous dites que depuis cela jusques au temps du bon roy Ezechias, c'est-à-dire, par l'espace d'environ sept cent trente-cinq ans, il n'a point esté parlé de ce serpent d'airain que n'avez-vous aussi bien remarqué pour vostre edification, que, quoy qu'il n'en soit parlé en l'Escriture, si ne laissoit-il pas d'estre gardé et conservé precieusement, et qu'ayant esté fait hors et bien loin de la terre de promission, il

ne fut pas laissé où il fut fait, mais fut transporté avec les autres meubles sacrez? Item, que n'ayant esté dressé, quant à ce que porte le seul texte de l'Escriture, sinon afin qu'il fust remede à ceux qui estoient mordus des serpens au desert, il ne laissa pas d'estre soigneusement conservé en la terre de promission parmy le peuple d'Israël, avec une honorable memoire, l'espace d'environ sept cent trente-cinq ans, comme vous le dites.

En bonne foy, faire ce serpent, estoit-ce une dispense du commandement prohibitif de ne faire aucune image? Vous le dites ainsi : or la jouyssance de dispenser doit estre limitée par le temps et la condition pour laquelle on l'accorde; car la cause estant ostée, il ne reste plus d'effect. Le peuple donc estant arrivé sain et sauf en la terre de promission, ne pouvoit plus prendre aucun fondement en l'Escriture de garder cette image, puisque la cause de la dispensation estoit ostée.

Partant, confessez que cette image demeura honorablement parmy le peuple, sans aucune parolle de Dieu escrite, un grand espace de temps. Donc, avoir des images hors et outre l'Escriture, n'est ny idolastrie, ni superstition.

Et ne soyez pas si effronté de dire que la conservation et garde du serpent d'airain fust superstition; car vous accuserez de connivence, lascheté et irreligion les plus saincts et fervens serviteurs que Dieu aye eus en Israël Moyse, Josué, Gedeon, Samuel, David, sous l'authorité et regne desquels cette image a esté transportée et conservée tant d'années, outre le temps pour lequel Dieu l'avoit commandé. N'estoit-il pas à leur pouvoir de l'oster, si c'eust esté mal fait de la garder hors l'usage pour lequel elle avoit esté faite? Ces esprits si roides et francs au service de leur maistre eussent-ils dissimulé cette faute?

Item, que n'avez-vous remarqué que cette image n'eust pas esté conservée si longuement, si on en eust eu quelque con ception honorable : quelle raison y pouvoit-il avoir de la retenir, ny pour sa forme, ny pour sa matiere? Certes, elle ne pouvoit avoir autre rang que d'un recommandable et sacré memorial du benefice receu au desert, ou d'une saincte representation d'un mystere futur de l'exaltation du Fils

de Dieu, qui sont deux usages religieux et honorables, mais beaucoup plus propres à l'image de la croix qui sert de remembrance du mystere passé de la crucifixion, et du mystere à advenir du jour du jugement.

Mais que n'avez-vous consideré que celui qui abattit le serpent d'airain estoit establi roy sur Israël, et luy appartenoit de faire cette exécution; et qu'au contraire, les brise-croix de nostre aage ont seditieusement commencé leur ravage, sans authorité ny pouvoir legitime?

Item, que le peuple faisoit une grande irreligion autour du serpent d'airain: 1. En ce que l'encens est une offrande propre à Dieu, comme il est aisé à deduire de l'Escriture, et toute l'antiquité l'a noté sur l'offrande faite par les roys à Nostre-Seigneur, d'or, d'encens et de myrrhe. « L'en>> cens, disent-ils tous, est à Dieu. » Après que l'on a offert et dedié l'encens à Dieu, on le jette vers le peuple, non pour luy of frir, mais pour luy faire part de la chose sanctifiée. On en jette vers les autels, mais c'est à Dieu, comme à celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoire des martyrs, mais c'est à Dieu, en actions de graces de la victoire qu'ils ont obtenue par sa bonté; on en jette ès temples et lieux de prieres (1), pour exprimer le desir que l'on a que l'oraison des fideles monte à Dieu, comme l'encens. En quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures. Ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grands (2), Ut sciant gentes quoniam homines sunt.

2. En ce qu'anciennement l'encensement estoit tellement conditionné, qu'il falloit qu'il fust offert par les prestres et levites (3), et qu'il fust bruslé sur le feu de l'autel, au seul temple de Hierusalem, où estoit l'autel du parfum destiné à cet usage; ailleurs il n'estoit pas loisible, comme vous confessez vous-mesme. Nadad et Abiu (4) se treuverent mal d'avoir fait autrement. Quelle merveille donc y peut-il avoir si Ezechias voyant ce peuple s'abestir autour de cette image, et l'honorer d'un honneur

(1) Matt. 11, 11; Levit xvi. ▼ 12; Exod. xxx, v, 7. — (2) Psal. IX. 12. — (3) Deut. xxxv1, 3; II. Paral. v1, 6 ; Psal. LXXVII, 68, 69. — (4) Levit. x, 1.

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divin, la dissipa et la mit à neant? il falloit ainsi traitter avec un peuple si prompt à l'idolastrie.

Donc nous concluons au rebours de cè que vous avez fait, petit traitteur ! Si les sainctes images en general, et speciale ment celle de la croix, sont adressées par l'ordonnance de l'Eglise, et par consequent de Dieu, quoy que vituperées par l'outrecuidance et defiance des hommes, qui ont estimé que Dieu ne les pouvoit ny voir, ny ouyr; sinon qu'ils eussent renversé telles images, voire des images receues depuis un temps immemorable, combien doiventelles estre retenues et conservées? Ezechias fit bien d'abattre le serpent d'airain, parce que le peuple idolastroit en iceluy. Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir, pendant que le peuple n'en abusoit pas. Or l'Eglise, ny les catholiques, par son consentement, n'abusa jamais de la croix, ny autres images; il les faut donc retenir.

Ceux qui nous reprochent les idolastries ne sont pas des Ezechias, ce sont les raclures du peuple et des monasteres, gens passionnez, qui osent accuser d'adultere la Suzanne, que le vray Daniel a mille fois prononcé innocente en la saincte Escriture. Ny ne faut mettre en compte l'abus qui peut arriver chez quelque particulier, cela ne touche point à la cause publique: il n'est raisonnable d'y avoir egard au prejudice du reste. Le moyen de redresser l'usage de la croix ne gist pas à la renverser, mais à bien dresser et instruire les peuples.

CHAPITRE XIV.

De la punition de ceux qui ont injurié Pimage de la croix, et combien elle est baye par les ennemis de Jésus-Christ.

Dieu a tesmoigné combien il a agreable l'image du crucifix et de la croix, par mille chastimens qu'il a miraculeusement exercés sur ceux qui par faits ou parolles ont osé injurier telle representation. Je laisse à part mille choses à ce propos, et entr'autres l'histoire du cas advenu en Berythe, recité par S. Athanase, duquel j'ay fait mention cy-dessus.

Un Juif vit une image de Nostre-Seigneur (sans doute que ce fut un crucifix) en une eglise poussé de la rage qu'il avoit contre

le patron, il vient de nuict et frappe l'image d'une javeline, puis la prend sous son manteau pour la brusler en sa maison: chose admirable! qu'aucun ne peut doubter estre advenue par la vertu divine; le sang sortit abondamment du coup qui avoit esté donné à l'image. Ce meschant ne s'en apercevant point, jusques à ce qu'entrant dans sa maison, esclairé à la lumiere du feu, il se void fort ensanglanté : tout esperdu, il serre en un coin cette image, et n'ose plus toucher ce qu'il avoit si meschamment derobé. Cependant les chrestiens qui ne treuvent point l'image en sa place, vont suivant la trace du sang respandu, de l'eglise, jusques dans la maison où elle estoit cachée : elle fut rapportée en son lieu, et le larron lapidé. Il y a près de mille ans que S. Gregoire de Tours escrivit cette histoire.

Consalve Fernand escrit en une sienne lettre, que les chrestiens avoient dressé une croix sur un mont du Japon : trois des principaux Japonnois la vont couper; ils n'ont pas plutost achevé, que commençant à s'entrebattre, deux demeurent morts sur la place, et ne sceut-on jamais que devint le troisiesme.

Quelques troupes françoises vinrent ces années passées sur la frontiere de nostre Savoye, en un village nommé Loëtte, et y avoit en ces compagnies quelques huguenots meslez, selon le malheur de nostre aage quelques-uns d'entr'eux entrent dans l'eglise un vendredy, pour y bauffrer certaines fricassées; quelques autres de leurs compagnons, mais catholiques, leur remonstroient qu'ils les scandalisoient, et que leur capitaine ne l'entendoit pas ainsi : ces gourmands commencerent à gausser et railler à la reformée, disant qu'aucun ne les voyoit, puis se retournant vers l'image du crucifix: Peut-estre, disoient-ils, marmouset, que tu nous accuseras, garde d'en dire mot, marmouset, et jettoient des pierres contre icelle, avec un nombre de telles parolles injurieuses; quand Dieu pour faire connoistre à ces belistres qu'il faut porter honneur à l'image, pour l'honneur de celuy qu'elle represente, prenant l'injure à soy, la vengeance s'en ensuivit quand et quand. Ils sont tout à coup espris de rage, et se rüent les uns sur les autres pour se dechirer, dont l'un se meurt

sur la place, les autres sont mesnez sur le Rhosne, vers Lyon, pour chercher remede à cette fureur qui les brusloit et defaisoit en eux-mesmes. J'ay tant ouy de tesmoins asseurez de cecy, que me venant à propos, je l'ay deu consigner en cet endroict.

Honorer la croix, c'est honorer le crucifix; la deshonorer, c'est le deshonorer. Ainsi les Juifs, Turcs, apostats, et semblables canailles, ne pouvant offenser NostreSeigneur en sa personne (car, comme dit nostre proverbe, la lune est bien gardée des loups), ils se sont ordinairement adressez à ses images. Les empereurs Honorius et Theodose tesmoignent que les Juifs de leur temps, en leurs festes plus solemnel❘les, avoient accoustumé de brusler des images de la crucifixion de Nostre-Seigneur, en mespris de nostre religion; doni ils commandent aux presidens des provinces de tenir main à ce que telles inselences ne fussent plus commises, et qu'il ne fust permis aux Juifs d'avoir le signe de nostre foy en leur synagogue.

Le vilain Persan Xenaïas, avec tous les Mahometans, ont par tout renversé les croix : Julien l'apostat leva du labare, ou estendard des Romains, la croix que Constantin y avoit fait former, afin d'attirer les gens au paganisme. Cette mesme haine qu'il portoit à Nostre-Sauveur le poussa à cet autre dessein. Eusebe escrit que la femme qui fut guerie au toucher de la robbe de Nostre-Seigneur fit peu après dresser, en memoire de ce benefice, une tres-belle statuë de bronze, devant la porte de sa maison, en la ville de Cesarée de Philippe, autrement dit Paneade, où Nostre-Seigneur estoit representé d'un costé avec sa robbe frangée, et de l'autre cette femme à genoux, tendant la main vers iceluy. Julien scachant cecy, comme raconte Sozomene, fit renverser cette statuë, et mettre la sienne au lieu d'icelle; mais cela fait, un feu descend du ciel, qui terrasse et met en pieces la statuë de Julien, laquelle demeura toute noircie, et comme bruslée, jusques au temps de Sozomene. En ce temps-là les payens briserent cette image du Sauveur, et les chrestiens en ayant ramassé les pieces, les mirent en l'eglise.

Or je finiray ce second livre, disant qu'il y a deux raisons principales pour lesquelles on honore plutost les croix que les

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