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SERMON

POUR LE DIMANCHE DE LA QUINQUAGÉSIME.

DE L'HONNEUR DEU AU SIGNE DE LA SAINCTE CROIX.

Ecce ascendimus Hierosolymam, et consummabuntur omnia quæ dicla sunt per prophetas de Filio hominis; tradetur enim gentibus, et illudetur, et flagellabitur, et conspuetur; el postquam flagellaverint, occident eum, et tertia die resurget. S. Luc. XVIII.

Voicy que nous montons en Hierusalem, et toutes les choses qui ont esté predites par les Prophestes du Fils de l'homme, seront accomplies; car il sera livré, baffoué, flagellé et mesprisé et enfin mis à mort, et le troisiesme jour il ressuscitera.

Quand un prince tient la prise de quel- | que ville ou quelque notable victoire asseurée, vous le voyez à tous propos parler de la bataille, et nous ne cessons jamais de parler de ce que nous attendons et desirons. Ce que sçauroient bien dire les voyageurs, qui desirant leur arrivée en quelque ville, ne treuvent personne à qui ils ne demandent combien le chemin est long. Ainsi Nostre-Seigneur desirant extresmement parachever l'œuvre de nostre redemption, s'approchant le temps de sa passion, il en faict des discours et predictions à ses apostres en plusieurs lieux, et particulierement en la portion evangelique que l'Eglise nostre saincte Mere nous propose aujourd'huy pour l'entretien de nos ames, où Nostre-Seigneur, comme grand capitaine, traicte avec ses apostres de la victoire qu'il devoit remporter sur le peché et ses complices; mais auparavant il discourt de la rude bataille de sa passion, ce que les apostres ne comprirent pas pour l'heure. Afin donc que nous le puissions entendre, invoquons l'assistance du SainctEsprit, etc. Ave Maria.

L'espouse celeste au Cantique, chapitre, parlant de son bien-aymé Sauveur, disoit : Fasciculus myrrhæ dilectus meus mihi, inter ubera mea commorabitur : Mon bien-aymé m'est un faisceau de myrrhe, il demeurera entre mes mammelles. Ceste epouse, ames chrestiennes, ou c'est l'Eglise, ou c'est l'ame devote qui est en l'Eglise, et comme que ce soit, par ces

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paroles qu'elle dit par le sage Salomon, elle monstre que Nostre-Seigneur, vray Espoux et de l'ame et de l'Eglise, luy estoit perpetuellement en memoire, comme le plus aymé de tous les aymez, et le plus aymable de tous les aymables. Vous sçavez que l'amitié est ennemie mortelle de l'oubly, dont les anciens, quand ils la peignoient, luy mettoient pour devise pour ses habits Estas et hyems, procul, et prope, mors et vita: l'esté et l'hyver, pres et loin, la vie et la mort; comme voulant dire qu'elle n'oublioit ny en prosperité, ny en adversité, ny pres, ny loin, ny en la vie, ny en la mort.

Mais ceste epouse ne dit pas seulement qu'elle l'aura tousjours en sa memoire, entre ses mammelles, en son sein, en son cœur; ains comme un bouquet odoriferant, pour monstrer qu'elle prendroit une grande consolation en ceste souvenance; et non seulement comme un bouquet, mais comme un bouquet de myrrhe: la myrrhe est très-soüefve à l'odeur, mais son suc est tres-amer. La chere espouse donc dit que son bien-aymé luy sera comme un faisceau de myrrhe sur son cœur, pour monstrer qu'elle se ressouviendroit à jamais des amertumes de sa passion douloureuse, fasciculus myrrha, etc. Ce qui est encore dit avec estresme elegance par le prophete royal David : Myrrha et gutta e' cassia a vestimentis tuis, ex quibus delec taverunt te filiæ regum in honore tuo (1):

(1) Psalm. XLIV.

car parlant au Messie, il luy dit: La myrrhe et la goutte d'icelle, et la casse, c'est à dire, l'odeur de ces pretieuses liqueurs, vient de tes vestemens.

Qui sont les vestemens du Sauveur? sinon son corps et son ame, comme dit l'apostre: Formam servi accipiens in similitudinem hominum factus, et habitu inventus ut homo (1). Et ce corps ici et l'ame mesme ne respirent que l'odeur de myrrhe, c'est à dire de grandes consolations provenantes d'un fondement douloureux, qui est la passion, lesquels vestemens viennent des maisons d'yvoire trespures du ciel et de la glorieuse Vierge.

C'est donc la continuelle odeur que sentent les saincts et l'Eglise, que la consolation de la passion; c'est ce qu'enseigne S. Paul Recogitate eum qui talem sustinuit a peccatoribus adversus semetipsum contradictionem, ut ne fatigemini animis vestris deficientes (2). Ressouvenez-vous de celuy qui a soustenu et souffert une si grande contradiction de la part des pecheurs, afin que vous ne perdiez point courage. Et à quoy luy-mesme nous excite, disant: Ovos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus: O vous tous qui passez par la voye de ce monde, considerez et voyez s'il y a douleur semblable à la mienne. Ce qui a esmeu l'Eglise vraye espouse de Nostre-Seigneur, à tascher par tous moyens de maintenir en la memoire de ses enfans et disciples, la passion de nostre divin Sauveur; et partant entr'autres, aujourd'hui elle met cet Evangile en avant, elle dedie à cette commemoration tout le caresme, elle la represente au sainct sacrifice de la Messe, à tous coups elle en parle, et pour briefvement à toutes les heures rafraischir ceste souvenance, elle enseigne à chacun de faire le signe de la croix à tous propos. En ses eglises elle propose incontinent le crucifix, en ses processions le crucifix, sur les eglises, aux chemins, et en tous ses exercices elle met tousjours le signe de la croix et de vray comment pourroit-elle plus proprement et briefvement representer à nostre entendement la passion de Nostre-Seigneur?

Mais parce que sur ce faict on a voulu censurer l'Eglise, et nos adversaires ont (1) Philip. 1.- (2) Hleb. xii.

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voulu dire qu'il y avoit de la superstition, il nous faut un peu arrester pour voir leurs raisons, et ne penser pas que ce soit hors de propos; car les raisons que les adversaires tiennent estre les principales contre l'usage du signe de la croix, sont sans aucune force. Allons. par ordre en ce faict, car il y a plusieurs difficultez entre l'Eglise et les adversaires.

La premiere est, que les adversaires soustiennent qu'il n'en faut point faire, et s'il y en a de faites, les rompre et les gaster. L'Eglise dit le contraire, et voicy nos raisons.

4. La memoire de la passion est utile, comme j'ay dit et diray: Dites-moy, au nom de Dieu, pourquoy ne sera-t-elle aussi utile en signe comme en parole? Et qui ne voit que s'il est utile aux fideles de leur ramentevoir la passion de Jesus-Christ par paroles, il le sera aussi de la leur representer par signes.

2. Nostre-Seigneur mesme honorera sa croix, pourquoy donc ne l'honoreronsnous pas? Or qu'il soit vray, en S. Matthieu 24, il est dit: Entre les autres signes et prodiges qui arriveront au jour du jugement, que le signe du Fils de l'Homme apparoistra au ciel: Signum apparebit Filii hominis in cœlo.Quel signe? la croix, sans doute, mes freres, car quel autre signe, je vous prie? L'estendart de ce prince paroistra, il n'en faut pas douter, car tous les peres interpretent ainsi l'Escriture. Je sais bien que Calvin et les autres citez chez Marlorat, interpretent : Signum, id est, Filius ipse hominis, qui tam manifeste apparebit, ac si edito signo omnium in se oculos convertisset. Voyez un peu comme on manie l'Escriture: quand il y a signum, ils interpretent rem ipsam : quand il y a corpus, ils interpretent signum.

Mais outre ceste apparition nous en avons d'autres, lesquelles, quoy que non si authentiques, sont neantmoins dignes de foy. Car Eusebe raconte, Constantin le Grand la vit, comme luy-mesme recite, avec ces mots: In hoc signo vinces (1), tu vaincras en ce signe. Puis du temps de Constance sur le mont d'Olivet. Au temps de Julien l'apostat, voulant iceluy faire re

(1) Eus., liv. 1 Vita Const. Cyrill. Hier. et hac de re Naz., or. Jul. Prosp. la lib. de Promiss. divinis.

dresser le temple judaïque en desdain des catholiques, il apparut un cercle argentin au ciel avec la croix. Au temps d'Arcadius quand il alloit contre les Persans. Du temps d'Alfonce Albuguergue de Bargua en l'une des contrées des Indes, il en apperceut une.

3. Par ce que l'Eglise en a practiqué des les premiers siecles, tesmoin S. Denis en sa hierarchie ecclesiastique, où il dit qu'en toutes choses on usoit du signe de la croix. Justinus ad Gentiles respondet, cur ad orientem orent Christiani, cur dextera se signent, et aliis benedicant cum signo crucis? Quia, ait, meliora sunt danda Deo (4). Tertullien dit que les fideles faisoient le signe de la croix à chaque pas, ad omnem progressum, etc.

Vous semble-t-il pas que nous avons raison de suivre plustost la practique de l'ancienne Eglise, que les fantaisies et difficultez de ces nouveaux venus? Or quelles raisons, je vous prie, proposent-ils?

4. Que la croix fut dommageable à Nostre-Seigneur, donc elle est detestable. Mais si le signe et l'instrument de la douleur que Nostre-Seigneur souffrit est detestable, la douleur mesme et la passion de Nostre-Seigneur le seroit bien davantage; la croix n'avoit point de mal en soy, et fut embrassée volontairement de NostreSeigneur, et par icelle il est arrivé à sa gloire et exaltation, comme dit S. Paul aux Philippiens: Humiliavit semetipsum propter quod, etc.

2. Parce que l'enfant seroit fol, qui se plairoit à voir le gibet où son père auroit esté pendu; ne pensons donc plus à la passion.

Response. Mais si la passion de JesusChrist n'est pas seulement un supplice, ains un sacrifice, certainement la croix est nonseulement un gibet, mais un autel sur lequel a esté consommé l'œuvre de nostre redemption en ceste qualité elle doibt estre en veneration à tous les fidèles, sa memoire leur doibt estre recommandable, et son signe precieux. Et miserables sont ceux qui le rejettent avec tant de mespris et d'horreur, car par cela ils donnent à cognoistre qu'ils n'ont point part à ce qui a esté operé en la croix, etc. Et comment peut-on accorder ceux qui estiment se ren(1) Lib. de cor. militis.

dre ignominieux par la croix, avec S. Paul, qui dit, qu'il ne se veut plus glorifier qu'en la croix de Nostre-Seigneur Jesus-Christ: Absit mihi gloriari nisi in cruce Domini nostri, etc. Galat. 6. Prædicamus Christum crucifixum; Judæis quidem scandalum, Gentibus autem stultitiam, ipsis autem vocatis Judæis atque Græcis Christum Dei virtutem et Dei sapientiam. Non enim indicavi me scire aliquid inter vos nisi Jesum et hunc crucifixum. I. Corinth. Multi ambulant quos sæpe dicebam vobis inimicos crucis Christi. Philip. 3.

De plus nos adversaires disent, qu'il ne faut pas luy porter l'honneur qu'on luy porte; l'Eglise au contraire. Voici les raisons pourquoy :

Premierement tout ce qui est consacré à Dieu est digne d'estre honoré; ou ceste saincte figure est dediée à Dieu, donc, etc., que tout ce qui est dedié à Dieu soit digne d'estre honoré, on le prouve parce que l'Escriture l'appelle quasi partout sainct. Pourquoy appelle-t-on le dimanche sainct? Pourquoy l'escabeau des pieds, sainct? Solve calceamenta pedum, locus enim in quo stas, terra sancta est (4). Le psalmiste: In noctibus extollite manus vestras in sancta, id est Deo dicata; et au psal. 98: Adorate scabellum pedum ejus quoniam sanctum est. Cet escabeau est le temple, comme disent les Chaldeens; c'est l'arche de l'alliance, comme disent les Hebreux, et comme que ce soit c'est tousjours pour nous, et on infere de là efficacement, que cette saincte figure est digne d'estre honorée, puisqu'elle est consacrée à Dieu.

3. A raison de tout ce qui est dit cy-devant car si Nostre-Seigneur l'a colloquée au ciel, s'il l'a montrée avec de si signalez effets, n'est-ce pas nous la rendre honorable?

4. Parce que la croix nous a esté comme le sceptre et siege royal de Nostre-Seigneur. Et principatus ejus super humerum ejus, au psalm. 95. Commoveatur a facie ejus universa terra. Dicite in gentibus quia Dominus regnavit (2). Selon la version des septante interpretes, il y avait a ligno (3). Mais au recit de Justin, les Juifs osterent ce mot.

Si donc la croix est le signe du pouvoir (1) Exod. H. — (2) Isa. ix. — (3) In dial. cum Triphon

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6. Parce qu'en sa figure qui estoit le serpent d'airain, elle fut honorée avant que d'estre (1), pourquoy non en sa memoire après avoir esté? Et sicut exaltavit Moyses serpentem, ita exaltari oportet Filium hominis (2).

7. Parce que cette veneration est tresancienne en l'Eglise, Tertullien respond aux Gentils qui tançoient ceux qui adorent la croix, Constantin defendit qu'on y pendist plus personne, afin qu'elle fust en honneur et non pas en horreur: Ut honori esset, non horrori. Aug. Serm. 48 de verbis. Theodose defendit qu'on ne la peignist plus en terre. Cum vidisset humi crucem, erigi jussit, dicens, cruce Domini frontem et pectus munire debemus, et pedibus eam

5. Pour les grands effects qu'il plaist à Dieu de faire par ce memorial, et particulierement contre les demons qui le haïssent, de quoy Lactance rend tesmoignage, 1. 2. c. 27, et Greg. Naz. orat. 2 et 4, interimus (3). Jul. Il vit parmy les sacrifices et augures les diables, comme il desiroit; il se signe, ils disparaissent. A quoy tendent toutes ces visions? etc. (1) Joan. zz.

8. Nos anciens portoient la croix au col, comme tesmoigne S. Gregoire Nissene de sa sœur Macrine, etc.

(1) Num. XXI. — (2) Joan. 111.Rom.

(3) Paul. diac. lib. reg

SERMON

POUR LE MERCREDY DES CENDRES.

Dum jejunatis nolite fieri sicut hypocritæ tristes, exterminant enim facies suas, ul pareant hominibus jejunantes. MATTH. VI.

Quand vous jeusnerez, dit Nostre-Seigneur, n'imitez point les hypocrites, qui paroissent tristes et abattus de visage, afin que leur jeusne soit connu des hommes.

Ces quatre premiers jours de la saincte | quarantaine sont comme le fondement et l'entrée d'icelle, et en iceux nous nous devons specialement preparer pour bien observer le caresme, et nous disposer à bien jeusner la saincte quarantaine; c'est pourquoy j'ay dessein de vous parler en cette exhortation, des conditions qui doivent accompagner le jeusne, pour le rendre bon et meritoire devant Dieu; mais briefvement et le plus familierement qu'il me sera possible: ce que j'observeray tousjours, tant au discours que je feray aujourd'huy, qu'en ceux que je desire vous faire tous les jeudis et dimanches du caresme, qui seront les plus

simples et propres pour vostre instruction, que je pourray.

Or pour parler maintenant du jeusne, et de ce qu'il faut faire pour bien jeusner; il faut avant toutes choses sçavoir, que le jeusne de soy n'est pas une vertu, quoy que souventes fois il en soit un acte; car les justes et les pecheurs, les chrestiens et les payens, jeusnent et les anciens philosophes jeusnoient souvent, et recommandoient fort le jeusne, sans que pour cela l'on pust dire qu'ils fussent vertueux, ny qu'ils pratiquassent une vertu en jeusnant, puisque le jeusne de soy n'est pas une vertu, sinon en tant qu'il est acconi

pagné des conditions qui le rendent agreable à Dieu, d'où vient qu'il profite aux uns, et non aux autres, parce qu'il n'est pas practiqué egalement de tous; ce qui se void souvent aux personnes du monde, lesquelles pensent que pour bien jeusner, il ne faille sinon se garder de manger des viandes prohibées. Or cette pensée est trop grossiere, pour entrer dans l'esprit des religieuses et personnes dediées à Dieu, comme sont celles à qui je parle, lesquelles savent bien qu'il ne suffit pas pour bien jeusner, de jeusner exterieurement, si l'on ne jeusne encore interieurement, et si le jeusne de l'esprit n'accompagne celuy du corps.

C'est pourquoy Nostre-Seigneur, qui a institué le jeusne, a bien voulu enseigner à ses apostres comme il falloit jeusner, pour en tirer du profit et de l'utilité; car scachant que pour tirer la force et l'efficace du jeusne, il falloit faire autre chose que de s'abstenir des viandes prohibées, il instruisit ses disciples, et en leurs personnes tous les chrestiens, des conditions qui le doivent accompagner, ainsi que nous voyons en l'Evangile de ce jour.

Or le jeusne bien practiqué a ceste proprieté de fortifier l'esprit, et l'elever à Dieu; de mortifier la chair et la sensualité, et l'assujettir à la raison; de donner force pour vaincre et amortir les passions, et surmonter les tentations; et par le jeusne le cœur est mieux disposé pour servir Dieu plus purement, et s'occuper ès choses spiri

tuelles.

J'ay donc pensé que ce ne seroit pas une chose inutile, de vous dire ce qu'il faut faire pour bien jeusner la saincte quarantaine; car bien que tous les chrestiens soient obligez de le sçavoir et de le practiquer, si est-ce que les religieuses et personnes dediées à Dieu, y ont une plus particuliere obligation. Or entre toutes les conditions requises pour bien jeusner, je me contenteray de vous en marquer trois principales, sur lesquelles je vous diray familierement quelque chose.

La premiere condition est, qu'il faut jeusner de tout son cœur, c'est à dire de bon cœur, generalement et entierement. S. Bernard parlant du jeusne, dit qu'il faut sçavoir non seulement pourquoy il a esté institué, mais encore comme il se doit gar

der. Il dit donc que le jeusne a esté institué de Nostre-Seigneur, pour remede a nostre bouche et à nostre gourmandise : et pource que le peché est entré au monde par la bouche, il faut aussi que ce soit la bouche qui fasse penitence, par la privation des viandes prohibées et defendues par l'Eglise, en s'abstenant d'icelles l'espace de quarante jours. Mais, dit ce glo rieux saint, comme ce n'est pas nostre bouche seule qui a offensé Dieu, ains aussi tous les autres sens et membres du corps; il faut que nostre jeusne soit general et entier, et que nous les fassions tous jeusner par la mortification; car, comme dit ce grand saint, si nous avons offensé Dieu par les yeux, par les oreilles, par la langue, et par tous les autres sens du corps, pourquoy ne les ferons-nous pas jeusner?

Or non seulement pour bien observer le sainct-jeusne, il faut faire jeusner les sens exterieurs du corps, mais encore les puissances et facultez interieures de l'ame, c'est à dire l'entendement, la memoire et la volonté, d'autant que l'homme a peché, et du corps, et de l'esprit.

Helas! combien de pechez sont entrez en l'ame par la convoitise des yeux, et par les regards dereglez! c'est pourquoy il les faut faire jeusner en les portant baissez, et ne leur permettant pas de regarder des choses vaines et illicites; il faut aussi faire jeusner les oreilles, les empeschant d'entendre des discours superflus et inutiles, qui ne servent à rien que de remplir l'esprit de vaines images et representations; il faut aussi faire jeusner la langue, ne luy permettant pas de dire des choses inutiles et superfluës; en somme, il faut retrancher les discours vagabonds de l'entendement, les vaines images et representations de nostre memoire, et tenir la bride à nostre volonté, à ce qu'elle n'ayme ny ne tende qu'an souverain bien, et par ce moyen accompagner le jeusne exterieur du corps, de l'interieur de l'esprit.

C'est ce que nous veut representer l'Egliso en ce sainct temps de caresme, nous exhortant de faire jeusner nos yeux, nos oreilles et nostre langue, et pour cela elle quitte tous ses chants de rejouyssance, afin de mortifier l'ouye, ne disant plus d'alleluya, qui est un chant d'allegresse, et se revest de couleur sombre et obscure,

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