Sayfadaki görseller
PDF
ePub

réalise l'idéal, qui possède l'infini, il doit infailliblement arriver, lorsque les autres tendances s'altèrent, lorsque l'activité suit la mauvaise alternative, que l'instinct religieux s'altère à son tour; d'autant plus funeste dans sa corruption qu'il est plus puissant. L'être humain peut commencer par dégénérer en détail; mais il finit par dégénérer en masse; si une de ses forces se pervertit, toutes se pervertissent. Comment la raison, la conscience, la tendresse, la sensibilité pouvaient-elles perdre leur force, leur pureté, sans que la religiosité perdit la sienne 70? Comment l'homme pouvait-il se méconnaître lui-même et méconnaître l'humanité, sans méconnaître Dieu? On peut renverser les termes; l'inverse sera également vrai. Et il ne s'agit nullement ici de faire de la chronologie morale, de rechercher quelle tendance s'est corrompue la première; il n'y a pas d'ordre dans ce désordre, et l'être humain a très-probablement vicié toutes ses tendances à la fois. Mais il suffit à notre thèse que, l'une se corrompant, toutes dussent se corrompre. L'homme, déchu, demeurait un être religieux, comme il demeurait un être intelligent, moral, affectueux et sensible; mais sa religiosité, comme toutes ses facultés, s'est dégradée dans la dégradation

commune.

L'idolâtrie n'est que le point extrême de la corruption du sens religieux. Elle n'est pas plus que le faux, le mal, les affections désordonnées et les habitudes d'égoïsme, une institution; l'idolâtrie est un oubli. C'est une dégénérescence, c'est une dégradation de l'idéal; c'est une limitation de l'infini; c'est la notion de Dieu telle que l'humanité déchue pouvait se la donner et la constituer en religion et en culte ; c'est le ciel vu de la profondeur de la chute : quoi d'étonnant que du fond de cet abime l'homme n'ait longtemps discerné qu'un coin de l'azur et se soit trompé sur son immensité et sa splendeur?

La ressemblance croissante de l'homme et de Dieu est, avons-nous dit, le but de la création, la direction normale du progrès, l'alternative légitime de l'activité : le danger immense de l'idolâtrie est qu'elle consiste en un renversement, en un revirement des points de ressemblance, des termes de comparaison 71. L'homme n'est plus occupé à s'assimiler à Dieu; tout au contraire, Dieu, dans l'idolâtrie, est de plus en plus assimilé à l'homme, le ciel à la terre, l'immortalité à la vie, les suites de la mort aux antécédents de la mort. L'adorateur idolâtre met la divinité à son niveau 72, et cette parité a été complète au point de comprendre les vices. L'idolâtrie défigure l'Etre suprême; l'idolâtrie est un masque mis sur la face de la vérité divine.

Or, sur la monogamie et la polygamie de l'antiquité plane l'idolâtrie, plus puissante que toutes deux 73.

Chez les races stationnaires, l'idolâtrie croupissait pour ainsi dire au milieu de leurs mornes corruptions, en les consacrant 74.

Chez les races mobiles, l'idolâtrie, chatoyante et variable, suivait le torrent rapide des iniquités, en les facilitant à mesure et les sanctifiant au besoin 75.

Et chez les races mobiles, l'idolâtrie devait exercer une influence plus funeste que chez les races stationnaires, influence qui contre-balançait largement les avantages de la monogamie, par cette raison bien simple que l'idolatrie, quand elle devient en quelque sorte mobile entre les mains des peuples de ce caractère, s'avance d'erreur en erreur. Chaque génération renchérit sur les folles saintetés des précédentes. Le propre des ténèbres est d'aller s'obscurcissant.

CHAPITRE XXXIX.

Choix du point du globe où s'accomplit la Rédemption.

Les principaux peuples mobiles de l'antiquité ont toujours habité les pays baignés par la Méditerranée; leurs cités ont couvert ses rivages; leurs flottes ont sillonné ses ondes; l'échange des idées s'est fait pendant des siècles le long de ses côtes ou d'un de ses bords à l'autre bord; l'Olympe païen se réfléchissait dans ses eaux, et le génie mobile semble être sorti de leur sein, comme la déesse de la beauté selon les mythes de ces mêmes nations.

Au fond de cette mer intérieure et à distance égale des trois continents; en conséquence, au centre historique de l'ancien monde, du monde s'éloignant de Dieu, Dieu a placé le théâtre de la rédemption 76.

[ocr errors]

Une vue historique d'une grande valeur vient confirmer tous les aperçus qui précèdent : les seuls peuples non riverains de la Méditerranée, dont le génie a exercé une véritable influence sur la marche de l'humanité, dont l'action s'est fait sentir à distance et de contre-coup en contre-coup a pénétré jusqu'en Europe et parmi les peuples destinés à conserver et à répandre le christianisme, sont l'Assyrie, Babylone et les Perses. Ces peuples appartiennent aux premiers fleuves de l'Asie intérieure, et non au bassin de la Méditerranée. Mais aussi ces peuples sont les voisins des Juifs, placés entre eux et cette mer intérieure ; l'histoire des Juifs est inséparable de la leur; grande et curieuse preuve qu'en choisissant la Terre promise pour sanctuaire de la vérité religieuse pendant le règne du polythéisme, pour champ d'action des merveilles de la rédemption, la Provi

dence a voulu préparer de loin ses voies parmi les hommes et mettre en quelque sorte à son service les forces intellectuelles les plus puissantes dont l'histoire ait gardé le souvenir et dont l'humanité ait recueilli les fruits.

CHAPITRE XL.

Choix du Peuple Hébreu, Témoin de la Rédemption et Gardien de la
Révélation.

Le peuple chez qui la rédemption doit s'accomplir, le peuple pour qui la rédemption sera, non-seulement le salut, mais un événement de son histoire, prend rang parmi les peuples polygames 77 et stationnaires 78.

La qualité de peuple stationnaire convenait mieux à ce long et paisible mandat de patience, que celle de peuple mobile. L'héréditaire tranquillité d'une race faisant halte dans la polygamie s'accordait plus aisément avec le devoir d'espérer que l'impétueuse activité des peuples monogames.

Il a été reconnu que la rédemption devait être annoncée pour être possible; le peuple à qui Dieu réservait de compter le Rédempteur parmi ses concitoyens et de le voir à l'œuvre, a dû être, sinon le premier, du moins le plus clairement averti de sa venue. Son mandat était de l'attendre 79.

Cette attente a fait la vie religieuse et sociale et la responsabilité de ce peuple.

Ce mandat divin était nécessairement unique, puisqu'il ne pouvait y avoir qu'une seule rédemption et un seul Rédempteur 80.

Le choix du peuple juif, pour le remplir, était nécessairement indépendant de toute considération de politique et de sagesse humaine 81.

Et comme la rédemption mème est gratuite, le mandat préparatoire était gratuit, et constituait une charge, une tâche, une vocation, et non une récompense. une gloire acquise par des services rendus à la vérité ou des sacrifices faits à la vertu 82.

Ce choix du peuple juif entraînait néanmoins pour lui une immense responsabilité 83.

Enfin, ce choix, de la part de Dieu, était indépendant au point que toute autre race, toute autre nation aurait pu en être l'objet 84.

Et de tout ce qui précède résulte cette curieuse et féconde remarque, que la Providence s'imposait en quelque sorte l'obligation de ne rien négliger des secours nécessaires pour que la race d'Abraham pût s'acquitter de sa tâche 85.

La révélation, témoignage et condition indispensable d'une rédemption, n'a pu se trouver qu'entre les mains du peuple à qui était divinement destiné l'avantage périlleux (périlleux par la responsabilité qu'il entraînait) d'assister comme acteur et témoin aux faits de la rédemption et d'en profiter avant tous 86.

Cette nation, comme toutes les nations, a ses historiens, ses poëtes, ses moralistes, ses philosophes, ses théologiens, et sa littérature sera l'expression de la révélation, d'après le principe constant que la littérature est l'expression de la société, ou pour mieux dire de ce que la société pense et croit.

En conséquence, dans sa forme et dans son langage, il est de toute nécessité que la révélation soit juive.

Nous retrouvons ici l'idée que la révélation, comme la rédemption, aura un double aspect; annonce et histoire de celui qui est l'Emmanuel et notre frère et qui n'est notre

« ÖncekiDevam »