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(Mercredi 18 mars 1818.)

(N°. 376.)

De la réunion des luthériens et des calvinistes.

SECOND ARTICLE.

Nous avons remarqué, dans un premier article (tome XIV, page 241) la tendance des églises protestantes vers le socinianisme sur la fin du 17. siècle, et les progrès de ces opinions larges et commodes qui, sous le nom de tolérance, tendoient à établir l'indifférence absolue. L'Angleterre et la Hollande surtout étoient travaillées de ce mal intestin, et nous avons vu Jurieu luimême, quoique latitudinariste assez prononcé, gémir de la défection de ses collègues, et de la plaie qui menaçoit de dévorer chaque jour cette réforme, où l'autorité n'étoit plus rien, et où une orgueilleuse raison, abandon. née à elle-même, flottoit entre les systêmes, et aspiroit à faire de nouvelles découvertes en religion, commie dans des terres inconnues, et dans des sciences susceptibles de perfectionnement. Cette disposition des esprits ne fit que s'accroître dans le 18. siècle, et les progrès des idées philosophiques se joignirent aux opinions sociniennes pour atténuer de plus en plus l'attachement aux dogmes respectés par les premiers réformateurs.

La contagion s'étendit particulièrement en Allemagne, où l'esprit de discussion et de recherche prévalut aussi sur les croyances. On voulut tout examiner, tout expliquer, et on nia hardiment ce qu'on ne pouvoit concevoir. Celui-ci effaçoit un dogme incommode, celui-là nioit un mystère trop haut pour sa foible raison. Les vérités les mieux établies trouvoient des contradicteurs, les règles les plus certaines étoient méconnues. Des hommes hardis soumirent tout le corps de la foi à leurs lumières. Semler, Eberhard, Doederlein firent les preTome XV. L'Ami de la Religion et du Roi.

K

miers pas dans cette carrière, et donnèrent une impul sion qu'on ne suivit que trop. De leur vivant même, ils se virent dépassés par leurs disciples, et quelques-uns d'eux voulurent en vain replacer les bornes qu'ils avoient arrachées. Chacun se faisoit son systême; tout dans la théologie devenoit arbitraire ou problématique. C'est surtout vers 1760 que s'accrédita, en Allemagne, ce qu'on y appelle la nouvelle lumière, ou la nouvelle exégèse. L'orthodoxie devint une chose ridicule pour les beaux esprits et les investigateurs modernes. On minoit sourdement la révélation par des interprétations artificieuses. L'un ne voyoit dans le christianisme qu'une grande allégorie, où il falloit séparer la vérité de l'emblême. L'autre expliquoit la Bible comme une mythologie plus ou moins ingénieuse, d'où les mystères et les miracles disparoissoient l'un après l'autre. Ce n'étoient là, disoit-on, que des formes qui convenoient à un peuple enfant, mais qui ne pouvoient soutenir la lumière de la science chez des nations perfectionnées. Dans ce systême tout s'applanit, tout est naturel. On explique les miracles avec de la physique, de l'électricité et du galvanisme. On vous dit que quand Jésus-Christ marchoit sur les flots, cela signifie qu'il marchoit sur le rivage. Sa naissance, son histoire, sa mort, tout est dénaturé par des commentaires forcés, et même travesti d'une manière licencieuse et ridicule. La littérature biblique ne s'exerça presque plus que sur des conjectures qui tendoient toutes à effacer le caractère de divinité de nos livres saints.

La Bibliothèque de Nicolaï, commencée en 1766, a contribué plus qu'aucun autre livre à propager l'irréligion. Ce journal avoit beaucoup de vogue, et le sociniauisme y étoit insinué d'une manière d'autant plus efficace qu'elle étoit plus adroite. Kant et ses disciples fortifièrent, par des abstractions, cette tendance à l'incrédulité. Le long règne d'un prince qui ne faisoit aucun acte de religion, et qui ne dissimuloit pas son mépris pour

elle, fit à ses Etats, sous ce rapport, une plaie 'profonde. Aujourd'hui, dit un écrivain, on voit dans l'Allemagne protestante le pasteur, le professeur, qui montent en chaire pour précher l'Evangile au peuple, et pour former des ministres futurs, jeter dans leurs instructions le doute sur les doctrines reçues en théologie, ou ébranler les principes et la vérité des faits sur lesquels repose la loi chrétienne, sans que le public y trouve à redire; tant est grande la révolution que les écrits d'Eberhard et des théologiens de son parti ont produite en quelques années dans les opinions des classes supérieuses de la société (Biographie universelle, tom. XII, article Eberhard, par M. Stapfer). Une foule d'écrivains donnoient à l'opinion publique une direction dans ce sens. Basedow, Bahrdt, Schulz, Ackerman, Teller, Bauer, Hencke, Hafner, sout parmi les modernes ceux qui ont le plus contribué à égarer leurs compatriotes, et à populariser l'irréligion dans les universités et dans la littérature.

Dans un tel état de choses, un projet de réunion n'est qu'une affaire de forme. Quand on ne croit pas, on n'a plus de répugnance à s'unir, en apparence, à qui ne croit pas davantage. Il ne s'agit plus du fond, mais de l'apparence. Loin de chercher à éclaircir les controverses, on les regarde toutes comme inutiles et oiseuses. Les croyances ne sont plus que des nuances d'opinions fort indifférentes en soi. Les confessions de foi ne sont que des formules qui n'ont pas de sens, ou qui en changent au gré de chacun. Engager des gens qui en sont venus à ce point à se réunir dans l'exercice d'un même culte, c'est comme si on leur disoit : La chose n'est pas assez importante pour que vous restiez divisés; s'il étoit question d'intérêts temporels, vous ne voudriez pas compromettre vos droits, c'est tout simple. Aussi ne s'agit-il ici que de choses spéculatives, de dogmes que personne ne prend au pied de la lettre, de croyances indifférentes, de religion enfin. C'est ainsi qu'on raisonne et même

qu'on procède, et ce qui s'est passé récemment en Allemague n'est que l'application de cette théorie.

C'est dans le duché de Nassan que s'est donné le premier signal de ce simulacre de réunion. Deux ministres en suggéèrent l'idée au prince, qui la goûta. On convoqua un synode général de tous les ministres du duché, au nombre d'environ quarante, qui délibérérent en présence des commissaires de la cour. On partit de la supposition qu'on étoit d'accord sur les points essentiels, ce qui n'est pas; car assurément il existe entre les luthériens et les calvinistes des différences assez impordantes. Mais on n'a voulu y voir que des subtilités de l'école, et on n'a même pas agité cette matière. L'essentiel étoit l'extérieur du culte et la manutention des biens, et il n'a été question que de cela. Au bout de quatre jours, tout s'est trouvé décidé, grace à la tolérance et à la prestesse réciproque des négociateurs; et, de 9 août 1817, l'assemblée a porté sa décision, qui feroit un beau chapitre à ajouter à l'Histoire des Varia tions des églises protestantes. On est convenu que les deux communions réunies prendront le titre d'église évangélique-chrétienne, avec permission à chacun d'entendre l'Evangile comme il voudra. Les biens seront réunis en un seul fonds; les pasteurs des deux cultes resteront ensemble dans les lieux où il y en a deux, et donneront la communion au même autel, suivant le rit de la liturgie palatine, que l'on adopte provisoirement. Ce provisoire va très bien avec tout le reste. Les ⚫vieillards, qui tiendront à l'ancienne manière, recevront la communion à part. Telle est la substance de ce pacle; et afin que la conclusión réponde à tout ce qui précède, il étoit marqué que l'acte seroit envoyé au duc de Nassau, pour avoir sa sanétion; car il étoit clair que c'étoit à lui de confirmer, par son autorité, cette délibération. Le jeune prince, en effet, n'a pas été plus difficile que ses ministres, et la réunion a été décrétée. On a fait la cène ensemble, sans se soucier si Jésus-Christ y est pré

sent en réalité, comme le veulent les luthériens, on en figure, comme le soutiennent les calvinistes. Cela n'a pas paru assez important pour fixer un moment l'attention de ces pasteurs évangéliques, et ils veulent se persuader qu'ils sont d'accord par cela seul qu'ils observent les mêmes pratiques, sans s'embarrasser da zens que chacun y attache, et des dogmes qu'il professe.

Ce brillant résultat a fait la plus vive sensation en Allemagne. Calvinistes et luthériens, tout le monde s'est ébranlé. On a couru au-devant les uns des autres; on s'est embrassé. On a fraternisé dans les mêmes temples; on a crié: Paix! paix! tandis que nous pourrions dire avec l'Ecriture: Et il n'y avoit point de paix, dit le Seigueur. Ce fantôme d'union n'existe que sur les lèvres; le cœur n'est pas change. L'indifférence seule a opéré ce rapprochement. On a consenti à adopter les mêmes rits, parce qu'on ne les regarde plus que comme des cérémonies sans conséquence. Ce n'étoit pas ainsi que raisonnoient les premiers réformateurs. Avec quelle force Luther tonuoit contre les sacramentaires, et combien ceux-ci étoient éloignés de souscrire à tous les articles de la confession d'Augsbourg! Après trois siècles de séparation et de dispute, il est bien temps de venir dire que les différences sont nulles! et s'il en est ainsi, pourquoi donc tant de divisions, de guerres et de sang? Les protestans de nos jours ne peuvent donc se réunir sans condamner leurs pères, et ceux-ci, de leur côté, ne verroient sans doute dans leurs fils que des hypocrites. Ce n'est plus une communion, diroient-ils, que cet assemblage de gens qui n'ont pas la même croyance, et qui ne se réunissent même que parce qu'ils n'en ont aucune; qui participent à la cène sans y attacher aucune idée; qui suivent des rits un jour, et d'autres rits le lendemain; qui passent sans façon d'une confession de foi à l'autre, et auxquels, le temple, le ministre, le culte, les instructions, tout est égal, La religion n'est plus rien si elle n'est pas la croyance du coeur, et si

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