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Jugement de Bruneau.

Ce jugement a été prononcé, le 19 février, à Rouen. Le tribunal étoit rempli d'une foule de curieux. Le considérant porte qu'il est constant que le prévenu est Mathurin Bruneau, né à Vezins, le 10 mai 1784; qu'il a pris de faux noms et de faux titres, a abusé de la crédulité de plusieurs personnes, et est parvenu à leur escroquer des habillemens et des sommes d'argent; qu'il est sans moyens d'existence, sans domicile, sans profession; et qu'il s'est conduit, pendant les débats, de la manière la plus injurieuse. En conséquence, le tribunal le condamne à 3000 fr d'amende, et cinq ans de prison; et de plus, en deux autres années de prison pour sa conduite pendant les débats. L'accusé restera de plus à la disposition du gouvernement, après l'expiration de sa peine; il payera les trois quarts des dépens. Branzon est déclaré complice de Bruneau pour l'usurpation des faux titres, mais non pour les escroqueries; il est condamné en deux mois d'emprisonnement, et au quart des dépens. Le jugement porte, en outre, qu'il n'y a pas de charge suffisante contre Tourly et la femme Dumont; et qu'il n'y en a aucune contre le sieur abbé Matouillet. En conséquence, ils sont acquittés de toute action intentée contre eux. Bruneau a montré moins de violence qu'à l'ordinaire. Ainsi s'est terminée cette affaire, qui a fait éclater dans tout son jour l'imposture la plus mal tissue, et le caractère le moins propre à faire illusion.

Nous avions parlé du départ de trois missionnaires qui s'étoient embarqués sur l'expédition partie pour Cayenne, le 13 septembre dernier. On vient de recevoir des nouvelles satisfaisantes de leur voyage. Ils ont fait le trajet sur la frégate la Flore, qui portoit le gouverneur, M. Carra-Saint-Cyr, sa femme, les sœurs de la Charité, et une vingtaine de passagers. L'Hector, vaisseau de 74 canons, deux gabarres, une corvette et deux goëlettes, complétoient l'expédition. Le vent a été générale ment favorable. Le 5 octobre, on a passé le Tropique. Le 16 du même mois, la division a essuyé un coup de vent très-violent, qui a dispersé tous les bâtimens. Ils ne se sont ralliés que successivement, à l'exception de la goëlette le Serin, dont on n'avoit pas encore de nouvelles. Les missionnaires occupoient, dans la frégate, un poste séparé, où ils couchoient, prenoient leurs repas, et faisoient leurs exercices de piété. M. Guillier, vice-préfet apostolique, disoit la messe les dimanches et fêtes dans la batterie; tout le monde y assistoit, et on en donnoit avis aux autres bâtimens de la division, par un signal conQuand le missionnaire vouloit dire la messe ces semaines, et que le temps le permettoit, alors c'étoit dans son poste.

venu.

Un des matelots s'est adressé à lui dès les premiers jours, s'est confessé et a communié. Les deux autres missionnaires', MM. Girardon et Viollot, n'ont pu dire la messe que le jour de la Toussaint.

Le 2 novembre, de grand matin, on découvrit la terre; dans la nuit, on doubla le cap Orange; et le 3, à sept heures du soir, on inouilla à trois ou quatre lieues au large devant Cayenne. M. Guillier écrivit à M le Grand, préfet apostolique à Cayenne, pour lui annoncer son arrivée, à laquelle celui-ci ne s'attendoit nullement. Le 6, les missionnaires débarquerent, ainsi que les sœurs. Le 8, à dix heures du matin, s'est faite la remise de la colonie, qui a été suivie du Te Deum. Tout s'est passé avec tranquillité et célérité. L'arrivée de la division a surpris tout le monde ; on ne l'attendoit qu'à la fin du mois, et la récolte n'avoit pu encore être emportée. Les habitans de la colonie, et même les nègres, ont témoigné une grande joie de se retrouver sous la domination françoise. M. le gouverneur, par des motifs de prudence et de ménagement pour les Portugais, qui ne sont pas encore partis, auroit voulu plus de modération dans les signes de l'allégresse générale; mais on n'a pu contenir l'enthousiasme. L'illumination a été géné rale. Le nom du Roj étoit mêlé aux expressions de la joie, et la présence des missionnaires a paru être agréable aux colons et aux nègres.

M. le Grand surtout, le préfet apostolique, qui se trouvoit seal depuis long-temps, remercie Dieu de fui avoir envoyé des coopérateurs. Je ne puis assez vous exprimer, écrit-il à M. Bertout, supérieur du séminaire du Saint-Esprit, la satisfaction que j'éprouve de l'arrivée de ces bons et saints prêtres que vous nous avez procurés. Je dois cette grâce aux prières des bonnes armes qui étoient touchées de notre triste situation. Ma joie est parfaite, et j'ai la satisfaction de voir que tous les habitans de cette colonie, de quelque couleur qu'ils soient, sont dans les mêmes sentimens. Je suis guéri de toutes mes infirmités, et l'arrivée des François a fait en moi une heureuse révolution. Me voilà rajeuni au moins de dix ans. Je remercie la Providence de ce secours; mais c'est par vos soins que l'avons obtenu. Agréez, mon cher confrère, les sentimens de ma reconnoissance. Nous avons donc des prêtres; mais nous n'avons pas d'églises. La révolution les a détruites, et les malbeureuses circonstances où nous nous sommes trouvés jus

nous

qu'ici, ne nous ont pas permis de songer à les faire rétablir », On voit, en effet, par d'autres lettres, que l'ancienne église Saint-Sauveur a été démolie, et qu'il n'existe plus à Cayenne d'autre église, si elle en mérite le nom, que celle que M. Jacquemin avoit fait construire autrefois à la Savanne pour servir de chapelle. Outre qu'elle est trop petite, elle tombe en ruines, et il est impossible d'y célébrer les mystères avec dignité. Elle est suffisamment pourvue de linge et de calices, mais les ornemens sont en lambeaux. Il n'existe plus aucune trace des églises des campagues, ni de ce qu'elles possédoient, et il en faudroit de suite au moins deux, l'une au nord, et l'autre au midi. Mais comment les colons pourront-ils faire face à ces dépenses, après avoir été pillés sous les différens régimes qui se sont surcédés? Ils comptent sur la bonté du Roi. Quant au luminaire et aux autres dépenses de l'église, c'est M. le Grand qui les a payées jusqu'ici. C'est aussi chez lui que les missionnaires sont descendus, jusqu'à ce que leur sort ait été fixé.

Déjà ces pieux ouvriers songent à mettre la main à l'œu vre. Ils comptent commencer leur mission par l'habitation royale de la Gabrielle. Ils y trouveront des malheureux qui n'ont pas entendu parler de Dieu, et ils espèrent trouver des consolations dans les campagnes au milieu des nègres, qui déjà les ont accueillis avec joie et leur ont offert des présens. M. le Grand, étant seul, ne pouvoit s'absenter de la ville. Les missionnaires avoient déjà commencés à se mettre en relation avec plusieurs habitans; ils avoient vu surtout M. Terrasson, colon plein de mérite et de piété, qui étoit venu de son habitation passer quelques jours avec eux, et qui se flatte de pouvoir civiliser des familles indiennes, avec lesquelles il entretient des relations, et que l'arrivée des Francois pourra décider à quitter les forêts où elles se sont retirées.

Les sœurs n'ont point encore pris possession de leur hôpital, et elles ignorent quand elles pourront y rentrer. Tout y est dans un état de dépérissement et de malpropreté. Il y faut de nouvelles constructions, des cloisons, du linge, des meubles. Ces bonnes sœurs n'ont reçu aucune indemnité pour le mois qu'elles ont passé à Brest à attendre l'embarquenient. Elles auroient été dans l'embarras, si les missionnaires ne leur eussent fait des avances. Elles sont en ce moment en réclamation. Parmi ces filles est la sœur Alexandre, qui a été autrefois à Cayenne; elle a reçu au moment de son débar

quement l'accueil le plus flatteur. On s'est porté au port an dévant d'elle. Mais elle et ses compagnes sont en bien petit nombre, pour remplir le double objet auquel elles se destinent, le soin des malades et l'éducation des enfans. On demande aussi à grands cris des Frères des Ecoles chrétiennes. L'éducation de la jeunesse est absolument nulle dans ce pays, et les parens présentent sans cesse des réclamations à cet égard. On dit que le gouvernement a promis d'envoyer des Frères. Quand il en viendra, il est nécessaire qu'ils apportent avec eux des livres élémentaires, à l'exception de catéchismes, attendu qu'il y en a un particulier pour la colonie, qu'on l'a réimprimé depuis peu, et qu'il y auroit de l'inconvénient à changer.

On ignore comment les missionnaires seront traités par rapport à leurs besoins temporels. Autrefois tout missionnaire à Cayenne recevoit par an 2000 livres tournois; on lui fournissoit de plus deux domestiques, ou un supplément d'honoraires pour en louer, et avec cela un ameublement convenable, lits, tables, linges, etc. Les missionnaires qui viennent d'arriver ont fait une perte considérable pendant la traversée. Ils avoient avec eux, à bord de la Flore, un ballot où étoit de l'argenterie d'église et du linge; celle-là est arrivée en bon état. Mais un autre ballot qui contenoit les ornemens et missels, ayant été placé sur l'Hector, dans un endroit très-bas, l'humidité s'y est mise, et il est arrivé en putréfaction. On a dressé procès-verbal de cette avarie qui prive les missionnaires d'objets de première nécessité, et dont le besoin est d'autant plus pressant qu'il en manque dans la colonie. Il n'a pas été possible d'en rien sauver. Les missionnaires n'ont point trouvé non plus de livres à Cayenne; nous le remarquons afin que ceux qui viendront par la suite se précautionnent, et emportent ce qui leur seroit nécessaire en ce

genre.

Tel est le début des premiers missionnaires que le séminaire du Saint-Esprit a envoyés dans nos colonies depuis la restauration. Ce début est d'un bon augure pour l'avenir. Ce séminaire attire de plus en plus l'attention du gouvernement, qui sent le besoin des prêtres pour nos colonies, et qui paroît disposé à accorder au supérieur, M. Bertout, des avantages qui le mettront en état d'étendre son œuvre. On lui demande en ce moment vingt-quatre prêtres, sur lesquels, avant

tout, il en faut deux pour le Sénégal, et deux pour les îles de Saint-Pierre et Miquelon, qui vont être destituées de tout secours. Le séminaire du Saint-Esprit compte déjà quelques sujets et en attend d'autres. Les exercices pour l'instruction et la piété s'y font suivant l'ancien usage. On y reçoit des élèves en philosophie et en théologie, moyennant une modique pension. La maison n'est pas riche; c'est peut-être une raison de plus d'espérer les bénédiction de Dieu. De bonnes ames seront pressées du désir de contribuer à une œuvre si utile. Des prêtres pieux, car on n'en veut que de cette sorte, et ceux qui n'auroient que des idées de fortune peuvent se dispenser de se présenter, des prêtres pieux seront sollicités par la grâce d'aller porter des secours à des chrétiens abandonnés, et à des infidèles qui ne demandent qu'à ouvrir les yeux. S'il en est qui se sentent cette vocation, ils peuvent s'adresser à M. Bertout, Supérieur du séminaire du Saint-Esprit, rue Notre-Dame-des-Champs, n°. 15, qui recevra aussi les dons des personnes charitables pour contribuer à l'éducation des jeunes clercs.

LIVRE NOUVEAU.

Un Mot sur l'Enseignement mutuel, en réponse au Moniteur du 13 janvier 1818 (1).

Cet écrit contient, comme l'indique le titre, une discussion sur une question qui occupe depuis quelque temps les esprits. Cette discussion est modérée, et ne méritoit pas les qualifications dures qu'on a données à l'auteur et à l'écrit, dans un des derniers numéros des Anales politiques, Un M. Ruetamą, c'est-à-dire, un amateur à rebours, qui ne paroît pas un amateur du bon goût et de la politesse, a fait sur ce Mot un article où il prête à l'auteur des absurdités pour avoir le plaisir de le trouver en ridicule. Cette manière de réfuter est commode, mais elle b'est ni hoonête, ni décisive. L'auteur du Mot sur l'Enseignement dit ce qu'il pense, mais avec le style et la mesure qui conviennent aux honnêtes gens. Il juge une méthode après l'avoir examinée; il raconte ce qu'il a vu. Ce procédé au moins est celui d'un homme de bonne foi. Sa brochure mérite donc d'être lue avec le même esprit qui l'a dictée, et nous sommes bien persuadés qu'elle ne sera appréciée par personne avec la même sévérité que par l'amateur. Pour notre compte, Ja différence seule de ton entre l'écrit et l'article ne seroit pas un préjugé en faveur du dernier.

(1) 24 pages in-8°.; prix, 60 cent. frauc de port. A Paris, cher Ad. Le Clere, au bureau du Journal.

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