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de l'énergie de la matière : elle appartient entièrement au domaine de la physico-chimie. Les conclusions qu'il formule dans l'exposé de sa théorie ne sont pas les résultats sortis peu à peu des limbes de l'inconnu au prix de longues et patientes recherches. Elles antécédaient leurs preuves. Loeb s'est, à maintes reprises, flatté de les porter en son esprit dès 1889, avant donc d'en avoir expérimenté la valeur. Sa conviction est d'origine philosophique et non expérimentale c'est sa faiblesse du point de vue des sciences exactes et elle affaiblit dans leur racine ses propres expériences. Car, autant une hypothèse éprouvée avec circonspection peut être fructueuse pour l'avancement des connaissances humaines, puisqu'elle est une directive dans les recherches entreprises, autant une thèse préconçue, dans laquelle, plus ou moins consciemment, le chercheur s'efforce d'emboîter des observations expérimentales, est un instrument dangereux. Surtout en matière de sciences naturelles, dont les objets d'étude, éminemment plastiques, sont susceptibles de se plier aux intentions du manipulateur, un temps du moins, quitte à rebondir au moment où il ne s'y attend pas, pour protester contre les compressions subies et infliger un démenti à ses affirmations.

Loeb est parti de ce principe (1) : « Une conception mécanique de la vie n'est complète que si elle comporte une explication physico-chimique des phénomènes psychiques (p. 43).

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Dès ici nous l'arrêtons en lui disant Sans doute, mais qui prouve que toute l'explication de la vie soit contenue dans une conception mécanique ? A priori, rien. Une conception mécanique de la vie n'en est qu'une entre plusieurs autres, parmi lesquelles se dresse une conception spiritualist qu'il serait au moins conve

(1) La Conception mécanique de la Vie. Trad. par H. Mouton, Paris, Alcan, 1914.

nable de signaler, ne fût-ce qu'en raison des longs services qu'elle a rendus. On ne fait pas impunément table rase d'une entité aussi importante que la vie sans donner les raisons qui militent contre elle. Le sarcasme ne saurait suffire à justifier cette attitude ararchique, et bienque l'épithète de vitalisie soit, paraît-il, la suprême injure qui se puisse adresser à un naturaliste, le vitalisme fut trop longtemps en honneur, même chez des savants libérés de toute préoccupation religieuse, pour mériter de n'être point traité par le mépris.

« Il m'a semblé, continue Loeb, qu'il serait possible de découvrir les lois physico-chimiques qui régissent les mouvements en apparence irréguliers des animaux, et que les mots « volonté animale» n'expriment que notre ignorance des forces qui imposent aux animaux la direction de leurs mouvements en apparence spontanés, d'une manière aussi rigoureuse que la gravité impose aux planètes leurs mouvements. » Remarquons, en passant, que c'est se faciliter singulièrement la discussion que de prêter à des adversaires des arguments très faibles qu'ils ne professent pas. Que Loeb ait trouvé chez quelque naturaliste sérieux l'emploi, sérieusement fait, des mots << volonté animale », ceci a de quoi nous surprendre. Nous ne croyons pas qu'aucun de ceux-ci imagine le comportement d'un animal autrement que déterminé. Volonté suppose nécessairement liberté, et personne d'entre nous, si réactionnaire soit-il, ne saurait considérer quelque animal comme libre, puisque ce serait lui reconnaître l'exercice d'un choix nécessitant un jugement qui nécessiterait lui-même l'intelligence, que précisément nous refusons en ce monde à tout autre être qu'à l'homme.

Il y a plusieurs façons de comprendre le mot déterminé. Les différences de sa compréhension viennent, non du mécanisme lui-même de l'opération qu'il réprésente, qui est très clair obligation pour le déterminé de

suivre la trajectoire imposée par le déterminant, mais par la manière dont le déterminant s'impose au déterminé.

Je jette un chien par la fenêtre. Sa chute est déterminée de telle façon que l'animal la subit entièrement, comme la subirait une pierre lancée dans l'espace. Je place ce chien devant un morceau de viande. Le mouvement du chien vers la viande est déterminé par l'attraction exercée sur lui par la viande; mais, même s'il est affamé, l'animal ne se précipitera pas sur l'aliment si, par exemple, je le menace d'un coup de cravache. Cette attraction d'origine externe n'est donc pas purement mécanique dans ses effets, puisqu'elle est inhibée par la crainte, c'est-à-dire par le sens de l'intérêt. Ce geste d'arrêt du chien devant la viande qui le tente est-il un acte de volonté ? Assurément non, car si le chien est capable de vouloir quelque chose, à ce moment, il veut certainement manger la viande. Il n'y a donc là que suspension de l'effet mécanique de l'attraction par une cause d'origine non mécanique.

«

Ceci nous suffit pour nous faire voir clairement que la vie n'est pas faite de réactions physico-chimiques brutalement impératives. Que les mouvements de l'animal soient toujours déterminés n'implique donc pas que le moteur qu'il porte en lui soit nécessairement matériel. Le moteur est en dehors de la matière, puisqu'il peut être grippé » par tout autre chose qu'une réaction physicochimique. Quand done Loeb prouverait que tel animal suit, sous l'influence de tel stimulus, une direction déterminée, que telle chenille rampe vers la lumière et tel escargot vers l'ombre, même d'une façon habituelle, comme une plume d'acier se précipite sur un aimant, comme les astres gravitent dans l'espace, en quoi cela prouverait-il que ces animaux ne portent pas en eux un principe de spontanéité, et que la vie est réduite à une somme de réactions physico-chimiques?

C'est à la seule observation de la direction des mouvements des animaux que se tient d'ailleurs cet auteur. « La solution du problème de la volonté, écrit-il, consiste à trouver les forces qui déterminent les mouvements des animaux et à découvrir les lois selon lesquelles ces forces agissent. Il faut donc obliger, sous l'influence d'agents externes, un certain nombre d'individus d'une espèce animale donnée à se mouvoir avec leur appareil locomoteur « dans une direction donnée » (1).

On voit ici passer le bout de l'oreille. Par un geste de prestidigitation habile, le problème du comportement d'un animal est limité à la détermination de la seule direction de ses mouvements; et, qui plus est, sous l'influence des seuls agents externes. Et pourquoi donc les agents externes suffiraient-ils à influencer l'appareil locomoteur de l'animal ?... Est-il prouvé que des agents. d'origine interne n'y interviennent pas? Qu'on les écarte après discussion si leur présence n'est pas décelée, soit, mais du moins qu'on les discute! Et tant que ne sera pas obtenue la certitude absolue qu'ils n'existent pas, qu'on tienne compte de leur présence possible !

En résumé, voici un expérimentateur dont nous savons qu'avant de commencer ses recherches expérimentales sur le comportement des animaux, il veut prouver une idée philosophique qui lui plaît, et qui, lorsqu'il est sur le point de les entreprendre, déclare qu'il laisse de côté les causes du mouvement, et la moitié possible des causes occasionnelles susceptibles de déterminer sa direction. Et, dans le même moment, il nous affirme avec gravité que ses expériences donneront la solution scientifique de tout le problème. Il abuse un peu, ce nous semble, de notre ingénuité. Et il dépasse les bornes des interpolations permises quand il écrit des phrases comme celle-ci : « Permettez-moi d'ajouter quelques remar

(1) Ouvrage cité, page 45.

ques relatives à l'application possible des recherches sur les tropismes... La plus haute manifestation de l'éthique, je veux dire, l'acte d'êtres humains sacrifiant leur existence pour une idée, ne peut se comprendre ni du point de vue utilitaire, ni du point de vue de l'impératif catégorique. Il serait possible que, sous l'influence de certaines idées il se produisit des modifications chimiques, par exemple des sécrétions internes dans le corps, capables d'accroître la sensibilité à certaines excitations à un degré tellement inaccoutumé que l'homme devienne l'esclave de ses excitations, exactement comme les copépodes le deviennent de la lumière quand on ajoute de l'acide carbonique à leur eau »> (1). Assimiler l'action de l'acide carbonique sur la direction de marche d'un copépode et l'action de l'héroïsme sur le moral d'un combattant, produit une phrase dont le parallélisme littéraire ne fait que souligner la valeur paradoxale. Elle peut amuser un instant des esprits légers; elle ne saurait retenir l'attention d'un naturaliste sérieux.

Cette action du tropisme sur l'animal, comment Loeb l'imagine-t-il ?

Il l'imagine. Ses explications, qui volontiers prennent apparence de dogmes, ne sont que des hypothèses nouvelles dont il se sert pour étayer son hypothèse fondamentale de « la conception mécanique de la vie ».

<< Deux facteurs gouvernent les mouvements de progression des animaux, l'un est la structure symétrique de l'animal, l'autre l'action photochimique de la lumière... Une masse de faits, dès maintenant considérable, nous donne le droit d'admettre que l'action directrice exercée par la lumière sur les animaux et les plantes est, en dernière analyse, due au fait que la vitesse de certaines réactions chimiques, dans les cellules de la rétine ou dans d'autres régions photosensibles des organes, est

(1) Ouvrage cité, pp. 82 et 83.

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