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on est amené logiquement à viser à l'universalité absolue, en d'autres termes, à chercher finalement un principe d'où puissent se déduire toutes les lois de la nature inanimée.

Les propriétés qu'on prendra pour point de départ seront, dès lors, les plus générales possibles. De là cette tendance si remarquable des théories physique à considérer non pas les éléments les plus petits que nous puissions effectivement reconnaître dans les corps, car ceuxlà participent encore aux propriétés distinctives des diverses substances particulières, mais des éléments bien plus petits encore, qui échappent absolument aux prises de l'observation directe, et qu'il nous est loisible, par conséquent, de douer des propriétés communes dont nous avons besoin.

Mais si nous ne pouvons nous empêcher de recourir à une division de la matière qui dépasse les limites de l'expérimentation, nous nous garderons soigneusement de chercher en dehors du cadre des propriétés connues les activités que nous attribuerons à nos éléments. Nous nous contenterons, si possible, des attributs essentiels qui se retrouvent de la même manière à des degrés divers dans tous les corps de l'univers, savoir la masse, l'étendue, la force et le mouvement local. Grâce à ce choix, le nombre des hypothèses sera limité au strict minimum. Autre avantage inappréciable : les diverses branches de la physique seront ramenées à celle d'entre toutes qui présente la forme la plus précise et la plus concrète, je veux dire la mécanique. Elles en deviendront plus directement saisissables pour l'intelligence, se prêteront mieux aux mesures et au calcul, et répondront plus pleinement à l'idéal de simplicité auquel tend instinctivement notre effort.

Nous éviterons avec le même soin de pousser notre analyse de la composition des corps jusqu'aux éléments métaphysiques, comme on a eu le tort de le faire quelque

fois, par exemple jusqu'aux atomes de Descartes qui ne sont qu'étendue, ou jusqu'à ceux de Boscovich qui ne sont que centres de forces. Sans quitter le terrain purement physique, il est toujours possible d'attribuer à la matière une structure et à ses dernières particules des propriétés telles que les lois observées en résultent.

Newton suppose que les particules ultimes de la matière s'attirent en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances; hypothèse admirable, mais invérifiable, dont on tire immédiatement par le calcul toutes les lois de la pesanteur, et en outre celles de la mécanique céleste. C'est la théorie de l'attraction universelle.

On a bien des raisons de croire que ces particules ne sont pas au repos ni au contact les unes avec les autres. En considérant leurs mouvements rapides et désordonnés comme l'essence même de la chaleur, on peut en conclure une foule de lois particulières de ce chapitre de la physique. C'est la théorie mécanique de la chaleur.

L'agitation des particules se transmet à distance, même dans le vide. On est conduit ainsi à imaginer un milieu différent de la matière proprement dite, et qui servirait de véhicule aux rayons calorifiques et lumineux en vibrant sous le choc des particules : c'est l'éther. On arrive de la sorte à la théorie ondulatoire du rayonnement.

Or, il est impossible d'isoler deux atomes de matière et de constater qu'ils s'attirent comme le veut l'axiome de Newton; il est impossible de suivre une molécule gazeuse dans sa course capricieuse et de démontrer que la chaleur n'est pas autre chose que la force vive de milliards de mouvements du même genre; il est impossible d'établir l'existence de l'éther autrement que comme un postulat et parce que nous ne saurions nous en passer. Et pourant, une fois adoptées, ces hypothèses nous renseignent admirablement sur une foule de lois et nous y conduisent avec une sûreté infaillible par la déduction mathématique.

Est-ce à dire qu'elles soient, comme on dit souvent, vérifiées par leurs conséquences ? C'est une bien séduisante illusion, c'est justement celle à laquelle on s'est laissé entraîner au XVIIe et au XIXe siècle, mais ce n'est pas autre chose qu'une illusion.

D'abord, en saine logique, il n'est pas permis de conclure de la vérité d'une conséquence à la vérité d'un principe. Ensuite, si nous montrons qu'avec nos hypothèses tout s'explique et nous avons déjà dit qu'à la longue les théories deviennent impuissantes à s'assimiler les conquêtes nouvelles de la science nous ne montrons nullement qu'il ne peut exister d'autres hypothèses qui l'expliqueraient aussi bien. Elles seront peut-être découvertes quelque jour, mais quand elles ne devraient l'être jamais, leur possibilité seule nous empêcherait toujours de conclure légitimement que notre hypothèse est la vraie.

H. Poincaré entreprend même de démontrer que s'il est une explication mécanique possible qui sauvegarde le principe de la conservation de l'énergie et celui de la moindre action, il en est une infinité. Bien entendu, il y en a dans le nombre que nous repousserons toujours comme beaucoup trop compliquées; car nous sommes instinctivement persuadés que la nature est simple, et ce qui paraît trop compliqué nous déclarons que ce n'est pas naturel.

Il importe de ne pas confondre les explications mécanistes dont nous parlons ici avec les modèles mécaniques dont se servent volontiers les physiciens anglais. Ces modèles sont des appareils de dimensions finies, matériellement exécutables, qui par leurs mouvements seraient capables de donner une image, une représentation symbolique d'un groupe limité de propriétés. Leur ressemblance avec les phénomènes dont il s'agit de rendre compte est très grossière, et on admet explicitement qu'il ne saurait être question d'une assimilation complète.

Voici maintenant l'attitude caractéristique de Pierre Duhem vis-à-vis des hypothèses mcéanistes. A la suite de Rankine, Mach et Ostwald, il entend, pour sa part, les exclure absolument de la physique. Il veut construire la théorie uniquement sur les lois déduites directement de l'expérience. Les deux principes de la Thermodynamique lui paraissent parfaitement aptes à constituer cette base. Au moyen d'une définition préalable de l'énergie, il est possible d'en tirer rigoureusement toutes les lois particulières, y compris celles de la Mécanique, qui descendrait ainsi au rang d'une simple branche de la théorie générale. Celle-ci prendrait le nom d'Énergétique.

Mais Duhem visait plus haut encore. « Cette doctrine, dit-il dans la Notice où il résume ses travaux à l'occasion de sa candidature à l'Académie des Sciences (mai 1913), ne légiférerait pas seulement sur le mouvement proprement dit, réduit au changement du lieu que le mobile occupe, sur le mouvement local, comme eussent dit les Scolastiques; elle réglerait tous les changements, toutes les modifications dont connaissent la Physique et la Chimie dilatations et contractions qui altèrent la densité, fusions, vaporisations qui modifient l'état physique, réactions qui combinent les éléments ou dissocient les composés, phénomènes de toutes sortes qui changent l'électrisation ou l'aimantation.

» Pour imposer des lois à tous ces changements, cette doctrine n'imiterait pas les nombreuses théories mécaniques proposées jusqu'alors par les physiciens; aux propriétés observables que les appareils mesurent, elle ne substituerait pas des mouvements cachés de corps hypothétiques, afin de pouvoir appliquer à ces mouvements les méthodes de la Mécanique rationnelle; elle les prendrait tels que les donne la Physique expérimentale, sans prétendre les réduire à la figure et au mouvement lorsque ni les sens ni les instruments qui les aident n'ont effectué cette réduction; ce sont ces données IVe SÉRIE. T. I.

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immédiates de l'observation et de l'expérience qui seraient saisies par ses formules...

>> La construction d'une telle science nous apparut bientôt comme un objet digne que notre vie fût consacrée à la poursuivre, dussions-nous ne l'atteindre que d'une manière fort imparfaite. >>

Et ailleurs, parlant des hypothèses mécanistes : « Nous ne pouvons y reconnaître une vue divinatrice de ce qu'il y a au delà des choses sensibles; nous les regardons seulement comme des modèles. De ces modèles, chers aux physiciens de l'École anglaise, nous n'avons jamais nié l'utilité; ils prêtent, croyons-nous, une aide indispensable aux esprits plus amples que profonds, plus aptes à imaginer le concret qu'à concevoir l'abstrait. Mais le temps viendra sans doute où, par leur complication croissante, ces représentations, ces modèles cesseront d'être des auxiliaires pour le physicien, où il les regardera plutôt comme des embarras et des entraves. Délaissant alors ces mécanismes hypothétiques, il en dégagera avec soin les lois expérimentales qu'ils ont aidé à découvrir; sans prétendre expliquer ces lois, il cherchera à les classer,... à les comprendre dans une Énergétique modifiée et rendue plus ample »>.

Donc, plus de réduction des phénomènes à des mécanismes concrets, faciles à imaginer et auxquels nous sommes de longue date habitués. Rien que des symboles abstraits lois très générales au début, lois particulières déduites par des raisonnements rigoureux; et s'il arrive ---ce qui est fréquent, hélas ! - que la confrontation avec l'expérience oblige à modifier les formules de ces lois particulières, introduction de termes correctifs donnés comme tels en s'interdisant rigoureusement de leur chercher un sens concret: tel est le tableau sévère de la théorie physique idéale pour Pierre Duhem.

Cet idéal, il a cherché à le traduire en acte. Dans les quatre volumes de son « Traité élémentaire de Méca

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