Sayfadaki görseller
PDF
ePub

incognito pour se rendre à Uzès, dans le département du Gard. La personne qui vous remettra cette lettre est M. Lépine, officier de la gendarmerie impériale de Paris, qui a l'ordre de vous accompagner jusqu'à Uzès. Il lui est recommandé de satisfaire aux désirs de votre éminence en tout ce qui peut s'accorder avec les ordres qu'il a reçus. J'ai prévenu les autorités d'Uzès de votre arrivée, et je suis persuadé qu'elles s'empresseront de concourir autant que possible à vous en rendre le séjour agréable.

« Je profite de cette occasion pour offrir à votre éminence l'assurance de ma très-haute considération.

« Le duc de ROVIGO *. »

« A son éminence le cardinal Pacca. »

* Après l'abdication de Napoléon, le sous-préfet reçut du gouvernement provisoire l'ordre de me laisser en pleine liberté. Il me fit lire en confidence une lettre de M. le duc de Rovigo, que lui remit M. Lépine, maréchal des logis, quand il me conduisit à Uzès. Je la lus avec grande attention afin de la retenir par cœur, et, de retour chez moi, je l'écrivis; elle était conçue à peu près en ces termes :

Cette lettre vous sera présentée par M. Lépine, officier de la gendarmerie impériale, qui conduit le cardinal Pacca à Uzès, où il doit séjourner. Vous devez le surveiller de près, et découvrir, par les personnes de sa suite et de sa maison, quelles sont ses démarches, sa conduite, ses discours, ses

La lettre du ministre des cultes qui fut sans doute aussi adressée à tous mes collègues, et qui devait nous être remise auparavant, était écrite pour le cas où quelqu'un de nous n'aurait pas voulu partir de Fontainebleau. On voulait nous éloigner de cette ville à cause de l'approche des armées ennemies qui nous auraient mis en liberté. Cette lettre était devenue inutile après notre départ. Néanmoins M. Lépine me la remit. En voici le contenu.

MINISTÈRE DES CULTES.

CABINET PARTICULIER DU MINISTRE.

Paris, 21 janvier 1814.

« MONSIEUR LE CARDINAL,

« J'ai l'honneur de vous prévenir que son excellence le ministre de la police générale est chargé

relations, ses correspondances, et m'en informer. Prévenezen le commissaire de police, et dites-lui de veiller à tout cela sous peine de destitution. Ne permettez pas au cardinal d'officier en public, et faites attention à la conduite qu'il tiendra avec vos prêtres. Elle peut être dangerense, surtout dans les circonstances actuelles. Ayez soin de l'intimider, et dites-lui clairement qu'au moindre motif de mécontentement il risque de perdre sa liberté.

Cette lettre prouve avec quelle sincérité m'avait écrit le duc de Rovigo, en me faisant espérer que les magistrats d'Uzès s'empresseraient de me rendre ce séjour agréable.

de vous annoncer des ordres dont l'exécution ne peut être différée. Je ne pourrai recevoir aucune réclamation; il sera donc inutile de m'adresser une demande de délai. Vous donnerez par votre soumission une nouvelle preuve de votre respect pour les ordres de votre souverain.

Agréez, monsieur le cardinal, l'assurance de ma très-haute considération.

« Le ministre des cultes,

« Le comte BIGOT DE PRÉAMENEU. »

« A son éminence le cardinal Pacca. »

En apprenant qu'on me désignait pour lieu de séjour une ville épiscopale, je repris courage; car je pouvais craindre, après la révocation du Concordat, qu'on ne m'enfermât dans quelque forteresse de France. Je me mis donc en route avec plus de résignation. Mon voyage dura quinze jours, quoique nous allassions en poste. Le gouvernement, pour éloigner le pape et les cardinaux des pays où les armées alliées faisaient alors de grands progrès, en envoyant le premier à Savone et nous dans différentes villes du Languedoc et de la Provence, nous fit faire à tous un long détour par l'Orléanais, le Limosin et le Quercy, jusqu'à ce que nous fussions en vue des Pyrénées.

[ocr errors]

CHAPITRE III.

Voyage de Fontainebleau à Uzès. Pithiviers. - Arrivée à Orléans. Limoges.- La chambre du pape.-Digression courte sur le retour des Bourbons.-Cahors.-Province du Languedoc. Le curé de Narbonne. - Toulouse. -Empressement du peuple. Le Capitole. - La fureur du colonel Lagorse.

L'HEURE étant déjà avancée, nous passâmes la première nuit à Malesherbes, village placé à quelques lieues de distance; nous logeâmes dans une petite auberge, parce que l'officier de gendarmerie ne voulut pas nous laisser arrêter dans le meilleur hôtel du village, où son éminence le cardinal de la Sommaglia avait été obligé de s'arrêter, n'ayant pu trouver de chevaux pour continuer sa route; je suppose que le pays de Malesherbes était ou fut sous la dépendance de la famille de Lamoignon, si célèbre dans l'histoire de la magistrature et des parlemens de France. Guillaume Chrétien de Lamoignon Malesherbes fut celui qui prépara de nos jours la fameusc révolution française; ayant, dans les diverses charges qu'il eut à remplir, pour faire prospérer les finances, favorisé l'imprimerie et la vente des différens livres écrits contre la religion, qui, vers la

fin du dix-huitième siècle, inondèrent ce malheureux royaume et toute l'Europe. Il vit ensuite les beaux effets de cette spéculation financière, et tomba lui-même victime de la fureur philosophique, après avoir, en quelque sorte, effacé les taches de ses erreurs passées, en défendant jusqu'à la mort son infortuné souverain Louis XVI.

Le 28 janvier vers midi, nous fùmes obligés de nous arrêter quelques heures pour avoir des chevaux, à Pithiviers, petite ville de l'Orléanais. Dans la foule des personnes qui étaient accourues sur la place de la poste, j'en vis plusieurs qui portaient la cocarde rouge à leur chapeau; je demandai donc à un Français qui était près de la portière de la voiture, s'il y avait dans cette ville des prisonniers espagnols; il me répondit que non; je lui dis que pourtant je voyais plusieurs cocardes de cette nation. Il me répliqua qu'on distinguait ainsi ceux qui avaient prêté serment au roi Joseph Bonaparte, et qui vivaient d'une pension que leur payait le gouvernement.

Je remarquai qu'aucun d'eux ne s'approcha de la voiture, et qu'ils se tenaient à l'écart comme s'ils avaient reconnu que leur présence ne pouvait être agréable à un cardinal.

La nuit était déjà avancée quand nous arrivâmes à Orléans. L'officier de gendarmerie fit arrêter la voiture à la porte d'une maison qui avait l'apparence d'une méchante auberge; il m'y fit descen

« ÖncekiDevam »