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pour le mieux, au contraire, si l'on place cet épisode littéraire vers 1297-1300, époque où Barberino était devenu complètement Florentin, et où Feo pouvait avoir à la rigueur vingt ou vingt-cinq ans. Il faut donc croire, et cela n'a rien d'invraisemblable, que messer Francesco, âgé d'environ cinquante ans lorsqu'il ré-. digeait ce récit, ou a vieilli un peu ses souvenirs, ou a cru pouvoir légitimement se qualifier de juvenis en se reportant à une époque où il avait quelque dix-huit ans de moins qu'au moment où il écrivait.

Si l'étude des sept arts pouvait se faire à Florence, les études juridiques auquelles se destinait Barberino devaient l'amener nécessairement à Bologne. On sait l'immense réputation dont jouissait alors, non seulement en Italie, mais dans toute l'Europe chrétienne, l'université de cette ville, illustrée par des professeurs tels qu'Odofredo, Francesco d'Accorso, Dino di Mugello, etc. (1). A côté des chaires de droit civil et de droit canonique, il y existait un enseignement spécial pour les étudiants qui se destinaient à la carrière du notariat. Tel était probablement le cas de notre Francesco; on peut croire qu'il fut un des auditeurs du célèbre Rolandino Passagerio († 13 octobre 1300), auteur d'une Summa artis notarie universellement répandue, qui eut jusqu'à sa mort un vrai monopole de cet enseignement (2). Pour ce séjour de notre personnage à Bologne, nous n'en sommes pas uniquement réduits aux conjectures : le père Sarti cite (3) un acte entre particuliers, passé dans cette ville le 22 septembre 1294, où, parmi les témoins, figure Franciscus de Barberino notarius. C'est le premier acte authentique où nous trouvions son nom (4). Il est pro

(1) Voyez l'excellent ouvrage du père Sarti, publié au siècle dernier, et fondé sur les documents originaux des archives de Bologne: De claris archigymnasii Bonon. professoribus, il ne va malheureusement pas au-delà du treizième siècle.

(2) Sarti, op. laud., I, 421.

(3) Ibid., p. 425, note c.

(4) Cet acte se trouve dans les Memoriali conservés aux archives de Bologne, anno 1294, parte 2a, f 39 et 40. En voici la fin, relevée par nous sur le registre même : « Ex instrumento Aldibrandini quondam Romei de Calensano, notarii, heri facto Bononie in domo Templi, presentibus domino Marsilio de Manteghellis, de Bononia, decretum doctore, domino Leone quondam domini Jacobini, judice de Bononia, presbitero Guidone, capellano suprascripti domini episcopi, domini Francischo de Rangonibus, de Mutina, archipresbitero plebis Campigniani, Bragoneria Saraceni de Certaldo et Francischo de Barberino, notario, testibus, et aliis vocatis. »

bable qu'il avait obtenu depuis peu le titre de notaire, après avoir fait à Bologne les études nécessaires pour y arriver.

Le séjour de Barberino à Bologne n'eut pas seulement pour résultat de lui permettre de s'initier à l'étude du droit civil et canonique qu'il devait couronner beaucoup plus tard en prenant le grade de docteur. On peut croire qu'il ne se laissa pas absorber par cette étude assez aride, et qu'il ne demeura pas étranger à l'école poétique italienne dont cette ville s'était faite le centre. Le plus illustre représentant de cette école est Guido Guinicelli, que nous trouvons plusieurs fois mentionné dans le Commentaire des Documenti (1) et dans le Reggimento (2). Guido était mort en 1276, mais ses œuvres et son souvenir devaient être encore bien vivants parmi ses compatriotes. D'ailleurs son école n'était pas morte avec lui, et Barberino put connaître son disciple le plus célèbre, messer Onesto, que les documents nous présentent comme vivant encore en 1301 (3). La biographie de Dante est trop incertaine pour que l'on puisse affirmer qu'il se trouvait à Bologne à la même époque. On peut l'affirmer, en revanche, pour un autre contemporain dont le nom jouit d'une légitime célébrité comme jurisconsulte et comme poète, Cino da Pistoia (4). Il est probable que Francesco fit alors la connaissance personnelle de Cino, qu'il cite à côté de Dante dans son commentaire (5). Le culte simultané du droit et de la poésie créait un double lien entre eux.

A cette même année 1294 doit se rapporter un passage fort curieux du commentaire des Documenti, où nous voyons que l'auteur fit un voyage à la cour pontificale. Voici ce passage, qui mérite d'être reproduit :

« << J'ai vu (6), »> nous dit Barberino, « un souverain pontife, dont je tais le nom actuellement, qui avait été élevé d'une basse condition à la dignité pontificale sans avoir jamais servi personne et sans que personne l'eût servi lui-même. Il arriva naturellement que beaucoup de rustres comme lui le suivirent, et vivant comme des rustres, ils le servaient comme des rustres qu'ils étaient. Un

(1) Fos 2a, 9d et 35*,

(2) Ed. Baudi di Vesme, p. 30. et 36.

(3) Nannucci, Manuale della letter. del primo secolo della lingua ital., I, 153 (2° éd.).

(4) Voyez pour la biographie de Cino un récent ouvrage de M. Luigi Chiapelli Vita e opere giuridiche di Cino da Pistoia, con molti doc. ined. (Pistoia 1881, tiré à 310 ex.).

(5) Fo gd.

(6) Comm., fe 26b.

jour je le trouvai qui passait dans une chambre, tenant un pain à la main et mordant à même, suivi d'un serviteur qui portait un pot de vin dans lequel il buvait; et on l'entendait dire que c'était là le manger et le boire le plus savoureux qu'il y eût au monde, et que c'était sa mère qui le lui avait dit... Ce pape disait souvent aux siens : « Si ce n'était pour vous, je ne voudrais pas être pape. » Ils en demandaient la raison, et il répondait : « Parce que cela m'ennuie tellement de commander, que j'ai plus de plaisir lorsque je puis me servir moi-même. »

Il est impossible, je crois, de ne pas reconnaître l'original de ce portrait, bien que Barberino ait voulu en taire le nom, dans

colui

Che fece per viltate il gran rifiuto (1),

dans ce pauvre Célestin V, pieux et ignorant ermite, devenu pape à son corps défendant, et qui ne tarda pas à abdiquer après un pontificat de quelques mois (juillet-décembre 1294). On voit que Barberino conserva un long souvenir de la petite scène assez piquante qu'il nous décrit, et l'on se rend compte, à la façon dont il en parle, du sentiment qu'il dut éprouver en y assistant. Il ne dut pas être médiocrement scandalisé, lui, le champion par excellence du bon goût et de la bonne tenue, lui, qui avait peutêtre déjà conçu l'idée de ses Documenti, en voyant ainsi dans le plus haut représentant de la hiérarchie religieuse des manières dont la grossièreté devait contraster singulièrement avec celles de ses prédécesseurs immédiats sur la chaire de saint Pierre. Dante a flétri l'abdication de Célestin V comme une lâcheté, surtout, il est vrai, parce que ce fut la porte par laquelle entra Boniface VIII. Quant à Barberino et à beaucoup de ses contemporains, ils durent éprouver un grand soulagement en voyant le pauvre ermite abandonner un rang qui n'était pas fait pour lui.

Célestin V, pendant son court pontificat, ne séjourna qu'à Aquila et à Naples; il faut donc que Barberino soit allé dans une de ces villes. Quant à la cause de son voyage, on ne peut que faire des suppositions à ce sujet. La pièce dans laquelle il figure comme notaire est du 22 septembre 1294; si l'on avait la preuve que son voyage à la cour romaine fût antérieur à cette date, il

(1) Dante, Inf., III 59-60. L'opinion traditionnelle, qui voit dans ce vers de Dante une allusion à l'abdication de Célestin V, a été combattue, mais sans bonnes raisons, par M. C.-F. Goeschel, dans le Jahrb. der deutschen DanteGesellschaft, I, 103-117.

serait permis de croire qu'il s'y rendit pour obtenir le titre de notaire apostolique et passer l'examen qu'exigeait la chancellerie pontificale avant d'accorder ce titre (1).

Au mois de décembre 1296, Francesco perdit son père; ce fait, que Lami a cherché à révoquer en doute (2), est absolument certain, et il existe des pièces authentiques prouvant qu'il y eut contestation, pour ensevelir le corps du défunt, entre le prieur des Franciscains de Barberino et le curé de Santa-Lucia (3). C'est certainement à la suite de cet événement qu'il dut abandonner l'université de Bologne et interrompre ses études juridiques pour revenir à Barberino. Le 30 août 1297, nous le trouvons dans la maison paternelle, et nous voyons qu'après avoir fait son testament il le mit en dépôt entre les mains du prieur des Franciscains (4). Il ne tarda pas à abandonner son village natal pour venir se fixer définitivement à Florence. De 1297 à 1304, de nombreuses pièces nous le montrent exerçant les fonctions de notaire épiscopal sous les deux évêques Francesco da Bagnorea et Lottieri della Tosa (5).

Cette période de six ou sept ans me paraît fort importante dans la vie littéraire de Francesco da Barberino. Sans doute, dans les

(1) Aucune vérification ne peut être faite dans les registres pontificaux, car il n'en existe pas pour le pontificat de Célestin V.

(2) Novelle letterarie, 1748, p. 317. Lami a pris pour le père de Francesco un certain ser Neri a Barberino, notaire, mentionné en 1303.

(3) «< 13 décembre 1296. Cum frater Bertrandus, custos fratrum minorum de Barberino, ex ordine beati Francisci, vetasset et prohibuisset presbitero Benvenuto, rectori ecclesie S. Lucie de Casciano, quod ipse non deberet recipere nec recipiat ad sepulturam corpus Neri quondam Ranuccii de Barberino suum parochianum mortuum... » Florence, Arch. di Stato, Carte Strozziane, vol. 356, fo 2. Ce volume contient des extraits de documents faits par Carlo Strozzi, dont plusieurs ont été plus ou moins complètement utilisés par Ubaldini.

(4) « Cum ser Franciscus, filius quondam Neri Ranuccii, parrochie sancte Lucie de Barberino, nollet decedere intestatus... Acta sunt hec omnia in domo dicti testatoris... » lbid.

(5) Voyez Lami, Ecclesiæ Florent. monumenta, I, p. 53, 55, 57, etc. La mention la plus ancienne est du 10 juin 1297, et la plus récente du 10 novembre 1303; en outre, il figure comme témoin dans un acte de 1304, passé par le notaire Matteo Biliotti (Arch., di Stato). Voici en quels termes il est mentionné : «< 13 juin 1298, carta manu Junte Brindi de Asciano notarii, ex actis curie episcopatus scriptis manu Francisci de Barberino, notarii. » (Lami, p. 58). Un acte rédigé par lui le 1er juillet 1300, dans le palais épiscopal, porte cette souscription: <«< Ego Franciscus Nerii de Barberino, imperiali auctoritate judex et nunc ven. patris predicti (scil. episcopi. Flor.) notarius, omnibus et singulis interfui eaque mandato ipsius domini episcopi scripsi et in publicam formam redegi. » (Arch. di Stato, carte geneal., vol. 344, p. 273).

premières années de sa jeunesse, il avait pu entrevoir la société florentine; ensuite, à Bologne, il avait assisté et peut-être pris part au mouvement poétique de l'école de Guido Guinicelli; mais c'est seulement ce dernier séjour à Florence qui dut être pour lui une période vraiment féconde. C'est alors qu'il connut les poètes florentins les plus célèbres de l'époque, dont nous retrouvons les noms dans son Commentaire : Dante (1), avant l'exil, mais aussi avant la Divine Comédie; Guido Cavalcanti (2), qui ne survécut que quelques années à l'arrivée de messer Francesco à Florence; Dino Compagni (3), dont les poésies avaient alors une renommée égale à celle que peut avoir aujourd'hui sa chronique; Feo Amieri (4), enfin, dont le nom, grâce à Barberino, a pu surnager dans le naufrage qui a englouti ses œuvres. Il était depuis trop peu longtemps dans la ville et il y occupait une position trop modeste pour être mêlé aux funestes dissensions des Noirs et des Blancs qui déchirèrent Florence dans cet intervalle. Les mémorables événements de l'an 1300, qui entraînèrent l'exil d'Alighieri et la mort prématurée de Cavalcanti, et auxquels Dino Compagni prit une part si active, passèrent au-dessus de sa tête sans l'atteindre. Mais dans le concert poétique dont Florence retentissait déjà depuis d'assez longues années, il ne pouvait manquer d'élever la voix. Il ne nous est parvenu que bien peu de chose des canzoni, sonetti et ballate qu'il dut composer pendant cette période; nous en avons assez du moins pour voir que, comme tous les poètes du temps, il fit des vers à la louange de sa dame. Dante chantait Béatrice; Cino da Pistoia, Selvaggia; Guido Cavalcanti, Mondetta, la belle Toulousaine entrevue par lui à la Daurade lorsqu'il allait en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Des indices déjà relevés par Ubaldini semblent indiquer que la dame de Barberino s'appelait Costanza (5).

(1) Comm., fo. 9d, et 63°.

(2) Ibid., fo gd.

(3) Ibid., ibid.

(4) Ibid., fo 93d.

(5) C'est ce qu'il semble permis de conclure des allusions contenues dans la partie des Documenti d'Amore où il est question de Dame Constance, considérée comme personnification d'une vertu. Barberino dit au lecteur :

Si tu savessi bene,
La donna chi ell'ene

Forse poresti

Pareri foresti

A chiaro trar...

Ce passage est d'ailleurs très obscur, et ce que nous avons pu entrevoir du

(Page 170).

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