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finalité actuelle dans certains appareils contraste vivement avec la merveilleuse structure et la perfection des organes qui jouent un rôle nécessaire dans l'espèce. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la genèse des organes rudimentaires a reçu dans l'évolutionnisme une explication tout à fait satisfaisante.

Enfin, ce qui est un corollaire des deux constatations précédentes, il est des organes encore fonctionnels, mais qui sont mal adaptés à leur fonction; ils pourraient être, nous semble-t-il, mieux faits qu'ils ne le sont, plus durables, moins susceptibles de se déranger. Je vous en citerai un exemple topique : les dents de la race blanche ; en dépit de leur organisation complexe, ce sont des organes de courte durée, sujets à la destruction, et qui devraient se remplacer automatiquement, comme les dents d'un Requin ou d'un Crocodile. Il est supposable que ces organes dysharmoniques sont en voie d'évolution vers la rudimentation.La construction de l'oreille moyenne laisse aussi beaucoup à désirer, le cœur est ridiculement sensible à des excitations émotives ou à des toxines qui troublent gravement son fonctionnement, etc.

Tout en n'oubliant pas qu'il existe des organes rudimentaires et dysharmoniques, revenons aux organes fonctionnels à finalité certaine il est évident que la finalité intentionnelle des œuvres humaines dénote l'existence d'une intelligence, d'une direction, qui a conçu en pensée des solutions, a écarté les mauvaises et a essayé les bonnes, en les corrigeant au besoin. Les biologistes spiritualistes et les théologiens, croyant à un Esprit dirigeant l'évolution par l'intermédiaire des causes secondes, admettent très volontiers que la finalité des appareils organiques est tout aussi intentionnelle que celle des œuvres humaines, qu'il s'agisse d'un microscopique rail de guidage d'un aiguillon d'Abeille ou d'une barbule d'accrochage d'une plume d'Oiseau; pour le théologien, d'ailleurs, l'harmonie générale de la Nature,

les merveilleux résultats des causes efficientes secondes constituent la preuve la plus apparente de la Cause première. Mais, au point de vue scientifique, ce concept et celui des mécanistes athées se rejoignent absolument ; nous n'avons le droit que de rechercher les causes efficientes des solutions d'ouvriers fournies par la Nature; si on ne trouve pas parmi les facteurs de l'évolution un principe directeur capable de remplacer l'intelligence de l'Homme, il ne restera qu'à avouer notre ignorance et à faire appel à un avenir mieux informé sur le nombre et la valeur de ces causes efficientes.

Les facteurs connus et certains de l'évolution sont : 1o la variation spontanée ou mutation à l'intérieur d'une espèce, ce qui crée parfois des formes plus différentes l'une de l'autre que ne le sont d'authentiques espèces (pensez à la variation dans l'espèce Chien, l'espèce Poule ou l'espèce Chrysanthème); 2o l'hérédité qui transmet la variation spontanée aux générations suivantes; 3o la lutte pour l'existence, qui est la concurrence entre formes voisines habitant le même milieu, ayant les mêmes besoins et tendant chacune à s'accroître (pensez à la concurrence des plantes dans un jardin); 4o la sélection naturelle ou choix qui est la survivance des plus résistants, aux organes les mieux adaptés au milieu et l'élimination des autres moins bien doués (pensez à ce qui se passe dans un jardin lorsqu'on plante à côté l'une de l'autre. deux variétés de la même espèce; l'une d'elles, «< la plus délicate » est refoulée, étouffée et disparaît).

En somme, parmi tous ces facteurs dont la réalité n'est pas niable, il n'y en a qu'un qui vraiment crée du nouveau, qui est constructif : c'est la variation. Il n'y en a qu'un qui, théoriquement, ait la valeur d'un principe dirigeant, c'est la sélection, par la suppression impitoyable des variants engagés dans une mauvaise voie. La question est de savoir si, en combinant ces deux facteurs, on peut arriver à comprendre l'évolution d'un organe fonctionnel;

prenons donc un exemple d'explication sélectionniste : l'œil humain, qui est assurément un étonnant appareil optique ayant la vision pour fin, a pu être, tout à fait à l'origine, une simple tache de couleur innervée donnant à l'animal une sensation vague de luminosité; dans la longue lignée des ancêtres vivant à la lumière et dépendant d'elle pour chercher leur nourriture à la vue ou pour se garder de leurs ennemis, toutes les variations qui ont pu se produire autour de l'appareil visuel ou à son intérieur n'ont été conservées que si elles réalisaient des étapes graduées à la fois dans la structure et dans l'utilité, ou au pis des modifications indifférentes (comme les variations de couleur de l'iris); toutes les variations défavorables, produisant une diminution de la perception lumineuse, ont abouti à la décadence et à la mort des individus, et nous ne les connaissons pas, ou bien les ont contraints à chercher dans le sein de la terre un milieu obscur, où ils pouvaient se passer de la fonction, comme les Taupes, les Poissons aveugles, les Écrevisses aveugles, les Insectes aveugles, etc. La sélection joue donc le rôle de l'ouvrier qui perfectionne graduellement son œuvre ; en ne conservant que les variations favorables, c'està-dire quelque avantage sur l'état précédent, elle réalise une finalité de plus en plus complexe.

Incontestablement, ce raisonnement, d'application générale à presque tous les cas, paraît logique, séduisant même; pendant longtemps il a satisfait l'esprit. Il n'en est plus de même aujourd'hui, pour toutes sortes de raisons l'explication darwinienne suppose que toutes les étapes d'un organe représentent une progression régulière dans l'utilité, ce qui donne prise chaque fois à la sélection; or, si cela peut être à la grande rigueur admissible pour l'œil (et encore faut-il remarquer que l'on part d'un organe rudimentaire, mais déjà visuel), il n'en est plus de même pour de très nombreux organes dont la fonction, c'est-à-dire la finalité, ne se conçoit que lors

qu'ils sont arrivés à la perfection, de même qu'une machine humaine doit être complètement finie pour rendre le service durable qu'on en attend. On n'imagine pas un organe électrique de Torpille qui ne donnerait pas de secousses suffisantes pour engourdir les proies, une ventouse qui ne collerait pas, un bouton-pression qui ne fermerait pas exactement, des glandes mammaires qui ne donneraient que quelques gouttes de lait. Du reste, cette objection de l'inutilité des stades de début avait déjà été opposée à Darwin, qui en était resté fort embarrassé.

Les sélectionnistes supposent implicitement qu'un très minime avantage accidentel peut assurer la survie d'un individu, de préférence à un autre, de même que, dans un duel entre deux escrimeurs de force identique, une différence de quelques millimètres dans la longueur des épées ou des bras peut assurer la victoire à l'un d'eux. Mais c'est une supposition improbable ; quand un animal survit jusqu'à l'âge adulte à la sévère lutte pour l'existence (1 sur 100, sur 1000 et même davantage), ce n'est que par une suite de hasards heureux et non pas parce qu'il possède tel ou tel caractère avantageux. La sélection est tout aussi aveugle qu'un accident de chemin de fer ou une bataille moderne. Au mieux, elle est conservatrice du type moyen de l'espèce, en faisant rapidement disparaître les types exceptionnels, de même qu'une armée en campagne perd dès les premiers jours les hommes les moins valides, incapables de supporter la fatigue, et les téméraires, qui se jettent imprudemment en avant.

Il ne reste donc rien ou à peu près rien des tentatives d'explication par causes efficientes naturelles de la finalité organique; c'est un problème non résolu. Il manque quelque chose à nos conceptions de l'évolution et de ses facteurs; la nécessité d'un facteur nouveau, interne ou externe aux organismes, régulateur des variations et capable de les diriger vers une fin, se fait surtout sentir IVe SÉRIE. T. V.

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lorsqu'on étudie des organes complexes comme les yeux, les lanternes phosphorescentes des Poissons des grands fonds de la mer, les organes électriques et maints appareils mécaniques d'une singulière perfection, ou lorsqu'on contemple les ornementations d'une si rare et d'une si inutile beauté des plumes du Paon et de l'Argus. Ce régulateur, nous pouvons l'attendre des découvertes de l'avenir; il y a très peu de temps, en somme, une centaine d'années à peine, que l'on étudie les facteurs de l'évolution; et il est très probable qu'il y en a d'autres que ceux que nous connaissons aujourd'hui ; les Geoffroy SaintHilaire, les Lamarck, les Darwin, les Weismann, n'ont pas dû épuiser le sujet. Aussi, pour compléter les anneaux qui manquent encore à l'enchaînement des causes naturelles de la finalité biologique, il nous paraît inutile de faire appel à la vieille entéléchie informante d'Aristote, à celle plus récente de Driesch, à l'incompréhensible élan vital de Bergson, et, pour tout dire d'un mot, à la métaphysique.

Je termine je voudrais vous avoir convaincus de la naïveté qu'il y a à chercher dans les faits scientifiques des arguments contre une foi spiritualiste. Mettons les choses au mieux : supposons qu'un jour, on parvienne, par des procédés physico-chimiques, à fabriquer un corps capable de manifester des propriétés vitales simples dans un milieu de culture déterminé (il n'est pas douteux qu'on a déjà parcouru quelque chemin dans ce sens, tout en restant extrêmement loin de la réussite). Admettons le transformisme intégral, admettons que l'Homme n'est qu'un vieux Singe qui a eu de la chance, admettons que l'on découvre des facteurs naturels qui rendent un compte parfait de la finalité biologique; eh bien il me semble qu'un spiritualiste ne doit voir dans ces acquisitions aucun antagonisme avec le concept d'un Esprit maître de tou es choses, agissant sur la Nature sous le voile des lois qu'il a posées ; n'est-il pas plus grandiose.

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