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Le spiritualisme chrétien eût été sans force; il fallait un ordre matériel, et en cela la féodalité fut utile au monde; nous pouvons sans danger lui rendre aujourd'hui cette justice. Mais la société féodalement constituée, le christianisme reprend l'empire des idées et la supériorité morale; il domine l'Europe par la papauté italienne, développe sa propre législation, le droit canonique, se réforme et se rajeunit par Luther. Ainsi voici les élémens de la société moderne: la législation barbare, la législation féodale, la législation canonique.

Sur cette triple base, la société européenne se développe sans relâche la France, par sa constitution monarchique, travaille la première à sa propre unité, par contre-coup à celle de l'Europe; sous le sceptre de Louis XI, de Richelieu et de Louis XIV, la monarchie royale, comme parle Bodin, réprime la féodalité, et l'église abat l'aristocratie, élève le peuple, sert puissamment la liberté et rend une révolution

nécessaire.

A la monarchie royale s'enchaîne un nouveau progrès, la monarchie représentative dont l'Angleterre est l'éclatant modèle, et qu'elle établit irrévocablement par sa révolution de 1688 : alors

cette île célèbre donne à l'Europe l'enseignement de la liberté politique; elle en fut l'école au dix-huitième siècle pour tout ce que l'Europe eut de penseurs; Voltaire, Montesquieu et Rous. seau l'explorèrent avidement et préparèrent pour la France un progrès nouveau sur cette transaction si belle en Angleterre entre l'aristocratie, le peuple et le trône, dont aujourd'hui une des parties contractantes demande à changer un peu les conditions.

Mais avant de commencer elle-même une révolution, la France jette la liberté dans un monde nouveau, dont les destinées ne sont pas encore accomplies. Elle envoie à Washington des soldats et un émule, et quand la république américaine aura plus tard porté elle-même les fruits d'une civilisation originale, elle n'oubliera pas que, si l'Angleterre fut son berceau, la France fut son alliée; que, si l'une l'a fondée, l'autre lui a tendu la main pour s'émanciper, et que la première action de la France, quand elle a commencé de tressaillir au nom de la liberté, a été d'envoyer en Amérique des Français pour y faciliter une république.

L'an 1789 ouvre pour la société moderne une époque nouvelle dont la seconde phase a

commencé l'an dernier : révolution sociale, mise en jeu de tous les problèmes qui puissent troubler la tête humaine, elle est aujourd'hui le dernier progrès de la société européenne.

Si l'histoire n'a pu nous refuser cette inépuisable série de progrès et de conquêtes, les théories des penseurs, la philosophie sera-t-elle plus avare? C'est à Athènes que s'ouvre l'histoire raisonnée des problèmes sociaux : c'est au sein de la philosophie grecque, qui est, avec la législation romaine et le christianisme, une des faces les plus saillantes du monde intellectuel, qu'éclate sous les auspices de Socrate l'examen des lois de la sociabilité humaine; deux esprits bien différens l'inaugurent, Platon et Aristote.

Platon fut en continuelle opposition avec l'état et la constitution d'Athènes. L'état était démocratique : Platon avait une intelligence aristocratique et orientale; les lois étaient populaires, parfois bavardes, et sentaient le rhéteur : la politique de Platon était immuable, car elle découlait d'une unité primitive. Le fils d'Ariston nous offre à la fois, dans sa République et dans ses Lois, la réminiscence des doctrines orientales, un choix de faits précieux pour l'étude de la Grèce, et un vague pressentiment du chris

tianisme; vis-à-vis la légalité athénienne, c'est un penseur factieux entre l'Egypte et le Christ.

Aristote a un autre esprit; il est tout grec et n'a rien d'oriental: c'est à la fois le maître et le disciple d'Alexandre; doué du génie positif des modernes, tandis que Platon est dans les cieux à la condition de s'y égarer et de disparaître à travers les nuages, Aristote observe ce qui se fait sur la terre, c'est comme un contemporain de Machiavel et de Montesquieu ; il cherche les lois des faits, il veut en voir l'esprit et la raison, et nous a laissé dans sa Politique ce que nous pouvons savoir de plus net sur la législation de la Grèce.

De l'examen de ces deux philosophes nous passerons au stoïcisme qui termine l'antiquité et précède le christianisme. Le stoïcisme n'a rien de progressif: le stoïcien se drape sur les ruines du monde, mais il ne marche pas; il élève la statue de fer du devoir, mais il ne sait pas l'animer. L'histoire du stoïcisme est comme une curieuse galerie de tableaux et de bustes antiques: mais demandez-lui ce qu'il a fait dans la civilisation historiqué du monde, il est muet. Je le sais, il a des disciples sur le trône, les Antonins; parini les esclaves, Épictète; parmi les beaux esprits, Senèqué : tout cela est fort beau,

fort noble, mais entièrement stérile; c'est un appendice plein de grandeur aux derniers mo mens du paganisme.

Tels n'étaient pas le sort et la mission du christianisme, dont la pensée sociale nous semble s'être développée en trois époques bien distinctes. Le christianisme, en face des Césars, a commencé par la résignation et une abdication complète de l'empire terrestre. Mon royaume n'est pas de ce monde; lisez saint Augustin, vous trouverez dans la Cité de Dieu ce sentiment profondément empreint. Les penseurs chrétiens se livrent surtout à la spiritualité mystique de la plus haute théologie : mais une fois accepté comme croyance et doctrine spiritualiste par la société, le christianisme songea naturellement à la gouverner, en vertu, de sa supériorité même; les peuples adorèrent avec joie, et l'autorité du catholicisme se mesura sur sa vertu. Seconde époque. La réforme éclate, Luther, Mélancthon en Allemagne, Hubert Languet en France, Sydney, en Angleterre, s'arment du christianisme, de la Bible, et développent une philosophie politique qui revendique les droits et la liberté des peuples.

l'arrive aux philosophes modernes. L'Italie

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