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CHAPITRE III.

Du Droit. De la Sociabilité.

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De la Politique.

Si l'homme a des passions, il a besoin d'aimer ses semblables, de s'en rapprocher, de mettre en commun avec eux ses idées et ses espérances, et de leur demander assentiment, approbation, applaudissement. S'il peut vouloir, il a besoin de s'adresser à d'autres volontés; et si pour luimême il a soif de conviction, envers les autres il a soif de prosélytisme.

Sous toutes les faces l'homme est sociable. Animal politique, comme dit Aristote, il ne vit que d'accointance, de compagnonage et de communication. Aussi il se fait une famille, une patrie, un monde, poursuivant partout le plan et le but d'une association, d'une unité morale

au sein de laquelle il puisse se trouver à la fois. heureux et libre.

Libre! voilà le côté saillant et délicat de la sociabilité. L'homme rencontre des êtres qui lui ressemblent parfaitement. Alors il conçoit qu'il a le devoir de respecter ceux qu'il appelle ses semblables, et qu'il a le droit d'en être respecté lui-même; qu'entre lui et eux il y a identité, et partant équation de droits et de devoirs. Ainsi la première notion de droit se produit sous une forme négative, restrictive. C'est pour l'homme la reconnaissance obligatoire, mais inactive, de sa propre liberté et de celle des

autres.

Ce n'est pas tout; et jusqu'ici la sociabilité humaine n'est pas complète. Du sentiment de la liberté réciproque et de l'égalité mutuelle l'homme passe ou revient au besoin de sympathie et d'association. Le premier sentiment était individuel, abstrait; c'était le cri d'une indépendance innée et d'un égoïsme indestructible. L'autre est l'élan d'une expansion généreuse, la preuve d'une attraction irrésistible et d'une solidarité qui constitue les familles, puis les peuples, et d'humaine devient nationale.

La liberté individuelle et l'association consti

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tuent donc la sociabilité. Voilà les deux idées fondamentales de toute politique, et qui priment par leur importance toutes les recherches sur les meilleures formes de gouvernement. Il nous est facile maintenant de résoudre cette question y a-t-il ou n'y a-t-il pas un droit naturel? Il y en a un. C'est ce droit tout-à-fait naturel de maintenir sa liberté, de la développer, de l'agrandir et de lui faire porter des fruits toujours nouveaux. Mais il n'y pas de droit naturel, si l'on veut entendre par ces mots une espèce de code de principes formulés, véritables entités scolastiques que les révolutions sociales trouveraient immobiles. Le droit est tout ensemble un élément toujours un et toujours progressif, ineffaçable et changeant, toujours le même et toujours divers.

Si dans l'homme abstrait les rapports intimes de l'intelligence et de la volonté sont clairs et frappans, combien davantage dans l'image si vive de la sociabilité? Quand les peuples réclament-ils une liberté plus grande? quand ils sont plus éclairés. A quel titre la demandent-ils ? à raison de leurs lumières et de leurs progrès. Pourquoi dans la jeunesse d'un peuple l'aristocratie, qui est la liberté de quelques-uns, est

elle vraiment légitime? parce que le reste du peuple, dénué de la capacité, et par conséquent du droit d'être libre, vit alors sous une tutelle raisonnable. Pourquoi ce même peuple arrivé à sa maturité, la démocratie, cette liberté de tous, devient - elle aussi légitime? parce qu'à l'ignorance ont succédé l'instruction, la lumière et la moralité. Apprendre à lire au peuple, c'est donc le rendre libre, le convier pour l'avenir à l'égalité de tous les droits, et préparer des révolutions bienfaisantes. Plus nous avons d'idées, plus nous avons de droits. Le catalogue de nos idées et de nos droits est parallèle, ou plutôt il est identique.

L'intelligence et la liberté ne sauraient donc se passer l'une de l'autre, et partout où elles ne se trouvent pas associées, il y a erreur et mensonge. Par où débutent les sociétés ? par la théocratie. Elle n'est autre chose que le symbole de l'intelligence au maniement des affaires. L'homme alors ne revendique pas la liberté, parce qu'il ne saurait pas en faire usage; il réclame peu d'activité politique, car la provision de ses idées est encore chétive et peu abondante. Il se soumet non seulement sans chagrin, mais avec plaisir. Plus tard, il se sentira plus fort, plus

intelligent, et, sans nier la cause suprême qu'il adore, il s'émancipera et voudra devenir citoyen actif du monde. Quand cette heure a sonné, quand la théocratie a disparu, elle a disparu pour jamais on ne rebrousse pas sur la route de l'histoire. Elle était légitime; elle est devenue impossible. Et depuis que dans la Grèce antique la démocratie a triomphé, cette cause sacrée a toujours été de progrès en progrès, et n'a jamais véritablement rétrogradé.

On a beaucoup parlé des gouvernemens paternels: bien pour le passé, mais on aurait tort de tomber dans des redites. Les gouvernemens ont pu être paternels, et beaucoup l'ont été de bonne foi. Nous n'avons pas besoin de calomnier l'histoire; mais les gouvernemens qui voudraient l'être encore se tromperaient de mission. Qu'ils soient moraux, civilisateurs, puissans; mais qu'ils ne jouent plus le rôle de tuteurs envers les nations, qui ne sont plus leurs pupilles et ont dépouillé la robe de la minorité.

Ainsi le peuple, la démocratie, est debout. Que faut-il faire? l'éduquer et l'instruire. Ah! versez la lumière sur la tête du peuple : vous lui devez ce baptême. La véritable politique est

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