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il est légitime. Il n'y a pas dans l'histoire et chez un peuple d'hypocrisie possible; et la popularité est le signe irrécusable de la légitimité des gouvernemens. Mais les peuples se détachent; les murmures éclatent; le pouvoir a cessé de comprendre et de satisfaire la société ; il en est averti par une révolution; et ici je ne parle pas de séditions folles, de troubles avortés ; il n'est plus légitime.

Ce serait une doctrine commode, celle qui mettrait la légitimité dans la durée. Et voici comment cette illusion s'est faite dans l'esprit de quelques-uns, et comment elle a été volontairement exploitée dans l'intérêt de quelques autres. Tout pouvoir qui sert et satisfait un pays dure; cette durée se prolonge et devient un fait acquis; ce sont pour ainsi dire les états de service de ce pouvoir : alors ses partisans en tirent un argument (et la théorie historique de la légitimité est là tout entière): ce pouvoir a duré pendant long-temps; il fut aimé, vénéré, puissant; donc il a été légitime. Oui. Donc il sera toujours légitime. Non. - Un homme peut ne paraître que douze ans dans l'histoire, et s'y installer d'une manière tout-à-fait légitime. Qui a jamais contesté la légitimité de Napoléon à

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Austerlitz et à Wagram? Pas plus qu'on n'a contesté celle de Louis XIV. Soyez fort, marchez à la tête de votre siècle et de votre peuple, vous serez légitime; car vous mériterez bien de votre pays, et encore une fois vous, pouvoir, vous n'êtes au dessus de nos têtes qu'à la condition de nous servir.

La doctrine historique de la légitimité est fille de la féodalité. On a voulu régler les droits au trône sur l'héritage du fief, et traiter les peuples comme la seigneurie de Robert-Lefort.

Quoi de plus légitime que le patriciat romain? Il avait fondé Rome; le premier il avait mis la main dans les destinées de la vie éternelle, et fut long-temps investi d'une incontestable légitimité. La démocratie n'arriva que la seconde au partage; elle revendiqua son droit et sa liberté. par ses tribuns, par Canuleïus, par les Gracques, par la terrible épée de Marius, dont la cause triomphe même après la mort paisible de Sylla, et trouve dans César un vengeur qui relève les statues et continue l'entreprise de l'exilé de Minturnes. Le patriciat succombe, et cependant Sylla n'a pas ménagé le sang. La cause démocratique devient légitime à son tour sous la pourpre de César, et supplante la liberté patricienne, cette vieille liberté aristo

cratique de Scipion Nasica et de Cornélius Sylla. La légitimité dans son principe est philosophiquement vraie; elle participe du caractère universel de la loi et de Dieu, mais elle change de représentans et de costume; et vouloir en faire une entité scolastique, en poursuivre les peuples comme de l'ombre de Banco, quand on n'a su leur donner ni liberté, ni bonheur, c'est se moquer du bon sens et des lois de l'histoire. Je ne sache pas que l'Angleterre ait été si fort déconcertée par les souvenirs turbulens qui combattaient la dynastie nouvelle; et malgré Culloden, où le prétendant réclamait son droit soixante ans après, Guillaume III était légitime en posant le pied sur le sol anglais.

J'arrive à la liberté. Ici plus que jamais se montre l'inconvénient de l'analyse; car comment concevoir la liberté politique sans la bonté de la loi et la légitimité du pouvoir. La liberté est le résultat et l'harmonie de tous les élémens de la sociabilité? Elle est l'ordre organique, l'ordre en action. Que prouve chez un peuple une insurrection, si ce n'est qu'un ordre nouveau tend à s'établir sur les ruines de l'ancien ? Partout où la légalité est mauvaise, où elle est judaïquement interprétée, vous verrez la moralité sociale se soulever; il y a souffrance, schisme, douleur,

révolution. Que les révolutions soient philosophiques, religieuses, sociales, elles sont toujours l'indice d'innovations nécessaires qui ont besoin d'être satisfaites; elles sont pour ainsi dire l'entrée en scène de la liberté politique, mais elles ne sont pas la liberté même.

La liberté sociale concerne à la fois l'homme et le citoyen, l'individualité et l'association : elle doit être à la fois individuelle et générale, ne se concentrer ni dans l'égoïsme des garanties particulières, ni dans le pouvoir absolu de la volonté générale; principe essentiel que confirmeront les enseignemens de l'histoire et les théories des philosophes.

L'insurrection qui déchire la légalité quand elle est corrompue et perfide est dans l'histoire. des peuples un accident terrible et nécessaire que les progrès de la sociabilité tendent de plus en plus à supprimer. Voilà l'exemple et le bienfait que l'Europe doit à la constitution anglaise; elle nous montre la liberté politique, surtout comme une résistance; elle fait sortir de l'action du gouvernement et de la réaction parlementaire un développement oscillatoire et harmonique qui avance toujours sans se précipiter jamais : rouage merveilleux de l'industrie politique, si

son mécanisme parvient aujourd'hui à se corriger lui-même, à suffire et à s'adapter aux mouvemens accélérés de la civilisation.

Mais si la liberté moderne a trouvé jusqu'ici dans la constitution anglaise sa manifestation la plus complète et plus la riche, elle n'en est pas moins indépendante de toutes les formes: destinée à les user, à leur survivre, à ne s'incorporer éternellement dans aucune. Dans le dernier siècle Mably et Rousseau ont écrit que la liberté, patrimoine exclusif de l'antiquité, était presque impraticable aux temps modernes : erreur dont a fait justice, surtout Benjamin Constant, qui cependant, nous le verrons, a méconnu un des caractères de la liberté sociale. Les progrès de l'émancipation politique sont sensibles chez les modernes. La liberté commence sa carrière par briller à Athènes au sein de cette jeune et gracieuse république où vingt mille citoyens, l'élite du monde, s'occupaient tour à tour de ce que l'esprit a produit de plus enchanteur et de plus profond, où l'on se préparait dans les jardins de l'Académie aux combats de la tribune, où le même peuple qui écoutait Périclès riait aux comédies d'Aristophane, et avait peur aux drames d'Eschyle, où mieux qu'en aucun lieu

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