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Pourquoi? parce que ces ouvrages n'ont exercé aucune influence sur le temps qui les a vus naître. C'est ainsi que dans le Musée du Capitole je me suis arrêté davantage devant le buste de M. Brutus, de Thucydide ou d'Alexandre, que devant celui de Didius Julien ou de Pescennius Niger. Il ne suffit pas d'avoir vécu, écrit ou régné, pour mériter, comme disait Napoléon après Marengo, une demi-page dans une histoire universelle*.

Je crois avoir recueilli quelques avantages du secours que m'a prêté l'histoire, tant politique que philosophique. Plusieurs théo

* Le premier consul, revenant à Paris après Marengo, répondait à son secrétaire, qui le complimentait sur la manière dont il venait de travailler à son immortalité : Si je m'arrétais là, je n'aurais pas une demi-page dans une his

toire universelle.

XXXVI

ries en sont devenues plus sensibles et plus nettes; je pourrais citer la propriété éclaircie par le récit des révolutions qu'elle a subies; l'éducation, plus claire dans les applications de Platon, d'Aristote ou de Rousseau; mais je signalerai surtout la théorie de la souveraineté, que j'ai pu bien mieux définir en considérant la révolution française, et les théories contradictoires de Rousseau et de De Maistre, que si je l'eusse posée à priori dès le début de cette Philosophie du Droit. J'avais à cœur de mettre le principe de la souveraineté nationale hors de toute controverse, et je l'ai réservé pour le faire sortir plus lumineux et plus vif de l'épreuve de l'histoire et de la polémique.

J'avoue que j'aurais manqué mon dessein si sous la variété des objets on ne sentait

pas quelque suite et quelque unité dans la pensée. L'aridité n'est pas la rigueur. Qu'a gagné Puffendorf en écrivant des Elémens de Jurisprudence universelle suivant la méthode des géomètres? il n'a tiré de ce procédé qu'un livre sec et ignoré.

L'ouvrage que je présente au public est le résultat du cours que j'ai professé au college de France, dans le semestre d'été de 1831; mais il n'est pas le cours luimême. J'ai refondu complètement dans le silence du cabinet les improvisations de la chaire, me rappelant cette parole de Buffon, que ceux qui écrivent comme ils parlent écrivent mal. Je ne sais quel effet produira au lecteur ce mélange de diction et d'écriture produit par la plume et la parole. S'il

veut le considérer comme un livre, il sera plus sévère; s'il veut le considérer comme un cours, il sera plus indulgent : je m'abandonne à sa merci. Je n'ai pas le courage de défendre la forme de cet essai. Si nous vivions dans une époque de repos et de stabilité, comme au dix-septième siècle, dans les longs et majestueux loisirs du règne de Louis XIV, où l'art d'écrire s'incorporait avec l'homme, occupait toute la vie, où un livre était une destinée, j'aurais sans doute élaboré lentement le sujet que j'ai choisi; mais dans un temps où la pensée de l'homme est pour ainsi dire condamnée chaque matin à l'oubli des objets qu'elle avait considérés la veille, peut-on exiger de quelqu'un de s'assujettir à des disciplines académiques, de limer ses mots, d'attifer ses phrases et de pomponner ses périodes?

Etre utile, si peu que ce soit, voilà ce qui importe. Le monde est devenu comme un vaste Forum où chacun peut ouvrir l'avis qu'il croit avantageux; s'il a raison, l'assemblée le récompense par quelques minutes d'attention; sinon, on ne prête pas l'oreille et on passe à l'ordre du jour.

L'humanité et la patrie, voilà les deux objets raisonnables de passions énergiques, et ce n'est pas ici le cas d'appliquer cette parole qu'on ne saurait servir deux mattres à la fois.

Les nations doivent se donner la main par leurs grands hommes; plus elles sont douées d'une originalité franche et d'un caractère distinctif, plus elles peuvent, sans danger et avec un vrai profit, s'a

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