Sayfadaki görseller
PDF
ePub

mentaire; l'historien romain n'est guère là qu'un prétexte, Les yeux fixés sur l'antiquité, Machiavel en compare les mœurs et la politique aux états modernes; il cherche des leçons pour l'Italie dans l'imitation de la liberté antique; il veut que la vie républicaine de Florence, de Pise ou de Venise s'instruise à l'école de Rome et d'Athènes; tellement qu'il méconnaît tout-à-fait l'originalité du moyen âge et des temps modernes. C'est ainsi que, frappé à la fois du caractère politique de la religion dans l'antiquité, et des déportemens de la papauté au siècle où il vivait, il s'exprime en ces termes : « Puisque quelques per» sonnes prétendent que le bonheur de l'Italie dépend de l'église de Rome, j'alléguerai contre » cette Église plusieurs raisons qui s'offrent à » mon esprit, et parmi lesquelles surtout il en » est deux extrêmement graves auxquelles, selon moi, on ne peut opposer aucune objection. » D'abord les exemples coupables de la cour de » Rome ont éteint, dans cette contrée, toute dé»votion et toute religion, ce qui entraîne à sa » suite une foule d'inconvéniens et de désordres; » et, comme partout où règne la religion, on » doit croire à l'existence du bien, de même où elle a disparu, on doit supposer l'existence du

[ocr errors]
[ocr errors]

D

«

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

. mal. C'est donc à l'église et aux prêtres que » nous autres Italiens nous avons cette première obligation, d'être sans religion et sans mœurs; » mais nous leur en avons une bien plus grande › encore qui est la source de notre ruine, c'est » que l'Eglise a toujours entretenu et entretient » malheureusement la division dans cette mal» heureuse contrée..... La cause qui empêche l'Italie d'être soumise à un gouverne»ment unique, soit monarchique, soit républicain, c'est l'Église seule qui, ayant possédé et » goûté le pouvoir temporel, n'a cependant eu > ni assez de puissance ni assez de courage pour s'emparer de l'Italie et s'en rendre souveraine. » Mais, d'un autre côté, elle n'a jamais été assez » faible pour n'avoir pu, dans la crainte de per» dre son autorité temporelle, appeler à son se» cours quelque prince étranger.... Voilà pour» quoi l'Italie n'a pu se réunir sous un seul chef » et demeure asservie à plusieurs princes ou seigneurs; de là ces divisions et cette faiblesse qui l'ont réduite à devenir la proie non-seule>ment des Barbares puissans, mais du premier » qui daigne l'attaquer *.

>>

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[blocks in formation]

Mais Machiavel ne se contente pas de censurer l'Eglise; il accuse le christianisme de rendre les hommes moins braves, moins portés aux grandes actions, aux grandes entreprises; et Rousseau, plus tard, a reproduit ces reproches: << Notre religion, nous ayant montré la vérité et >> l'unique chemin du salut, a diminué à nos » yeux le prix des honneurs de ce monde; les >> païens, au contraire, qui estimaient beaucoup » la gloire, et y avaient placé le souverain bien, >> embrassaient avec transport tout ce qui pou» vait la leur mériter. On en voit les traces dans >> beaucoup de leurs institutions; la pompe de >> leurs cérémonies égalait leur magnificence; >> mais on y joignait des sacrifices ensanglantés » et barbares où une multitude d'animaux étaient égorgés; la vue continuelle d'un spectacle aussi » cruel rendait les hommes semblables à ce culte. » Les religions antiques, d'un autre côté, n'ac» cordaient les honneurs divins qu'aux mortels >> illustrés par une gloire mondaine, tels que les >>> fameux capitaines et les chefs de république. » Notre religion, au contraire, ne sanctifie que >> les humbles et les hommes livrés à la contemplation plutôt qu'à la vie active; elle a de plus » placé le souverain bien dans l'humilité, dans le

[ocr errors]
[ocr errors]

mépris des choses de ce monde, dans l'abjec» tion même...... Il semble que cette morale >> nouvelle a rendu les hommes plus faibles, et a » livré le monde en proie aux scélérats auda>> cieux. Ils ont senti qu'ils pouvaient sans crainte >> exercer leur tyrannie, en voyant l'universalité >> des hommes disposés, dans l'espoir du paradis, » à souffrir tous les outrages plutôt qu'à s'en » venger *. » Pour le coup, le secrétaire est trop amoureux de l'antiquité. Il irait même jusqu'à excuser les sacrifices sanglans. Il méconnaît entièrement la philosophie chrétienne, le courage nouveau, les mœurs héroïques, loyales et humaines qui en sont sorties. Cet exemple fait toucher au doigt ce qui manque au Florentin. Mais, dans l'étude même de l'histoire de Rome, des secrets de sa croissance et de sa grandeur, des principes de sa constitution, des maximes de sa politique, des ruses et des hardiesses de son génie; dans l'analyse de l'art de gouverner, de ses ressources, de ses défiances, des moyens qui changent et qui sauvent les états, des conspirations qui les renversent, des fautes des peuples et des princes, Machiavel s'est fait le

[blocks in formation]

précepteur des hommes d'état et des historiens; il a souvent inspiré Montesquieu; le grand Jean de Müller l'étudiait constamment; Richelieu et Cromwell ne durent pas non plus négliger sa lecture.

Nous arrivons au Prince. Machiavel, après une carrière subalterne, était dévoré dans la retraite par la douloureuse inquiétude d'un génie qui n'avait jamais pu se satisfaire. Il sentait le besoin d'épancher sa veine politique et de se montrer grand sur le papier, puisqu'on lui avait toujours refusé la place qui lui appartenait. Alors sans songer au public, mais pour le communiquer confidentiellement à celui des Médicis qui régnait à Florence *, il écrit un petit traité, substantiel, plein, nerveux, sans phrases. Il personnifie sa politique dans le Prince qui est à la tête d'un état, le suit dans les situations les plus difficiles, lui fait poursuivre son but à travers tous moyens pour triompher de ses ennemis, le Prince corrompra les consciences; il assas sinera, s'il ne peut faire autrement ici les remords seraient hors de saison; c'est de la politique expérimentale à tout prix. Ne croyez pas

*

Voyez la lettre à François Vettori, retrouvée en 1810, dans l'Histoire de Machiavel par M. Périès.

« ÖncekiDevam »