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>> der aux hommes; autrement ses lois, ministres » de ses passions, ne feraient souvent que perpétuer ses injustices; jamais il ne pourrait évi>> ter que des vues particulières n'altérassent la »sainteté de son ouvrage.

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Quand Lycurgue donna des lois à sa patrie, >> il commença par abdiquer la royauté. C'était la >> coutume de la plupart des villes grecques de » confier à des étrangers l'établissement des » leurs. Les républiques modernes de l'Italie » imitèrent souvent cet usage; celle de Genève » en fit autant, et s'en trouva bien. Rome, >> dans son plus bel âge, vit renaître en son » sein tous les crimes de la tyrannie, et se vit prête à périr pour avoir réuni sur les mêmes >> têtes l'autorité législative et le pouvoir souve» rain *. »

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Rousseau a parfaitement décrit dans ces lignes le législateur de l'antiquité. Les sociétés, dans leur enfance, n'ont pu être dirigées que par des hommes extraordinaires, dont la fonction particulière et supérieure semblait n'avoir rien de commun avec l'empire humain. C'est pourquoi ils se disaient en commerce avec les dieux;

* ROUSSEAU, Contrat social, liv. à, chap. 7.

ils disaient en recevoir la loi, qu'ils transmettaient aux hommes, sans discussion, avec une accablante autorité. Mais Rousseau n'a pas observé que le caractère et l'office du législateur avaient changé dans les temps modernes, non qu'il y ait eu moins d'hommes extraordinaires, car il n'est pas vrai que la marche du temps soit de niveler le génie; non que la puissance de l'homme ait diminué, mais les hommes extraordinaires et puissans, placés dans une autre époque du monde, agissent différemment. Charlemagne est legislateur, mais il opère sur d'autres hommes, sur une autre nature que celle des Hébreux et des Grecs, dans un âge plus avancé de l'humanité. Aussi il résume et corrige à la fois les moeurs de son siècle, il rédige et récapitule au moins autant qu'il édifie, parce que la société qu'il dirige est chrétienne, douée d'une vie, d'une indépendance morales que ne pouvait connaître le peuple de Lycurgue et de Numa. Quand Napoléon se fait législateur de la France, il n'a pas moins de génie que Mahomet; mais au lieu de promulguer le Coran, il décrète, au sein du conseil d'état, des codes qui expriment et améliorent la vie domestique du peuple français.

Le législateur dans l'antiquité était poëte et roi; dans les temps modernes il est philosophe et peuple.

Les mœurs chez les modernes ont acquis une autorité qui change la position du législateur, et sans la faire déroger la rend plus difficile; elle se sont formées un empire qui ne doit pas être indépendant de la loi, mais où la loi n'a plus des enfans à mener, mais des hommes à diriger. Ouvrez un code moderne; vous y trouverez pour base des coutumes, des mœurs, des habitudes, des opinions que le législateur n'a pas faites, qu'il devra réformer, améliorer en les exprimant, qu'il devra d'époque en époque réviser et perfectionner, mais dont il est obligé de reconnaître l'antériorité et les influences. Depuis le christianisme la législation est devenue toute démocratique, en ce sens qu'elle a modifié sa souveraineté en raison des progrès de la liberté humaine.

Mais l'art de la législation n'en est devenu que plus délicat, plus profond et plus subtil. Placé au milieu de la société, entre les idées générales, les théories philosophiques, les mœurs, les coutumes historiques, les maximes et les arcanes de la jurisprudence, il doit écrire les pres

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criptions sociales d'un style populaire, savant et durable.

Un code est à la fois un système et une histoire. Si le Tasse du haut d'une colline en montrant les campagnes italiques, s'est écrié, « Voilà mon poëme ! » le législateur doit réfléchir dans son ouvrage les traits et la vie de sa nation en les rendant plus purs et plus beaux.

Il est conforme aux lois de l'esprit, à la structure de la raison, à la simplicité rigoureuse du bon sens, de rédiger et de distribuer les lois dans des codes méthodiques. Cela convient au génie prompt et juste de tout homme et de tout peuple. Ce sera une supériorité pour une nation sur les autres d'avoir su porter dans ses lois une économie philosophique, car ce sera la preuve d'une raison plus alerte et plus positive.

Chez un peuple qui a des codes, les lois sont mieux connues, plus claires, mieux obéies; la vie sociale plus facile, les opinions générales mieux exprimées.

Vouloir comme l'école historique allemande*, abandonner la légalité d'un pays aux instincts, aux habitudes des mœurs et aux élucubrations

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Voyez Introduction générale à l'histoire du Droit, chap. 17.

de la jurisprudence, c'est méconnaître l'office même de la science sociale; c'est donner le pas à la jurisprudence sur la législation, aux procédés téchniques sur la vie même, à l'érudition sur la philosophie, au passé sur le présent, aux anciens us et coutumes sur l'esprit nouveau; c'est abdiquer l'initiative de la raison; c'est pour échapper à l'écueil de violenter les mœurs, tomber dans la servitude de la routine.

Il est vrai qu'un peuple n'est pas préparé, à toutes les époques de son histoire, aux procédés philosophiques d'une codification, pas plus qu'un homme n'est mûr avant le temps pour le développement systématique de sa raison. Bentham a eu tort d'opposer si fort la coutume à la raison qu'il en fait comme deux puissances hostiles et irréconciliables *. Sans doute il est un moment où la coutume, devenue caduque, veut être entièrement effacée par l'esprit philosophique; c'est alors qu'il est juste de dire avec Bacon, que la coutume est stérile et que la raison est féconde; mais quand la coutume fleurit chez un peuple, quand la loi non écrite sait se con

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Second essai sur les délais en jurisprudence, à l'occasion des procédures faites à Cadix.

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