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>> perfection, est le plus excellent des animaux, >> il en est le pire quand il vit isolé, sans lois et »sans justice*. » C'est pourtant sur le même sujet qu'ont écrit Aristote et Rousseau. La philosophie antique a toujours cherché l'homme dans la société. Ainsi Platon estime qu'il est beaucoup plus raisonnable d'étudier l'âme humaine dans l'image même de la cité politique, que dans l'abstraction de l'homme pris à part: tant l'homme n'était pour les anciens que le citoyen! tant ces mystères de la nature humaine qui sont pour ainsi dire hors de la légalité sociale, leur échappaient! Figurez-vous un peu la plus ferme intelligence des temps antiques en face des conceptions de Descartes et de Byron.

Quand Aristote a jeté les fondemens de la sociabilité, il rétablit les droits de la propriété méconnus par Platon; il rapporte dans le second livre l'opinion de Socrate qui met tout en commun, les biens, les femmes et les enfans; il la censure, il triomphe, il accable Platon sous la supériorité de son bon sens. Après une argumentation logique qui tend à prouver que tous

* Liv. 1. Je me sers de la traduction de mon savant collègue, M. Thurot, et j'ai sous les yeux l'édition grecque du docteur Coray.

les hommes ne peuvent pas dire mien en parlant d'une même chose, il arrive aux raisons puisées dans la nature humaine. Pourquoi la communauté de biens est-elle nuisible? parce que, si l'on attache une grande importance à ce qui nous appartient en propre, on en attache bien moins à ce qu'on possède en commun, ou du moins chacun ne s'y intéresse qu'en ce qui le concerne. Τῶν γὰρ ἰδίων μάλιστα φροντίζουσι, τῶν δὲ κοινῶν ἧττον, ἢ ὅσον ἑκάστῳ ἐπιβάλλει. Voilà un commencement d'individualité. Mais sur la communauté des enfans, la réfutation d'Aristote est encore plus heureuse.« Dans une société civile où la ⚫ bienveillance est pour ainsi dire délayée entre » tous, elle doit être extrêmement faible; et il » est presque impossible qu'un père y dise, Mon » fils, ou un fils, Mon père; car de même qu'en » mêlant un peu de miel dans une grande quantité d'eau on obtient un mélange qui n'a plus » de saveur douce, ainsi ce qu'il y a d'individuel » et de touchant dans les rapports que désignent » ces noms se dissipe et s'évanouit, parce que » le résultat inévitable d'une pareille commu» nauté est d'intéresser extrêmement peu un père à ses fils, des fils à leur père et des frères ⚫ les uns aux autres. Car il y a deux choses qui

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»'contribuent essentiellement à faire naître l'in » térêt et l'attachement dans le coeur des hom» mes, la propriété et l'affection; or ni l'une ni » l'autre ne peuvent exister dans une forme de gouvernement comme celle-là.» Les expres sions d'Aristote sont aussi justes que sa pensée : τὸ ἴδιον καὶ τὸ ἀγαπητόν. Les deux élémens de l'humanité sont en effet le propre, ce qui nous constitue, nous fait être nous-mêmes, rò dtov; et puis, ce qui nous attire les uns vers les autres, cette sympathie affectueuse qui nous rattache et nous associe, Tò άyanтóv. La propriété ainsi maintenue, le philosophe n'en veut pas moins la faire tourner à l'utilité de tous, et il estime que la possession doit être particulière, mais l'avantage général : ce sera là l'ouvrage d'un sage législateur : φανερὸν τοίνυν, ὅτι βέλτιον εἶναι μὲν ἰδίας τὰς κτήσεις, τῇ δὲ χρησεῖ ποιεῖν κοινάς.

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Ce même Aristote qui déploie sur la propriété et la nature de l'homme la raison la plus droite échoue tristement devant le problème de la liberté humaine. Toutefois on s'étonnera moins de trouver dans sa politique une justificationrationnelle de l'esclavage, si l'on ne perd pas de

* Liv. II.

le

vue qu'observateur des faits, homme d'état autant que philosophe, Macédonien positif, il s'attachait surtout à la réalité. Comment pouvait-il tomber dans l'esprit du contemporain d'Alexandre de réprouver l'esclavage, fondement de la constitution sociale? J'admire davantage que le spiritualiste Platon, que , que n'arrêtait pas respect de l'ordre établi, qui dans ses spéculations hardies bravait son siècle, n'ait rien trouvé d'humain et de novateur contre une telle institution. Mais dès que ces philosophes nesoupçonnaient même pas devoir condamner l'esclavage, ils étaient naturelleinent amenés à vouloir le justifier en vertu même de la nature des choses. Aristote ne se dissimule pas que quelques-uns ont prétendu que le pouvoir du maître est contre nature. Il y avait donc protestation même dans l'antiquité. Mais il ne s'arrête pas à l'objection; il estime que l'art de posséder est nécessaire à la vie; que parmi les instrumens que l'on possède, les uns sont inanimés, les autres animés. « Ainsi » pour le pilote le gouvernail du vaisseau est un » instrument inanimé, et le matelot qui veille à » la proue un instrument animé; car dans les » arts le manouvrier est une sorte d'instrument. » De même une chose qu'on possède est un ins

» trument utile à la vie, et la somme des choses » possédées une multitude d'instrumens ou d'ou>> tils. L'esclave est en quelque sorte une propriété » animée, et en général tout serviteur est comme >>> un instrument supérieur à tous les autres. Ó » δοῦλος κτῆμά τι έμψυχον. » Aristote consent à animer l'esclave, non pour le réhabiliter, mais pour l'avilir et le condamner à jamais. Il s'enfonce encore davantage dans son raisonnement. « Dans l'homme nous trouvons la relation de l'âme et du corps. Qui obéit à l'âme? le corps. Dans le monde physique nous voyons la relation des animaux à l'homme, et l'homme leur commande. De plus, entre le mâle et la femelle c'est la femelle qui obéit au mâle. Donc tous les êtres entre lesquels

il

y a autant de différence qu'entre l'âme et le corps, entre l'homme et l'animal, sont esclaves par nature, et c'est pour eux un avantage d'être esclaves, et la nature a même voulu marquer les corps des hommes libres et ceux des esclaves en donnant aux uns la force convenable pour leur destination, aux autres une stature droite et élevée qui lés rend peu propres aux travaux serviles, mais utiles dans les emplois civils et de la guerre. » Détestable argumentation, tellement absurde qu'à l'instant même Aristote la rétracte,

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