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Quand Domitien expulsa les philosophes de Rome, un esclave phrygien se retira à Nicopolis et y enseigna sans doute sa doctrine. Ses maximes qui ont été conservées ainsi que les commentaires de Simplicius nous livrent la théorie complète de la résignation et de l'insensibilité stoïque. On ne peut pousser plus loin la noble exagération d'une vertu inutile. Marc-Aurèle sur le trône ne tire du Portique que des règles de conduite individuelle; et son stoïcisme n'a pas ranimé l'empire. C'est que le mérite unique de cette philosophie fut d'exalter outre mesure l'individualité, mais sans la féconder : le stoïcien doit s'abstenir et doit supporter, mais rien ne l'oblige d'agir; il résiste toujours, jamais il ne veut conquérir; loin d'aimer les autres hommes qu'il ne trouve pas à son point, il les méprise; il se retire dans son orgueil, comme Achille sous sa tente; il se gonfle, il ne s'épanche pas; insociable à force d'héroïsme, pour lui toutes les fautes sont égales, tous les manquemens à la morale sont de même valeur. Chrysippe faisait ce beau raisonnement: Soyez à cent stades de distance de Canopes, ou n'en soyez éloigné que d'une seule, dans les deux cas vous n'êtes pas à Canope: soyez de même à quelques pas de la vertu

ou à une distance infinie, dans les deux cas vous n'êtes pas dans la vertu*. Quand une doctrine a le malheur d'être aussi logique, elle est anti-sociale. Toutefois les stoïciens ne demandaient pas mieux que de se mêler des affaires; leurs sagès devaient être des hommes politiques mais qu'ont-ils fait? quel dévouement pour l'humanité? quelle grande action historique, sauf la protestation et la mort de Caton? où sont les actes positifs, les institutions durables? où est la parole et le pain pour l'humanité?

* Diogen. Laert. Zenon; lib. vii, cap. 1, no 44.

CHAPITRE IV.

Le Christianisme.

PENDANT que Sénèque écrivait, il y avait déjà des chrétiens dans Rome*; et quand saint Paul arriva dans la ville éternelle, il y trouva une communion d'hommes qui s'étaient rassemblés au nom de Jésus-Christ et pratiquaient une vertu

* Nous n'avons pas besoin de la prétendue liaison entre saint Paul et Sénèque pour expliquer le caractère si profond de la morale du philosophe. Les temps étaient arrivés, et Sénèque aboutissait par la philosophie au pressentiment du christianisme. Comme Platon, il poussait la morale antique à la rencontre d'une morale nouvelle. Ainsi va le cours des choses; ainsi marchent la nature et l'esprit humain, opérant leurs révolutions par des transitions qui rapprochent les termes, plaçant et distribuant les grands hommes aussi bien à la fin d'une civilisation qui s'en va qu'à l'aurore d'un ordre nouveau qui s'élève; et les grands hommes forment ainsi la chaîne des idées.

nouvelle. Le dernier et le plus pur effort du paganisme avait enfermé l'homme dans une exaltation solitaire; mais il ne suffit pas de poser avec noblesse devant le genre humain, il faut le servir, l'entraîner et le convaincre or voici une doctrine quí non-seulement purifie l'individualité comme le stoïcisme, mais la vivifie, la console et la relève par la promesse formelle d'ouvrir les cieux à l'homme pour réparer l'injustice de la terré. C'est autre chose qu'une opinion philosophique sur la vraisemblance de la diviníté de l'âme; c'est l'annonce positive d'une autre vie : il y a là un langage inconnu et supérieur aux autres philosophes. Mais non contente de redresser la personnalité humaine, en l'abouchant avec Dieu, la nouvelle doctrine enseigne que tous les hommes sont frères, et sont égaux devant celui qui les a créés; elle apporte ainsi un principe nouveau de sociabilité. Sénèque luimême, qui avait parlé du droit de l'humanité (jus humanum) est dépassé par l'avénement de cette fraternité naturelle, de cette égalité des hommes entre eux principe tellement fécond qu'encore aujourd'hui il n'a pas porté tous ses fruits, et que le travail du siècle est de lui demander ses dernières conséquences.

J'ai déja considéré * l'établissement politique du christianisme, la nécessité du droit canonique et les fruits de la réforme." Il faut examiner ici comment s'est développée dans la tête des penseurs la sociabilité du christianisme, et les théories politiques qui sont sorties tant de l'ancienne loi que de la nouvelle.

Evidemment une doctrine qui contenait l'abolition virtuelle de toute inégalité contraire à la nature des choses, qui niait la légitimité de l'esclavage, fondement de la société antique, portait dans son sein une suite inépuisable de révolutions. Mais pensant que chaque jour suffit à sa peine, marchant avec patience et naïveté dans sa large voie, le christianisme s'accommoda long-temps des institutions au milieu desquelles il fut obligé de passer son enfance et sa première jeunesse. Jésus avait dit: Rendez à César ce qui appartient à César. On avait tenté de faire de lui un tribun politique; il ne donna pas dans le piége : il rendait à César ce qui lui appartenait, parce qu'il avait l'ambition de fonder quelque chose de plus grand que César.

Saint Paul consulté par des chrétiens qui ne

* Liv. 11, chap. 3.

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