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CHAPITRE V.

Machiavel.

DES que les Romains eurent soumis Tarente et chassé Pyrrhus, l'unité politique de l'Italie cominença; elle se développa sous la république, se confirma sous César et sous Auguste, fut troublée par Constantin, expira avec Augustule; unité où tend aujourd'hui l'Italie, où elle arrivera. Mais que de détours ne prend pas l'histoire! Ainsi Grégoire VII, qui voulait soumettre la péninsule à sa théocratie, suscite au contraire les républiques italiennes. Ce pape plus que tout autre avait mis aux prises le Nord et le Midi; à chaque règne l'empereur passait les monts pour aller prendre sur l'autel de Saint-Pierre la cou

ronne impériale; guerres toujours renaissantes, lutte du sacerdoce et de l'empire, des Guelfes et des Gibelins, orages qui fécondèrent l'indépendance des villes italiennes. Milan, destinée à servir tour à tour de garnison à l'Allemagne et à la France, combat les empereurs avec héroïsme. Venise donne l'exemple d'un patriciat despote et persévérant comme un seul homme. Gênes, cet amphitéâtre de marbre au milieu de la Méditerranée, se glorifiera de Doria et de Colomb. Déjà dans l'antiquité la Toscane avait devancé Rome par une civilisation moitié orientale, moitié grecque, et la sagesse de ses Lucumons avait brillé dans Fisole et dans Volaterre. Florence au moyen âge passe tour à tour de l'aristocratie au régime populaire, du patronage des Médicis à l'insurrec tion; incapable de liberté comme de servitude, mais reine de l'Italie, mais fleur brillante de cette Grèce moderne, elle donne à l'Europe le Dante, Machiavel, Guichardin et Galilée.

Quand Machiavel vint aux affaires, l'importance politique de Florence s'éclipsait un peu. Il occupa toujours des emplois inférieurs à son génie, et il rendit des services essentiels, sans jamais paraître au premier rang. Dans l'espace de quatorze ans sa république l'envoya quatre

fois à la cour de France, deux fois auprès du pape, deux fois aussi auprès de César Borgia, d'abord triomphant, ensuite prisonnier au château Saint-Ange. Le secrétaire florentin eut encore à s'acquitter de plusieurs autres missions auprès de petits princes italiens. Florence flottait alors entre les alliances de l'Allemagne, de la France et de Rome, et sa politique incertaine avait les inconvéniens de tons les partis qu'elle prenait. Machiavel dépensa donc sa vie à ménager à sa patrie des transactions continuelles, et à conquérir de petits résultats; rôle subalterne, indigne de lui : je lui eusse voulu un emploi de premier ministre sous un roi puissant, auprès de quelque grand trompeur sur le trône, comme Louis XI, Ferdinand-le-Catholique, ou CharlesQuint. Quoique dans son patriotisme il ait toujours cherché l'indépendance de sa patrie, et qu'il ait servi tour à tour pour la sauver du joug étranger la seigneurie et les Médicis, on peut dire qu'il eût été inutile au monde s'il n'eût pas écrit.

*

Un critique anglais a expliqué avec bonheur

Voyez Edimburg Review. L'article a été traduit dans le 23e numéro de la Revue britannique. L'anteur est M. Macauley,

une des faces du caractère de Machiavel. Il en a fait le représentant du génie italien, tel qu'il était sorti des troubles et des factions du quinzième siècle; mélange de finesse, de ruse et de persévérance, fourbe avec naïveté, aussi naturellement que le Français était présomptueux et le Germain un peu lourd; une inépuisable perfidie dans les desseins, du sang-froid dans l'exécution, de la bravoure, de la fidélité dans les haines et les amitiés. Il est évident que le siècle et le pays qui produisirent Machiavel, Alexandre VI, César Borgia, tous les politiques du consistoire romain, furent par excellence le pays et le siècle de la diplomatie. Ainsi Machiavel, continuellement envoyé où il y avait de sérieuses difficultés à vaincre, se trouvait auprès de César Borgia au moment où celui-ci était au plus fort de ses entreprises et de ses hypocrisies. Ce fils naturel du pape Alexandre VI bouleversait toute l'Italie. On était toujours incertain de savoir quels alliés il se proposait de duper; sa pensée était en hostilité constante avec ses paroles. Pendant la légation de Machiavel il se

aujourd'hui membre de la chambre des communes, et l'un des réformistes les plus distingués. Nous sommes fâchés seulement de la légèreté injuste avec laquelle il a traité Montesquieu.

surpassa lui-même. Il avait autour de lui les Orsini, et Vitelozzo, ses éternels ennemis qu'il était parvenu à persuader de son profond regret sur leurs inimitiés passées. Il les amène à lui gagner et à lui ouvrir la ville de Sinigaglia, y entre avec eux, les fait saisir, et pendant la nuit met à mort Vitelozzo et messer Oliverotto. Aussitôt après il se présente à Machiavel pour lui apprendre l'heureux succès de son entreprise, et lui témoigner qu'il serait charmé de recevoir à ce sujet les félicitations de la république. Machiavel ne sourcille pas, et avec le plus grand flegme il expédie ses dépêches à la seigneurie.

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Magnifiques seigneurs, je vous ai écrit hier » par deux lettres tout ce qui s'était passé depuis » l'arrivée de son excellence à Sinigaglia, ainsi » que de la manière dont il s'était emparé du

seigneur Pagolo, du duc de Gravina Orsini, » de Vitelozzo et d'Oliverotto. Ma première » n'était qu'un simple avis de cet événement. » Dans la seconde j'entrais dans les plus grands » détails, et de plus je vous y rendais compte » de ce que m'avait dit son excellence, et de ce » que l'on pensait généralement de sa conduite » dans cette circonstance....... Je vais vous redire >> en substance, par surcroît de précaution, tout

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