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Revenons encore un instant à Philippe, pour examiner sa conduite particulièrement envers les Pays-Bas.

D'après l'opinion universellement admise il vouloit y conquérir un pouvoir sans limites; y établir la domination des Espagnols, y extirper la Réforme par l'inquisition d'Espagne ; et il tendoit à ce triple but sans modération, sans concession quelconque. Considérons chacun de ces reproches séparément.

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On prouveroit difficilement, croyons nous, que Philippe II ait eu dessein de mettre les libertés du pays à néant. Au commencement de son règne rien ne justifie cette supposition'. Puis, dans la question des privilèges, il ne faut jamais perdre de vue que le maintien de la religion Romaine étoit précisément un des privilèges les mieux établis, que la violation des libertés et des coutumes fut plutôt une conséquence de la guerre qu'elle n'en fut la cause', que l'administration violente du Duc d'Albe fut, on peut le dire, uue anomalie dans le règne de Philippe II. En effet, ce ne fut qu'après de longues hésitations que le Roi se décida à envoyer ce général, étant poussé à bout par les excès, à son avis, sacrilèges des iconoclastes3. D'ailleurs,

et

»Seigneurs dirent que c'estoit chose pour plus peser et prendre advis des Chevaliers de l'Ordre: » I. 290. Le maintien de la Religion leur étoit spécialement recommandé: II. 40.

'Le Comte Louis de Nassau vante extrêmement les premières années du gouvernement de Philippe dans les Pays-Bas ; probablement pour faire ressortir d'autant plus le contraste; toutefois on ne sauroit révoquer en doute la vérité de cet éloge: II. 447.

Il ne fut pas très-scrupuleux à cet égard: II. 9.

3 Les Chefs de l'opposition en étoit eux-mêmes indignés. Le Prince d'Orange se hâta de sévir contre les briseurs d'images. M. M.

tout ne se fit pas d'après ses ordres. Puis, quelqu'horrible que fut la réalité durant ces années d'extermination et de massacre, le pinceau des historiens en a encore surchargé le tableau. Eufin, il seroit en tout cas, injuste de vouloir apprécier la vie entière et le gouvernement du Roi d'après cet affreux épisode.

Espagnol, il donnoit la préférence aux Espagnols; il aimoit à s'en entourer; il en formoit sa Cour, son Conscil'. Il n'avoit pas le talent de faire oublier aux autres nations le tort de son origine. Mais on prétend sans motif qu'il donna à ses compatriotes une autorité excessive dans les Pays-Bas. La Gouvernante étoit née en Belgique'; dans les Conseils il n'y avoit, parmi les adhérents du Roi, que Granvelle auquel on pût donner le nom d'étranger; encore étoit-il Bourguignon. Le nombre des soldats Espagnols, dont la présence, après le départ du Roi, fit jeter de si hauts cris, n'étoit certes pas tel qu'on put fonder sur eux des projets d'arbitraire et de despotisme.

En voulant déraciner la Réforme, il ne fit que suivre l'exemple et les conseils de Charles-Quint'. Sous le règne

de Montigny et de Berges trouvoient que tant de Seigneurs et personages principaux ne devoient souffrir semblables actes: » II. 362. Louis de Nassau condamnoit aussi la violence du peuple: p. 213, sq.

'T. II. p. 7. De même, en composant la Maison de Don Carlos, on ne y ast volu admettre ung seul de par dechà, ny d'autre nation »que de la sienne propre : p. 346.

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In his provinciis nata et educata, earum idiomata tenebat: > v. d. Haer, p. 102.

3 Dans une Lettre du 6 mai 1566 à la Gouvernante, le Roi écrit: Ny au faict de l'administration de la Justice, ny en celluy de la Religion, j'ay prins aultre pied que celluy y a tenu en son

de celui-ci on avoit fait les Placards contre les hérétiques, et l'Empereur en avoit recommandé l'exécution à son fils.

En refusant d'admettre l'exercice d'une autre religion que la sienne, le Roi agissoit conformément au droit public de cette époque'. Un tel refus étoit son droit. La publicité des prêches eut été une concession énorme : on n'en trouve guères d'exemple, si ce n'est en France en 1561, et encore ce fut le signal de la guerre civile. Tolérance envers les Réformés étoit un motif de rebellion pour les Papistes. Eux aussi approuvoient, exigeoient la repression de ce qu'ils nommoient l'hérésie; s'il y eut des excep

>temps l'Empereur, mon bon Seigneur et père: soubs lequel les subjects n'ont matière de dire qu'ils ne soyent esté heureux et bien >> maintenuz : » Procès des Comtes d'Egmont et de Hornes, II. 348. Et les Nobles Confédérés, s'adressant en 1566 à la Gouvernante, font un aveu bien remarquable: Nous ne doubtons poinct que tout ce que sa M. a par ci-devant et maismement astheure de nouveau ordonné, touchant l'inquisition et l'estroicte observation des placcars sur »le faict de la religion, n'ait eu quelque fondement et juste tiltre, et ce pour continuer tout ce que feu l'Empereur Charles avoit à bonne intention arresté: ci-après, II. 80, sq. En quittant les PaysBas, le Roi fit dire aux Etats qu'il se rappeloit constamment quae discedens Ordinibus audientibus Caesar imperâsset, quibusque de >> rebus moriens testamento studiose cavisset : » v. d. Haer, p. 103.

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'Même en Allemagne la liberté de religion étoit extrêmement restreinte, et ne consistoit qu'à pouvoir librement quitter le Pays: II. p. 353.

On peut en juger par l'impression que firent les prêches publics en 1566, même sur l'esprit des Seigneurs qui favorisoient la Réforme. Le Prince d'Orange ne les aimoit point: II. 158. Il ne les permet pas dans sa ville de Bréda: p. 273. M. M. de Montigny et de Berges recommandent d'oster les presches avant la venue de sa »M. p. 365.

tions, ce fut lorsqu'ils eurent besoin des Protestants, pour des intérêts, soit de commerce, soit de liberté.

Philippe II n'eut jamais l'intention d'établir dans les Pays-Bas l'Inquisition d'Espagne. Il faut, afin de s'abste nir d'une accusation gratuite, distinguer trois espèces d'Inquisition: celle des Evêques dans leur diocèse, celle du Pape qui envoyoit des Commissions extraordinaires dans des cas particuliers; enfin le régime inquisitorial introduit en Espagne et tout-à-fait exceptionnel'. On ne pouvoit s'élever contre la première, conséquence nécessaire et attribut naturel du ministère épiscopal. On voyoit de mauvais œil les juges délégués extraordinairement par le Siège soi-disant Apostolique, soit pour remédier à la nonchalance des Evêques, soit pour soutenir leurs efforts; mais le but de ces Commissions spéciales, nullement inusitées dans les Pays-Bas devoit en grande partie cesser précisément par l'augmentation des Evêques, projetée par Philippe. En tout cas il étoit déraisonnable de confon

' D'après M. Ranke, « ein Königlicher, nur ein mit geistlichen » Waffen ausgerüsteter Gerichtshof: » Fürst. u. Völk. I. 241. On s'y opposoit en Espagne en 1519. Ranke, D. G. I. 471.

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Ne se pouvant (comme on l'avouoit en 1566 dans le Conseil d'Etat) exercer l'office Episcopale sans sçavoir la vie et >conduicte de ceulx qui leur sont commis: Procès d'Egmont, II. 340.

3 Le Conseil d'Etat le reconnoissoit: seulement il croyoit que < voyant maintenant le peuple tant abhorrer icelle, il en fauldroit user, comme le médecin faict des maladies, baillant la médecine par aultre moyen plus agréable au patient: Procès d'Egmont, II. 311. Il est vrai qu'en 1550 on avoit changé le nom odieux d'Inquisiteurs en celui de Ministres Ecclésiastiques.

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Prétendre que ces pontifes seraient les instrumens et les sup

dre ces Commissions avec l'Inquisition d'Espagne, dont le Roi, pour plus d'un motif', ne pouvoit guères désirer l'introduction; tribunal perpétuel, terrible par son activité secrète, par le raffinement des tortures, par l'absence de toute garantie pour les accusés, et par sa tendance à affermir l'autorité du Clergé Romain et le despotisme royal.

Enfin il est complètement faux que le Roi se soit refusé opiniâtrement à toute espèce de modération. Bien au contraire, excepté sur un seul point, à l'égard duquel toute transaction lui paroissoit illicite, il inclinoit constamment à temporiser. Il y eut de 1561 à 1567, comme on peut le voir ci-dessus, une série de concessions, qui semblent quelquefois à peine compatibles avec la dignité du

pôts de l'inquisition espagnole, était absurde et contradictoire, » puisque l'inquisition nême eût été destructive du pouvoir de l'épis>copat, juge naturel en matière de foi: » de Gerlache, l. l. I. p. 39.

On avoit tenté d'introduire l'Inquisition d'Espagne à Naples sous Charles-Quint: mais le Vice-Roi fut obligé de donner une promesse par écrit qu'il n'en seroit plus jamais question: Ranke, F. u. V. I. 269. A Milan en 1563 on échoua pareillement : 1. p. 295. On n'eût guères, après cette double leçon, hasardé la chose dans les Pays-Bas. Le Conseil Privé avoit raison de déclarer en 1566 <que sa M. ne veult aulcune nouvelleté et moins l'introduction de »l'Inquisition d'Espaigne, selon que les mauvais faisoyent courir le »bruict, mais tant seulement garder et entretenir ce que par le passé »avoit esté ordonné avecq si grande délibération et solemnité: » Hopper, Mémorial, p. 59. Les mots ont beaucoup d'empire sur les masses; et le mot d'Espagne, ajouté à celui d'Inquisition, produisit un effet merveilleux. Le Prince d'Orange se défend d'avoir contribué à cette excitation: Bor, I. Byv. p 9. L'aveu des Confédérés II. p. 81) est peu en harmonie avec leur Compromis: T. II. p. 3. Voyez aussi l. l. p. 18, 36.

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