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tre, malgré son indépendance d'esprit et de caractère, a été l'esclave des préjugés de son temps.

La plupart des écrivains influents à une époque encore plus récente répètent, avec un redoublement de hardiesse, les assertions de leurs devanciers. M' MIGNET, par exemple, dans les premières pages de son Histoire de la Révolution Française, donne à plein dans les erreurs accréditées. Avec la concision et la netteté de style qui le distinguent, il a l'art de réunir un très-grand nombre d'assertions antihistoriques dans un très-petit nombre de lignes; son résu· mé de Droit Public est véritablement la quintessence des préjugés traditionnels. Il s'exprime ainsi : « Sous les premières races la Couronne était élective, la nation était » souveraine, et le roi n'était qu'un simple chef mili· taire, dépendant des délibérations communes, sur les » décisions à porter et les entreprises à faire. La nation élisait son chef; elle exerçait le pouvoir législatif dans » les Champs de Mars, sous la présidence du roi, et le » pouvoir judiciaire dans les plaids sous la direction » d'un de ses officiers'. On voit que cet écrivain n'est pas homme à biaiser et que, en ce qui regarde les commencements de la Monarchie Françoise, il a toute la hardiesse requise pour réformer l'histoire, disons mieux; pour mettre l'histoire à la réforme.

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Ici encore M. De ChateaubriAND doit être nommé. Peu d'auteurs ont eu autant de crédit sur cette classe nombreuse de lecteurs auquel le travail de la réflexion répugne; aucun peut-être n'est, à un tel degré, à la fois superficiel et positif. Il se débarrasse fort lestement des problêmes les

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plus difficiles. Jamais il ne doute, toujours il affirme. Il dit, par ex.: «Le chef du gouvernement était électif sous les deux premières races...; des Conseils décidaient les » affaires avec le Roi'.... L'élection du Maire du Palais » appartenait à la nation tout aussi bien que l'élection du roi,» et, pour prouver cette double erreur, il cite un passage de Tacite relatif aux Germains vivant encore dans leurs antiques forêts': Il parle de « liberté politique carlovingienne, » et prétend qu'au 8° et 9° siècle existoient déjà les Etats « tels qu'ils reparurent sous Philippe le › Bel3. » Lui aussi copie d'anciennes erreurs; mais, par un bon nombre de suppositions hasardées, et surtout par les vives couleurs de l'imagination et du style, il leur prête du relief, et leur donne une apparence de nou

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veauté.

En regard de cette diversité d'opinions manifestées par les écrivains qui, recherchant les élégances du style et les beautés de la forme, désirant faire sensation dans le monde politique, n'eurent garde de descendre fort avant dans les profondeurs de la science, nous placerons le jugement constant et unanime des savants véritablement érudits et consciencieux, qui, peu occupés du présent, sevouèrent presqu'exclusivement à la méditation des siècles écoulés. M. de Châteaubriand a parfaitement raison, plus même qu'il ne croit ou ne désire, en disant : « Il n'y a pas

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de frère lai, déterrant dans un obituaire le diplôme poudreux que lui indiquait Don Bouquet ou Don Mabil»lon, qui ne fût mille fois plus instruit que la plupart de >> ceux qui s'avisent aujourd'hui, comme moi, d'écrire » sur l'histoire '. » Pour connoître un pays, le simple témoignage d'un habitant est préférable aux descriptions pompeuses de cent hommes, d'esprit et de talent sans doute, mais qui donnent, par oui-dire et suppositions, leurs impressions de voyage sur une contrée où ils ne mirent jamais le pied. De même il est bon d'ajouter plus de crédit à un seul de ces Bénédictins ou autres, ornements de la France érudite, au plus obscur des infatigables travailleurs qui passèrent leur vie au milieu des diplômes et des chartes, qu'à tous ces écrivains brillants qui, sans avoir jamais sérieusement consulté les sources, mettent les intérêts de l'histoire au second rang et visent, en premier lieu, à la renommée littéraire ou au pouvoir politique. En effet, tandis que ceux-ci, à la lumière vacillante de quelques recherches vagues et incomplètes, s'égarent par mille sentiers, en courant après le feu follet d'une hypothèse, ceux-là, véritables contemporains du Moyen Age par leurs travaux et leurs veilles, marchent tous ensemble dans la même direction et se rencontrent au moins sur les principaux traits et les linéaments distinctifs de chaque époque. Les grandes questions que l'opinion dominante tranche souvent avec une admirable naïveté, sont depuis longtemps décidées par eux, dans un sens diamétralement opposé, et ces prétendus Gouvernements républicains placés en tête du Moyen Age n'existoient, à leur avis

l.l. I. p. 3o.

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que dans le cerveau des rêveurs philosophico-politiques'.

Si les Gouvernements, tels que l'Europe Moderne au seizième siècle nous les offre, n'ont pas été populaires et électifs à leur origine, de quelle autre manière ont-ils donc été formés ?

On ne s'attendra pas ici à une réponse détaillée à cette question. Nous ne pouvons que donner le résumé de ce qui eut lieu en France, faisant remarquer que, dans le développement de sa Constitution historique, il y a eu longtemps identité, plus longtemps encore analogie, entre ses destinées et celles des pays voisins. Et comme il est impossible de conduire le lecteur aux sources mêmes à moins de donner à une remarque faite en passant l'extension d'un volume, nous ferons appel au témoignage de deux écrivains, auxquels, pour la science des faits, aucun de ceux que nous venons de citer, ne sauroit être comparé; à MOREAU dans ses Discours et à M. Guizor dans ses Essais sur l'Histoire de France. Le premier, historiographe de France du temps de Louis XVI, s'oc

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1 Aucun d'eux ne prétendra, par ex., que le Royaume de France ait été électif sous la 1o race. Du Tillet, Fauchet, Bignon, les Bollandistes, le Cointe, Adr. de Valois, toutes ces lumières de la France avant la Révolution, ont fait voir le contraire, et surtout M. de Foncemagne, dans une Dissertation spéciale, insérée aux Mémoires de l'Académie des Inscriptions (T. vi. et vIII) et où la chose a été prouvée jusqu'à l'évidence. (« Ik verbeelde mij dat die verhandeling de zaak tot een betoog gebracht heeft, ten minste voor dezulken die niet willens » blind zijn, of door sterke vooroordeelen beneveld: Kluit, Hist. der Holl. Staatsreg. V. 119.) Aucun aussi ne prétendra assimiler aux Etats du 13 et 14° siècle les Plaids de Charlemagne ou les revues militaires des Mérovingiens.

cupoit, sous la protection du Gouvernement, de former une Collection générale des documents authentiques; dirigeant tous les efforts, il savoit en mettre à profit les résultats pour ses propres études et dans la composition de ses écrits'. Quant à M. Guzot, nous n'oserions affirmer que, ramené chaque fois dans la sphère des intérêts du moment, il ait eu assez de loisir pour fouiller, à la manière des Bénédictins, dans les Archives et dans les vieilles Chroniques; nous avons avoué déjà qu'il a transporté par fois les souvenirs de son époque dans les événements des siècles passés et que ses espérances en ont coloré souvent le récit: toutefois il pénétre fort avant dans l'esprit du Moyen Age, et ne dédaigne pas les traditions de la science historique, pour mettre de vaines hypothèses à la place. On ne niera point sans doute qu'il surpasse de beaucoup la plupart de ses compatriotes par le travail de ses recherches, par la profondeur de ses vues, et par la rectitude de ses jugements.

L'organisation du travail, écrit M. Champollion-Figeac, étoit sagement centralisée dans ses mains. » Position unique pour l'historien: voici ce qu'il en dit lui-même. « Plus à portée que personne de profiter des lumières de ces Sayans, j'assiste à leurs con»férences, et intéressé à tirer d'eux toutes les connoissances qui me manquent, je parcours tous ces documents, je les distribue, je les classe, je profite des notes dont ils les enrichissent » (T. X. p. XLIII). Et Kluit, dont le jugement met, croyons nous, quelque poids dans la balance, atteste à l'égard de ses Discours: Ad veras origines, progressus, ac pristinum regni ac populi Gallici per varias Epochas statum, et ad diversa publici Regiminis fata recte intelligenda, plus, me judice, conferunt quam sexcenti alii qui nostris diebus in lucem protruduntur in Gallià libri ac libelli: Hist. Federum, p. xiv.

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