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Vous ne pourriez faire un pas que ces cris du désespoir ne vinssent frapper vos oreilles ; le jour, la nuit, assis sur ce trône sanglant, les ombres de tant de victimes s'offriraient à vos farouches regards; quel horrible cortège, monsieur le duc! quels épouvantables courtisans ! toutes les physionomies seraient sombres :

Qui vit haï de tous, ne saurait long-temps vivre.

Henri-le-Grand, le bon Henri mourut trois fois assassiné fils de Philippe, serez-vous plus henreux? Vous marcheriez sur des abîmes; les poignards vous presseraient de toutes parts: vous êtes jeune encore; mais c'est quand les cheveux blanchissent et que le corps se penche vers la tombe, que vous connaîtrez combien aussi il est cruel le poignard du remords.

Je suppose un moment que, soutenu par les phalanges du crime, vous puissiez dédaigner l'opinion publique, insulter à la volonté générale, et effrayer la nation tremblantę. Roi de la caverne de Gilblas, dis-moi, où prendras-tu tes ministres? Sortis des cachots et des galères, ils effraieront le monarque autant que le sujet; il faudra marcher dans le palais du roi et l'œil-de-bœuf, avec autant de précaution que si l'on traversait les forêts; et comment avec de pareils hommes et d'aussi faibles ressources, obligé de comprimer dans l'intérieur eette nation indignée, pourrez-vous lutter avec

avantage contre ces Français valeureux qui, dès ce moment même, aux yeux les plus trompés, ne paraîtront plus des hommes égarés, mais des infortunés qui combattent pour la liberté, la patrie, leurs enfans et leurs dieux? Dès-lors c'est nous qui serons criminels de n'avoir point imité leur exemple: vous doublerez l'intérêt qui croîtra pour eux dans tous les cœurs. Dès-lors aussi le fantôme de la liberté, tous nos rians mensonges ne viendront plus doubler nos forces et exhalter nos âmes; dans notre profond avilissement nous ne sommes pas même ces Tartares qui servent le conquérant Gengis, mais des bêtes de somme qui portent un tyran sans gloire, un tyran qui repousse le propriétaire de son bien, le bon citoyen du sol qui l'a vu naître, qu'il veut affranchir, et qui, parent dénaturé, sujet sacrilége, combat sa famille et son roi légitime.

Ah! prince, si dans le cours de cette lettre je me suis rappelé souvent que je parlais au fils de Philippe, je me ressouviens avec respect que la vertueuse fille de Penthièvre est sa mère; que si j'ai affligé son âme maternelle, elle saura qu'il n'est point de devoirs particuliers qui ne doivent céder au salut de la patrie. Plus malheureuse mille fois par votre coupable ambition qu'elle ne le serait par votre exil, je veux lui épargner la honte qui un jour empoisonnerait ses vieux ans, et vous arrêter sur cet abîme où vous plonge ce ramas de perfides, qui, dans l'exil où leur crime les a condamnés, subis

sant déjà le jugement de la postérité, prennent leurs vœux pour des espérances, et ne vous présentent la vérité et la raison qu'obscurcies par les nuages de leurs passions et de leurs misères.

J'ai partagé la longue prison de votre auguste mère ; je l'ai vue mourante, ne penser qu'à ses enfans; tous ses vœux les plus ardens, n'en doutez pas, étaient qu'ils ne démentissent jamais le sein généreux qui les avait portés ; et réduite à n'oser pleurer le père, elle croyait que les vertus des fils lui feraient un jour répandre de bien douces larmes.

Savez-vous quels furent et les tourmens et les misères de cette femme de douleur? Savez-vous qu'expirante sous les maux de l'âme et du corps, abreuvée d'outrages, dans le plus affreux dénûment, abandonnée par intervalle à la féroce compassion d'un geôlier moins sensible encore que les chiens qui veillaient aux verroux, elle a vu pendant une année, et quelle année! chaque matin se dresser pour elle l'échafaud! Chaque pas retentissant dans le long et obscur corridor qui conduisait à son cachot, lui annonçait la mort! Hé bien! ces mêmes hommes qui vous sourient avec bassesse, qui vous tendent leurs bras ensanglantés, ces mêmes hommes sont ses bourreaux! S'ils vous présentent un trône, c'est plus encore par l'impuissance de pouvoir prolonger leurs forfaits, qu'entraînés par leur volonté. S'ils reviennent à vous, c'est qu'après avoir consumé la France, ces parricides incendiaires croient,

en vous rendant leur complice, trouver asile dans vos bras. Ainsi ils ont trompé votre père, ainsi ils l'ont abandonné quand ils le crurent inutile; ils l'ont frappé quand ils le crurent dangereux; et roi de ces brigands, je vous le répète, prince, vos gardes, vos ministres, vos courtisans, au moindre rayon d'espérance, revenus à leur caractère féroce et destructeur, seraient bientôt vos rivaux, vos geôliers, vos bourreaux, et vous auriez autant à craindre de votre cour que de vos sujets désespérés.

Sans doute il est affreux, à l'aurore de la vie, de voir à jamais s'évanouir le bonheur que vous promettaient la fortune la naissance; mais lorsqu'un devoir sévère ne laisse pas le choix des moyens, il faut se faire un mérite de la nécessité : le rôle qui vous reste est encore assez beau.

Etes-vous républicain? Plus grand dans votre dévoûment que vous ne le seriez parmi nous, tel qu'Aristide et Thémistocle, vous vous consolerez du bonheur de votre patrie, si toutefois le bonheur est fait pour elle, et d'avoir, par votre exil, enchaîné les factions, rassuré la liberté méfiante.

Etes-vous prince du sang? Louis et Condé vous attendent; tombez sans honte aux genoux de votre souverain, et le royaliste un jour, en lisant votre histoire, passera légèrement les feuillets que Clio à Chantilly arrachait de la vie du grand Condé.

Mais, n'en doutez pas, monsieur le duc, et je

suis ici l'interprète de la nation, si une fatale àm

bition pouvait vous égarer,

Nous joindrons au plaisir de venger nos parens,
La gloire qu'on remporte à punir les tyrans.

Je suis avec respect, monsieur le duc,

Votre, etc.

.No XV..

Proclamation de Buonaparte, adressée le 18 brumaire aux soldats stationnés dans la Ire division, au quartier-général de Paris. (Moniteur du 19 brumaire an 8.)

SOLDATS!

Le décret extraordinaire des Anciens est conforme aux articles 102 et 103 de l'Acte constitutionnel. Il m'a remis le commandement de la ville et de l'armée. Je l'ai accepté pour seconder les mesures qu'il va prendre, et qui sont toutes entières en faveur du peuple.

La république est mal gouvernée depuis deux ans. Vous avez espéré que mon retour mettrait un terme à tant de maux. Vous l'avez célébré avec une union qui m'impose des obligations que je remplis. Vous remplirez les vôtres, et vous seconderez votre général avec l'énergie, la fermeté et la confiance que j'ai toujours vues en vous.

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