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et historique, résumant philosophiquement la guerre de trente ans et sachant tirer de cet enseignement vivant son traité de la Paix et de la Guerre. Vient se placer à côté de sa gloire le juif le plus hardi et le plus audacieux qui ait paru dans la philosophie. Spinosa rompt ouvertement non-seulement avec la synagogue, mais avec toutes les autorités historiques et religieuses qui le précèdent; il s'enferme dans sa pensée avec une indépendance inouie, refuse une chaire à Heidelberg, doutant un peu de l'amplissima philosophandi libertate qu'on lui promettait, construisant un système com plet du monde, de Dieu et de l'homme; faisant, comme Platon, découler sa politique et son droit naturel de sa métaphysique.

L'Allemagne ne peut se faire plus longtemps attendre dans cette arène de la pensée. Kant et Fichte paraissent et donnent une base vraiment philosophique au droit naturel faiblement établi par Thomasius et par Wolf. La philosophie politique de Kant, dont nous avons déjà ailleurs tracé l'esquisse (1), nous conduira à l'idéalisme de Fichte qui crée tout, Dieu et le monde. Schelling et Hegel viennent ensuite arracher la philosophie au dogmatisme du professeur d'léna, tentent de résumer dans une même unité la nature, l'histoire et la pensée. Le droit naturel de Hegel nous offrira surtout une vue critique admirable sur l'histoire du passé, mais peu de pressentiments de l'avenir, mais dans l'application pratique quelque chose de stagnant et de stérile.

Enfin, en arrivant à la France, nous nous arrêterons devant Rousseau. Tandis que Montesquieu, majestueux patricien, promène ses regards sur l'histoire du monde, et les y maintient avec une inaltérable sérénité (2), Rousseau, fils d'un horloger, arrivant à quarante ans à la pensée et à la lit

(1) Introduction générale à l'Histoire du droit, chap. xvi. (Kant considéré sous les rapports noraux et juridiques.)

(2) Voyez Introduction générale à l'Histoire du droit. (Montesquieu, chap. xiv.)

térature à travers une vie pleine d'amertume et de détresse, bat en ruine l'ordre établi et trace le Contrat social. Ne lui demandez pas l'impartialité savante de Montesquieu; sa mission est autre. Ainsi Montesquieu, dans une œuvre pleine de calme et de proportion, déroule une inépuisable suite de tableaux pittoresques et dramatiques; il considère curieusement la féodalité et lui consacre la fin de son Esprit des lois. Jean-Jacques, au contraire, la flétrit de quelques phrases fougueuses; sans impartialité, car il doit accuser et détruire ; sans érudition sur le passé, car il doit s'agiter dans les pressentiments d'un avenir vague. Il s'inspirera, pour l'histoire des passions, de Richardson; pour la morale et pour la politique, de Plutarque, de Montaigne et de Locke; il pétrira de tous ces emprunts une œuvre brûlante, et, la jetant dans son siècle, il entraînera ses contemporains par sa fiévreuse éloquence à des commotions inouïcs.

La révolution française, voilà le philosophe qui succède à Rousseau. Nous examinerons les hommes qu'elle a suscités. Et d'abord voici venir un adversaire passionné de cette révolution; il a de très-bonne foi contre elle l'injure à la bouche et l'indignation dans le cœur; il s'arme d'une ironie qui brûle, d'une invective qui ne tarit pas, et d'un bonheur d'expressions de colère qui fait frémir le lecteur. Qui n'a pas nommé M. de Maistre ? C'est le vengeur du passé, c'est le Michel-Ange de la philosophie catholique artiste de génie, il mérite de comparaître dans cette évocation de penseurs depuis Platon jusqu'à la révolution française. Nous pouvons l'admirer tout en le blâmant; notre cause, à nous amis de la liberté, est assez bonne pour nous laisser être justes; c'est à nous à confesser la vérité sur toute chose et sur tout homme, à saluer la gloire partout où elle se trouve, même dans les rangs ennemis.

Maintenant voici trois théoriciens politiques appartenant aux idées nouvelles, Condorcet, Saint-Simon, Benjamin Constant. Le premier a disparu dans les orages de notre ré

volution; le second est mort avec calme et foi dans l'avenir sous la restauration; le troisième a expiré après avoir vu le réveil de la liberté; espérons fermement qu'il n'a pas douté de ses destinées futures. Ils sont tous trois représentants célèbres de la révolution française: Condorcet a de remarquables aperçus sur la philosophie de l'histoire; Saint-Simon pose et travaille puissamment à résoudre le problème de l'association; Benjamin Constant voue son esprit étendu, si vif, si varié, si gracieux et si juste, à la défense de la liberté et des garanties politiques.

Mais depuis 1830 et surtout depuis 1848, le socialisme est venu donner à la révolution française une face et une portée nouvelles, qui en ont dénaturé les premiers principes et gravement compromis l'avenir. Nous examinerons les caractères généraux du socialisme et la valeur morale du principal système qu'il ait produit, nous voulons parler du fouriérisme. Enfin il nous faudra bien apprécier les idées de M. Proudhon, de cet étrange logicien du socialisme, qui tantôt dogmatise en son nom et tantôt en démontre le néant.

Après avoir parcouru l'homme, la société, l'histoire et la philosophie, nous pourrons convenablement définir et asseoir la science de la législation dans la cinquième partie de ce livre nous la distinguerons de la science du droit proprement dite, nous définirons ses rapports avec l'économie politique, avec la philosophie, avec la religion. La législation posée, nous examinerons comment aujourd'hui elle doit être faite et rédigée : c'est le problème de la codification; comment appliquée : c'est celui des institutions judiciaires. Nous finirons en interrogeant d'un regard les destinées futures de la science et de l'humanité.

Le dix-huitième siècle nous a conquis la liberté, et nous a nécessairement encombrés de ruines. Sous l'empire, la pensée se reposa un peu : on était dans les camps. Pendant la restauration on vécut peu dans les camps, beaucoup avec les livres; on s'instruisit avec sincérité; mais par une inévitable

réaction on fut enclin à croire que le passé pouvait souvent devenir légitime par la connaissance que l'on en acquérait et les raisons que l'on en donnait. Il faut sortir de cette disposition, qui conduit les esprits et les peuples à l'apathie, et dont au surplus le temps est passé. Ainsi l'école historique allemande, si fertile en riches matériaux, semble être close dans ses véritables résultats : le grand Niebuhr est mort (1), et apparemment la disparition des individus signifie quelque chose.

Que l'histoire soit donc désormais pour nous la conscience du passé et de l'avenir, un appui à des inductions philosophiques.

CHAPITRE II.

DE L'INDIVIDUALITÉ.

Le lyrique grec, dans une de ses Pythiques, proposant quelque chose à Arcésilas de Cyrène sous des paroles énigma tiques et obscures, lui dit de prendre la sagesse d'Edipe (2). Que tout homme qui essaie d'ouvrir la bouche sur lui-même et sur la nature des choses profite de l'avis du poëte, et qu'il s'arme, s'il peut, de la sagesse d'Edipe.

Pourquoi fut-il donné au fils de Laïus de percer l'énigme et la poitrine du sphinx sur le mont Phicéus ? C'est qu'il avait souffert et combattu; et il acheta, au prix d'une vie tragique, d'expliquer et de représenter au monde le destin, comme plus tard le Christ versa son sang pour expliquer et représenter la Providence.

Douloureuse et profonde leçon ! Il faut donc souffrir pour apprendre et agir; et tant que l'âme n'a pas passé par le

(1) Le célèbre historien de l'ancienne janvier 1831, sous le coup de l'émotion de 1830.

Rome mourut à Bonn, le 2 que lui causa la révolution (Note de la 3e édition.)

(2) Γνῶθι νῦν τάν Οιδιπόδα σοφίαν. (Pythia, carm. IV, V. 467.)

feu, que voulez-vous attendre de cette salamandre qui n'a pas subi son épreuve! Oui, lisez ce qu'ont écrit les hommes, compulsez les penseurs, exténuez-vous sur les philosophes, usez-vous dans des veilles ardentes, errez dans les cités et parmi les hommes sans les regarder ni les voir, mais la tête pleine de spéculations infinies: eh bien! qu'avez-vous recueilli? quels fruits? quelle moisson? J'entends la réponse mêlée d'un éclat de rire dans la bouche d'Hamlet des mots, des mots, des mots. Mais qu'un jour la foi en quelque chose se soit emparée de vous, vous anime et vous possède, puis languisse et vous délaisse, vous ressaisisse encore pour vous quitter; que vous vous soyez trouvé le courage d'agir une fois à la face de tous selon votre pensée et votre désir: alors, quels que soient l'issue et le dénoûment de cette lutte avec vous-même et la vérité, dussiez-vous en sortir en lambeaux, au moins vous aurez senti, vous aurez vécu ; ce que les livres n'avaient pu vous donner, vous l'aurez au moins conquis et trouvé le sentiment de l'humaine nature, grandeur et misère, fange et feu divin.

Ce livre sera pur de tout mensonge et dégagé de toute' hypocrisie; on n'y trouvera ni croyances officielles, ni traditions adoptées de confiance; et je dirai simplement mes opinions et mes ignorances.

Il est une manière commode de philosopher. Depuis Platon jusqu'à Kant, que de systèmes l'esprit de l'homme n'a-t-il pas façonnés ! Que de vues divergentes! que d'idées moitié heureuses, moitié folles! Etudiez-les toutes, enchaînez-les les unes aux autres par le point où elles peuvent se heurter le moins; de tant d'incohérence tâchez d'abstraire une unité; et, sans avoir engagé en rien votre imagination et votre cœur, vous annoncerez à vos semblables que tout est vrai et que rien n'est faux. Mystification amère ! J'ai lu quelque part qu'un grand alchimiste avait consumé ses nuits à construire un corps de géant. Il avait dérobé dans un cimetière les éléments de sa création, ici il avait pris une jambe, là un bras;

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