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de tous les biens ecclésiastiques; vis-à-vis des peuples, elle dut régulariser la distribution de la parole spirituelle et la conférence des sacrements, puis les donations volontaires, ainsi que les relations de propriété avec les domaines des laïques. Nous voilà bien loin des commencements modestes de l'Église, et une législation fort compliquée devait être l'inévitable résultat de son agrandissement.

L'Écriture, les traditions, les conciles, les décrétales, constitutions et bulles des papes, enfin des lois rendues par les autorités temporelles concoururent à former le droit canonique, jus canonicum. Il ne faut pas s'étonner que les empereurs et les rois aient participé à la législation ecclésiastique, car le droit canonique ne représente pas tant l'esprit même de l'Église que les transactions et les rapports auxquels elle est obligée de se prêter vis-à-vis de tout ce qui n'est pas elle. Ainsi le corpus juris canonici nous offre des fragments du code théodosien, des compilations justiniennes, des capitulaires des rois francs et des lois des empereurs d'Allemagne.

Une législation si nécessaire à l'Europe chrétienne ne devait pas longtemps attendre des essais de rédaction uniforme. Sous le pape Eugène III, vers 1107, un moine de Bologne, Gratien, composa un décret qu'il fabriqua avec des extraits des canons des conciles, des écrits des Pères grecs et latins, des constitutions des papes et de quelques lois des empereurs.

Depuis Gratien, les papes s'occupèrent à l'envi de travailler à la législation ecclésiastique. Alexandre III fit une première collection des décrétales.

Alexandre IV en fit une seconde ;

Innocent III une troisième et une quatrième ;

Honorius III une cinquième ;

Enfin, la sixième et dernière, dont on se sert encore aujourd'hui, fut rédigée par les ordres de Grégoire IX.

Après ce pape, Boniface VIII, en 1291, composa le Sexte

des constitutions d'Innocent IV, de Grégoire X et de celles qu'il avait rendues lui-même.

Clément V disposa ensuite ses constitutions, et les canons du concile de Vienne, qu'il appela les Clémentines.

Jean XXII et d'autres papes ajoutèrent les Extravagantes communes, dont les cinq livres terminent le Corpus canonicum.

Dans cette codification successive, les papes voulurent rivaliser avec le droit romain. Ainsi, ils donnèrent la forme de Pandectes au Décret de Gratien, de Code aux Décrétales; le Sexte, les Clémentines et les Extravagantes furent rédigés sur le plan des Novelles de Justinien; il n'y eut pas même jusqu'aux Institutes que les pontifes n'aient voulu contrefaire; et, en 1580, Paul IV ordonna à Lancelot de rédiger des Institutes de droit canonique: elles servirent de manuel à la jeunesse des universités.

Cela nous conduit à considérer la position de l'Église eu égard au droit romain; elle commença par le cultiver avec ardeur; elle aimait cette législation élevée et générale, écrite dans une langue qu'elle seule alors savait à fond, dépôt de maximes d'équité, d'opinions et de faits dont l'intelligence. augmentait sa culture et son crédit; elle tenta aussi d'exercer son influence sur le droit civil et d'y porter la rigueur de sa spiritualité; mais elle n'y réussit jamais qu'à demi, et, repoussée par l'instinct soupçonneux des légistes, elle devint l'ennemie de ce jus civile dont les principes étaient une arme puissante aux mains des laïques, défendit à ses membres, sous Honorius III, de l'étudier et de le professer, et désormais travailla avec persévérance à se ménager dans le droit canonique un arsenal de doctrines à elle, mélange tout à fait nouveau de théologie et d'intérêts temporels, et qui s'installa dans la science, dans les juridictions et dans les universités.

Voilà posée la triple base de la législation européenne : le droit civil, le droit féodal et le droit canonique. Ce con

cours d'éléments divers amena dans l'Europe moderne les mêmes résultats que le conflit du droit prétorien et des Douze Tables dans l'ancienne Rome. En effet, combiner et concilier des termes aussi opposés que les maximes du droit romain, les mœurs féodales, les intérêts et les prétentions ecclésiastiques, n'était pas chose facile et légère. Les jurisconsultes devinrent indispensables en Allemagne, en France, en Italie, en Angleterre et en Espagne. Ils s'associèrent à l'autorité de l'Église et de la noblesse; conseillers des rois, hommes d'État, professeurs, magistrats, ils occupèrent le premier rang jusqu'à la fin du seizième siècle.

La France, par sa révolution, a rompu aussi complétement avec le droit canonique qu'avec la féodalité catholique, elle s'est dégagée des liens temporels du clergé, pendant que la réforme en Allemagne a été souvent contrainte de respecter les établissements politiques de l'Église, et qu'avec toute son indépendance philosophique elle vit, sous certains. rapports, au milieu du moyen âge.

CHAPITRE IV.

L'ANCIENNE MONARCHIE FRANCAISE.

Trois puissances, la liberté, la religion et la philosophie, les communes, Grégoire VII, Abélard, attaquèrent presque en même temps la féodalité, cette société unique dans l'histoire, comme l'a remarqué Montesquieu, et qui rendit le service au monde de poser un point d'arrêt entre la conquête et les temps modernes. Les peuples alors étaient trop enfants pour se conduire eux-mêmes. La papauté avait une spiritualité trop générale et des passions trop italiennes pour rallier longtemps à elle les intérêts politiques de chaque nation; la philosophie, impopulaire et suspecte, épuisait d'ailleurs toutes ses forces à se défendre des persécutions de la théolo gie et d'Aristote.

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Parut alors la royauté moderne, qui trouva dans la monarchie française son développement le plus complet et le plus fécond. Si, aussitôt après la mort de Karle le Grand, l'Allemagne s'empare du premier rang, et si alors le pape et l'empereur semblent tout dominer, dans les siècles suivants, la France se lève à son tour; elle puise dans sa configuration géographique et dans son unité monarchique la force nécessaire pour ne plus trouver, à travers des fortunes diverses, quelqu'un qui puisse la remettre à la seconde place.

L'audace et la persévérance font la grandeur de la royauté française comme celle de la papauté romaine. Un seigneur féodal, possesseur d'un fief plus central que les domaines de ses égaux, conçoit la pensée de conquérir peu à peu sur la noblesse une autorité monarchique; pensée qui est dans l'ordre politique ce que le dessein de Grégoire VII fut dans l'ordre religieux, et qui mit les rois à la tête de la société française, depuis Hugues Capet jusqu'au moment où Louis XIV entra dans la tombe.

Les premiers successeurs des comtes de Paris avaient senti confusément ce qu'ils pouvaient devenir; mais, avant Philippe-Auguste, rien de grand ne fut conçu ni tenté; et, de même que Rome triompha par une succession de pontifes illustres, depuis Hildebrand jusqu'à Boniface VIII, la royauté française poussa ses entreprises, grâce au génie différent de trois hommes, Philippe-Auguste, saint Louis et Philippe le Bel. Ils inaugurèrent la monarchie et la firent asseoir sur des fondements solides. Il ne saurait échapper que les deux rois qui ont travaillé les premiers à constituer la France ont passé une partie de leur vie dans l'Orient, et' se sont montrés chevaliers héroïques et chrétiens les grandes pensées croissent ensemble et confondent leurs fruits et leurs rameaux. C'était encore une manière de contredire le génie local de la féodalité que de guerroyer pour un sentiment religieux, pour une idée générale. Philippe-Auguste songe à

élever et à concentrer le pouvoir: il rend une ordonnance sur l'université qui ne la crée pas proprement, mais la constitue et la régularise (1). Il requiert les seigneurs de faire exécuter ses propres lois dans leurs domaines, discute avec eux ses ordonnances et leur en fait jurer l'observation. Voilà une justice et une administration générales; voilà véritablement un roi de France. Mais notre plume n'aura pas assez d'éloges pour un homme dont le royal génie est sans contredit ce que le christianisme a produit, parmi ses enfants qui ont passé sur un trône, de plus harmonieux et de plus pur. Louis IX croit à son Dieu avec toute la candeur et la foi naïve d'un enfant; il réchauffe dans son cœur les intérêts de son peuple avec toute la charité d'un père; il y travaille avec le bon sens d'un grand roi; il sait résister aux ambitions temporelles de Rome au moment où il en adore l'autorité divine. Eh! qui serait plus chrétien que saint Louis? qui croirait mieux que lui à Jésus-Christ et à son pontife? Mais rien ne peut déconcerter et faire dévier du vrai cet excellent caractère, qui seul, dans son siècle, sait accorder la raison et la foi c'est lui qui eût été dignement pape et qui méritait de parler aux rois en père et en maître. Poursuivant la pensée de Philippe-Auguste, il rend la justice plus générale encore en établissant les cas royaux, en déterminant les circonstances et les occasions où les lois de sa terre de France deviendront des lois pour les autres fiefs; il abolit le combat judiciaire, c'est-à-dire qu'il frappe au vif l'esprit guerroyant et barbare de la féodalité, qui exprimait d'une manière grossière et matérielle la croyance en la protection de Dieu pour le bon droit. Sous ce rapport, le combat judiciaire pouvait être une idée spirituelle et religieuse inconnue à l'antiquité, mais saint Louis lui substitua la jus

(1) Voyez le livre IX des Recherches de Pasquier, chapitres I, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII. Les premiers temps de l'Université de Paris y sont mis dans tout leur jour.

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