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trouverez la même vivacité dans les luttes de croyances et de principes, la même violence dans les actes, le même aspect tragique des événements. Il est certain que le seizième siècle laissa aux générations qui le suivirent des impressions sinistres. Bayle (1) en parlait en ces termes sévères : « Malheureux siècle, où l'assas<< sinat, le parjure, la déloyauté, étaient les moyens or<«< dinaires de s'agrandir! » Après cette exclamation, il ajoutait, en appliquant les vers suivants de Juvénal à l'époque de Catherine de Médicis, des Guise et de Henri III: «< Siècle pire que celui de fer, et dont cha«< cun pouvait dire :

a

<< Nunc ætas agitur, pejoraque sæcula ferri

Temporibus, quorum sceleri non invenit ipsa

<< Nomen, et a nullo posuit Natura metallo (2). »

Précisons davantage la comparaison entre les deux époques. Au seizième siècle, la religion fut la cause suprême qui détermina les changements politiques; au dix-neuvième, les commotions politiques conduisent de plus en plus les sociétés à reconnaître la puissance de la religion. Il y a trois cents ans, la vérité religieuse et sa recherche étaient considérées comme le premier des intérêts; de nos jours, la guerre ardente que se font les intérêts et les idées, tourne les esprits vers les

(1) Dictionnaire historique et critique, v° Lognac.

(2) Ces vers se trouvent dans la treizième satire, communément appelée le Dépôt, et l'une des plus éloquentes qu'ait écrites Juvénal. Il est remarquable que Bayle, dans sa citation, a substitué le mot nunc au mot nona. Juvénal parlait d'un neuvième âge. Était-ce seulement une hyperbole en présence de la tradition, qui n'en énumérait que quatre, ou bien était-ce une allusion à la durée du monde, que quelques Grecs avaient partagée en huit époques?

croyances religieuses, et tend à en rétablir l'empire. La religion et la politique remplissent donc les deux siècles, mais dans une mesure qui n'est pas la même, et dans des rapports divers.

La révolution française a été pour le dix-neuvième siècle ce que fut pour le seizième la réforme. Elle a eu ses phases, ses sectes, ses hérésies. La rapidité de ses transformations a été sensible dès les premiers moments. Suivant le vœu de la France envoyant ses mandataires à Versailles, ceux-ci devaient travailler à une régénération paisible de la monarchie, et cet essai de réforme politique devient sur-le-champ une révolution sociale. Le pouvoir est déplacé violemment; du roi, il passe au peuple, et, comme il est de l'essence de la démocratie d'aller toucher le pôle, tant qu'aucun obstacle ne l'arrête (1), il advint qu'au nom des droits de l'homme et de l'avenir de l'humanité, la société se trouva précipitée dans la barbarie.

C'était un accident nouveau, inouï, qui ne ressemblait à rien des troubles et des malheurs' connus dans l'histoire; et, cependant, nous étions destinés, au milieu de notre siècle, à quelque chose de plus extraordinaire. Un matin, la France se réveilla sans constitution, sans lois, et elle apprit que tout pour elle était à recommencer. Notre société, si fière de son antique et brillante civilisation, dut se remettre, en 1848, aux rudiments de l'ordre social. Le sophisme et l'anarchie travaillaient au chaos. Il fallut, contre leurs efforts, défendre et reconquérir les principes élémentaires de l'humanité la famille, la propriété, la justice et le droit.

(1) Mallet du Pan.

Mais, d'un autre côté, cette répétition imprévue, ce pléonasme inepte des folles aberrations de 93, remirent en cause la révolution elle-même. On procéda à un examen nouveau de ses actes et de ses théories. Déjà beaucoup d'erreurs ont été dissipées, et nombre de faux jugements infirmés. Au milieu même de ses triomphés, la révolution a été atteinte par la sévérité de l'histoire contemporaine.

Pour produire tous ses fruits, cette révision doit embrasser non-seulement les événements et les faits politiques, mais encore les idées qui souvent les ont préparés. L'œuvre est opportune, et, jusqu'à un certain point, facile, puisque de toute part les signes irrécusables de l'expérience et de la réalité nous environnent. On ne saurait, nous en sommes convaincu, rien faire en ce moment de plus utile que de porter sur les questions les plus importantes de sincères investigations, avec le dessein de ne laisser passer aucune théorie, aucune doctrine, de quelque crédit qu'elle semble jouir, sans en vérifier de nouveau les fondements et les titres.

Aussi, lorsqu'il nous a été demandé de publier une troisième édition de la Philosophie du droit, nous n'en avons pas été détourné par la crainte d'avouer que, sur certains points, nous avions modifié nos opinions et redressé nos jugements. Nous aurions d'étranges inquiétudes sur nous-mêmes, si nous n'avions pas profité des années pour mieux voir et pour mieux penser.

Je n'ai rien changé à la Philosophie du droit, ni pour les principes ni pour le ton. Ce livre a été composé, après de consciencieuses études, sous l'inspiration des sentiments vifs et purs dont la révolution de 1830 avait,

à son début, rempli les âmes. De plus, il a été écrit après avoir été parlé, et l'on y trouvera plus d'une fois les traces de l'improvisation.

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Nous avions assez médité le fond des choses pour pouvoir maintenir les théories fondamentales de l'ouvrage, et il s'est trouvé qu'en vertu des principes sur lesquels il repose, nous avons réfuté les doctrines et les hérésies politiques qui depuis 1848 ont tant agité les esprits. Ç'a été l'objet de quelques chapitres nou

veaux.

Dans le cours du livre, j'ai aussi ajouté quelques développements nécessaires, dont on reconnaîtra facilement la date. Enfin, sans les prodiguer, j'ai consacré des notes à des éclaircissements utiles, ou à la correction plus utile encore de quelques propositions dont une réflexion plus mûre m'avait démontré l'inexactitude.

La science politique n'a rien perdu de son importance les questions à résoudre n'ont pas disparu comme par enchantement. Notre époque est toujours partagée entre les traditions monarchiques et les idées démocratiques, entre les croyances chrétiennes et le rationalisme. L'Europe présente toujours le spectacle d'un combat entre les forces révolutionnaires et les forces conservatrices, et c'est toujours de ce conflit que doit sortir une lente transformation du monde. Plusieurs générations passeront avant que de grands résultats soient nettement dessinés.

Il faut au moins que l'esprit tâche d'en pressentir les conditions premières. Pour lui c'est un devoir, et nous dirions volontiers, le plus élevé des plaisirs. Si, dans l'étude du monde physique, la science est parvenue à

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PRÉFACE DE LA TROISIÈME EDITION.

promulguer les lois éternelles de l'univers, si elle est remontée, non par la foi, mais par le calcul, à une cause primitive commune, il appartient à la pensée qui se livre à l'observation du monde moral, de ses lois, de ses rapports, de s'élever à une foi rationnelle dans les desseins et dans la marche de la Providence. Par la méditation profonde des faits et des causes, la pensée se transforme, pour ainsi dire, dans un sentiment énergique qui double les forces de la vie.

Paris, 21 novembre 1852.

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