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défont ce qu'elle avait prescrit. Elle imprime trop souvent à ses œuvres je ne sais quel caractère de violence impuissante.

D'où proviennent surtout d'aussi tristes résultats? De fausses théories. Lorsque des théoriciens incomplets, qu'exaltent aussi des passions ardentes, provoquent par leurs systèmes une révolution, ou prétendent la pousser plus loin, si elle est accomplie, il y a dans la société un malaise étrange, des déchirements douloureux. Comment en serait-il autrement, dès que les théories qu'on veut appliquer à la société, dénaturent ou violent quelque principe élémentaire ?

S'il est un principe certain, c'est que le droit a sa source dans l'intelligence de l'homme. A tous les degrés de la vie sociale, ce principe se retrouve. Si l'homme respecte son semblable, c'est parce qu'il reconnaît chez lui le signe sacré de l'intelligence; s'il consent qu'un autre ou que d'autres le gouvernent, c'est parce qu'il les croit plus intelligents que lui; enfin, s'il réclame le droit d'élire lui-même ceux qui doivent délibérer sur les intérêts de tous, c'est que, pour faire ce choix, il s'estime assez intelligent.

Les droits politiques ont pour cause nécessaire l'intelligence, et ils se mesurent à l'étendue des idées de ceux qui doivent les exercer. De cette façon, l'émancipation politique d'un peuple est le corollaire de son éducation morale. Plus ce peuple s'élèvera dans l'ordre de l'intelligence, plus il devra exercer d'influence et de pouvoir sur ses propres affaires. Telle est la marche simple et normale des choses. Cette route peut être longue, mais elle est sûre, et toute société qui saurait la parcourir arriverait infailliblement à un grand résultat,

à l'équation de la souveraineté de la nation avec son intelligence.

Avant la révolution de 1848, on a eu le tort de ne pas marcher avec assez de franchise et de fermeté dans cette voie. En revanche, cette révolution l'a quittée brusquement, a franchi tous les intermédiaires et interverti les termes. Avant d'être assez instruit, le peuple a été couronné. Un matin, la république est venue frapper à la porte du paysan, qui ne sait pas lire, pour lui annoncer qu'il était souverain et qu'il avait le droit de concourir au gouvernement de l'État. On sait quel ébranlement profond le suffrage universel imprima à la société, quelles surprises de plus d'un genre il a causées à ceux qui l'avaient établi. Je n'épuiserai pas la démonstration: il suffit de l'indiquer.

On ne gagne rien en voulant que les institutions devancent les mœurs, car on est obligé de revenir sur ses pas. Que l'homme soit bien convaincu que, pour réussir à créer quelque chose de durable et de bienfaisant, il doit prendre le plus possible exemple sur la nature, où tout s'enchaîne et se développe avec un ordre heureux. Dans le monde physique, les germes des choses croissent et s'épanouissent sous l'action du temps et de la lumière; la vie circule et se transforme avec une inaltérable régularité. Par une secrète et divine analogie, le développement des principes sociaux n'a pas d'autres conditions.

Voilà donc la partie permanente, universelle, de la science politique, les principes. Méconnus, offensés, ils reparaissent par la force persévérante des choses, pour se faire obéir.

Quant à la partie transitoire et mobile, nous la trou

vons non-seulement dans les théories, mais dans les formes et dans les institutions politiques. Quelle que soit leur origine, si durables que paraissent ces formes, elles renferment en elles le germe qui doit les détruire, par cette destinée commune à tout ce qui vit sous l'action du temps.

Étudier ces institutions et ces formes, chercher les lois qui dérivent de la nature de chaque gouvernement, suivre à travers l'histoire les phases et les révolutions que les gouvernements monarchique, aristocratique et démocratique ont traversées, en sentir les abus, en voir la correction, mais voir encore les abus de la correction même (1), signaler le mal, proposer le mieux avec une clairvoyante modération, tel est l'œuvre de la science politique. Pour n'y pas échouer, il ne faudra pas moins de sûreté dans le jugement que de hauteur dans les vues, et une analyse pénétrante et subtile de chaque partie ne sera pas moins nécessaire qu'une vaste conception de l'ensemble. Là, l'esprit, sous peine de s'intercepter à lui-même l'intuition de la réalité, doit assigner à chaque fait politique, à chaque phénomène social, sa valeur exacte, et aussi en pressentir les variations possibles.

Pour donner un exemple, Montesquieu, venant après Hippocrate chez les anciens, et Jean Bodin chez les modernes (2), a porté dans la question des climats une

(1) Préface de l'Esprit des Lois.

(2) En analysant la République de Bodin dans le chap. vi de l'Introduction générale à l'histoire du Droit, je cite in extenso les passages d'Hippocrate et je définis en ces termes la question du climat : « Cette question embrasse l'homme et la nature. L'homme, animal de raison et de liberté, a l'univers pour théâtre de cette liberté et de cette raison; mais ce théâtre n'est pas immobile, n'est pas une matière morte. Il se trouve

ingénieuse sagacité. Dans l'influence du climat, il a vu la triple cause de l'esclavage civil, de l'esclavage domestique et de la servitude politique. Sous sa plume, les détails curieux, les observations fines abondent pour peindre la puissance du monde physique avec ses contrastes et ses oppositions. Seulement, sur ce point, la préoccupation de Montesquieu a été excessive, et lui a trop dérobé la vue de l'homme même. Je n'oublie pas qu'il a remarqué que les mauvais législateurs sont ceux qui ont favorisé les vices du climat, et que les bons sont ceux qui s'y sont opposés. Il a ajouté que plus le climat porte les hommes à fuir le travail, plus la religion et les lois doivent y exciter. Toutefois, Montesquieu incliue sensiblement à croire les causes extérieures plus fortes que la volonté humaine. « Il y a de tels climats, « dit-il, où le physique a une telle force, que la morale «< n'y peut presque rien. » Montesquieu ne pressent pas ce qu'il y a de profond dans les ressources de l'éner⚫ gie humaine. Il érige certains faits en lois constantes, et le passé en règle de l'avenir. Il n'a pas assez clairement vu que, dans l'action réciproque de la nature sur l'homme et de l'homme sur la nature, les rapports pouvaient changer, et l'avantage passer du côté de l'homme. Par cet endroit, sa théorie est incomplète et faible.

C'est l'obligation, c'est la grandeur de la science po

que c'est un être vivant, qu'il palpite sous les pas de l'acteur qui s'y déploie, qu'il réagit contre son action, et qu'il exerce sur lui une influence continuelle et mystérieuse. L'homme et la nature! Quelle opposition! quel antagonisme! Qu'est-ce donc que l'homme? qu'est-ce donc que la nature? Il ne faudra rien moins que répondre à ces deux questions pour résoudre le problème de l'influence du climat qui renferme à la fois la psychologie, la physique, l'histoire et la littérature. >>

litique de dominer les faits en les acceptant; il ne lui suffit pas d'en saisir l'esprit historique; elle cherche les lois rationnelles selon lesquelles les institutions doivent trouver la durée dans la sagesse des réformes.

Mais aussi, pour que les inductions philosophiques soient justes et fécondes, il faut que les faits aient été étudiés avec la plus scrupuleuse exactitude. Voilà ce qui sépare la science véritable de l'utopie chimérique. Pour nous, cette distinction n'est pas d'hier, comme on pourra s'en convaincre par les lignes suivantes, tracées il y a longtemps dans un écrit ayant pour titre des Théories et des affaires en politique (1). « Aujourd'hui, la théorie et la pratique doivent s'étreindre intimement. Les théoriciens impérieux, qui avaient tenté de nos jours d'asservir la réalité à leurs spéculations, ont fait éclater leur impuissance, et les idées vraies qu'ils ont pu laisser, ont dû prendre le chemin de la pratique et du possible pour trouver une application. La société contemporaine a le sentiment de ses imperfections, des plaies qu'elle doit chercher à guérir, et, si elle est loin de connaître les solutions nécessaires de toutes les difficultés qui la travaillent, si elle ne sait pas tout ce qu'il faut faire, elle sait du moins ce qu'il ne faut plus faire. Ainsi, elle demande aux hommes qui veulent s'occuper de ses intérêts, de ne pas s'évertuer à jeter bas l'édifice qui est en possession du sol, dans la fausse espérance d'en élever un autre sur un plan et des proportions chimériques, mais de travailler sur ce qui est et d'introduire avec un tact habile les changements estimés nécessaires dans des institutions qui ont déjà subi

(1) Revue des Deux-Mondes, 15 novembre 1838.

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