Ce recueil passa pour avoir été donné par Adrien 1° à Angilramn, évêque de Metz (r), dans un séjour que celui-ci avait dû faire à Rome (785); mais c'est sans fondement. Ces sentences semblent n'être autre chose qu'un extrait des textes des fausses décrétales relatifs aux accusations et aux appels, et leur auteur a certainement eu les fausses décrétales sous les yeux (s). Il y a même des raisons de penser qu'elles proviennent de l'auteur même des fausses décrétales, de sorte que le diacre Benoît aurait, à la même époque, composé les trois livres des Capitulaires, le Recueil des fausses décrétales, et les sentences d'Angilramn. Ces sentences se trouvent aussi comprises presque toutes dans les trois livres des Capitulaires (1). Un dernier recueil qui doit être cité ici est celui que son premier éditeur (u) a, par pur caprice, attribué à Remi (nommé indifférem. ment Remedius et Remigius), évêque de Coire (800-820). Il est presque entièrement extrait des fausses décrétales; mais on n'a pas encore pu déterminer son origine et le pays auquel il apparatient (v).

Indépendamment des recueils de sources ecclésiastiques, il parut des ouvrages contenant les formes et règles des actes et pratiques d'une nature uniforme, vrais tableaux du droit en vigueur dans son application immédiate. Dans ce nombre figurent d'abord les rituels, particulièrement ceux de l'Eg ise de Rome (Ordines Romani). Un des plus anciens et des plus amples est celui qui doit

(7) Hincmar. Rhem. opusc. contra Hincmar. Laudun. c. 24. De sententiis vero, quæ dicuntur ex græcis et latinis canonibus, atque decretis præsulum et ducum Romanorum conlectæ ab Adriano papa, et Engelramno Metensium episcopo datæ, quando pro sui negotii causa agebatur, etc. Dans quelques manuscrits, la rubrique du recueil semble au contraire indiquer qu'Angilramn l'aurait donné au pape Adrien; aussi, comme on peut le voir dans Camus, cette opinion a-t-elle eu des partisans. Mais cette version a contre elle le plus grand nombre des manuscrits et les meilleurs, sans compter encore le texte d'Hincmar.

(s) Après la démonstration des Ballerini il n'est pas permis d'en douter. Toutefois Camus et Theiner, se fondant sur la Rubrique, regardent le recueil comme plus ancien que les fausses décrétales et comme la source où elles ont puisé.

(t) Elles ont été fréquemment imprimées, notamment dans Mansi Cone. T. XII. col. 903-36. A la lecture des notes bonnes en elles-mêmes d'Ant. Agostino qui d'ordinaire les accompagnent, on ne doit pas oublier qu'au temps où il les écrivait l'inauthenticité des fausses décrétales n'était pas encore complétement reconnue.

(u) Goldast Rer. Alem. Scriptor. T. II. P. II. p. 121-33., et d'après lui Hartzheim Conc. T. II. p. 414-26.

(✔) Ballerini Part. IV. Cap. VI. §. IV. N° XIII. (Galland. T. I. p. 540), Knust dans les Studien und Critiken de Ullmann. Jahrg. 1836. Heft I., Kunstmann die Canonensammlung des Remedius von Chur zum erstenmale vollständig herausgegeben. Tübingen 1836. 8., Richter critische Jahrbücher fur deutsche Rechtswissenschaft. Jahrg, 1837. Heft IV.

remonter au temps de Grégoire le Grand (+604). Outre les rites. du culte ordinaire, il renferme ceux qui étaient observés alors au sacre des évêques et du pape, à la dédicace des Eglises, lors de l'onction des rois et de l'empereur et à l'ouverture des conciles généraux et provinciaux (w). Pour la pratique des affaires on trouvait un secours analogue dans les formulaires qui contenaient les actes les plus ordinaires tant civils qu'ecclésiastiques. Dans la monarchie des Francs, il y avait plusieurs recueils de cette sorte; le plus ancien est celui du moine Marculfe, composé vers 660. D'autres ont été édités par Sirmond, Bignon, Lindenbrog, Baluze et Lepelletier (x). On y trouve les formules des lettres de recommandation que portaient les ecclésiastiques en voyage, et particulièrement des divers actes que nécessitaient la nomination et l'installation d'un évêque (y). Parmi les formulaires de l'Eglise de Rome figure le livre de chancellerie (Liber diurnus), qui paraît avoir été composé peu après 714 (z). Il traite du cérémonial des lettres du pape à l'empereur, à l'impératrice, au patrice, à l'exarque, au consul, au roi et au patriarche; puis avec beaucoup de détails du sacre du pape et des évêques suburbicaires, de la collation du pallium, des rapports d'affaires entre le pape et les évêques d'Italie sacrés par lu, de l'administration et de l'aliénation du patrimoine de l'Eglise de Rome, enfin des priviléges et concessions de toute sorte.

(w) Il fut édité pour la première fois par Georges Cassandre, Cologne 1561; puis avec d'autres anciens ouvrages de même genre dans Melchior Hittorp de divinis catholicæ Ecclesiæ officiis ac ministeriis. Colon. 1568. fol. Georges Ferrari l'édita de nouveau avec de nombreuses additions; Rome 1591 et Paris 1610. Plus loin, à propos de la Liturgie, il sera encore question d'autres rituels désignés aussi en partie sous le nom d'Ordines Romani.

(x) Les éditions les plus complètes de ces formulaires se trouvent dans les recueils publiés par Canciani et Walter. Baluze ne les a pas tous.

(y) Un recueil d'actes véritables de cette sorte, extraits tant des ouvrages d'Hincmar de Reims (+882), que des archives et autres sources, se trouve aussi dans Sirmond. Conc. Galliæ T. II. p. 638., Baluz. Capit. Reg. Franc. T. II. p. 593. On ne peut les nommer avec Sirmond des formules, bien qu'ils présentent d'une manière palpable la pratique de ce temps.

(z) Liber diurnus Romanorum Pontificum ex antiquissimo codice ms. nunc primum in lucem editus opera et studio Johannis Garnerii presbyteri e societate Jesu. Paris. 1680. 4. J. Mabillon Museum Italicum T. II. P. II. p. 32. y fit des additions avec lesquelles il parut de nouveau dans Chr. God. Hoffmann nova scriptorum et monumentorum collectio (Lips. 1733. II. vol. 4). Tom. II. Puis cur. P. J. Riegger. Vienn. 1762. 8. L'histoire de cet ouvrage, resté longtemps inconnu, est révélée par Hoffmann dans sa préface.

$95.B) Etat du droit canonique du dixième au douzième siècle.
1) Les recueils avant Gratien.

Au neuvième siècle le droit canonique écrit se composait principalement du recueil d'Adrien, du recueil espagnol tant authentique que falsifié, des collections de capitulaires, et des sources alors usitées du droit romain. Ces matériaux furent réunis en de nouveaux recueils de diverses sortes dans lesquels entrèrent aussi, en partie, les canons des conciles provinciaux survenus depuis. Les nouvelles compilations ne demeurèrent pas dans les limites du pays où elles avaient paru; à raison de leur utilité elles se répandirent aussi très promptement à l'étranger. C'est ainsi que la science et la pratique concoururent à développer de plus en plus l'élément de l'universalité, et dotèrent un pays de l'expérience de l'autre. Voici les recueils connus de ce genre (a): 1) un recueil inédit en trois cent quarante un chapitres, contenant un abrégé en ordre presque chronologique de la collection de Denys et du PseudoIsidore (b). 2) Un grand recueil inédit en douze parties, dédié à l'archevêque Anselme (c). Il comprend les conciles grecs et africains et les décrétales authentiques d'après la collection d'Adrien, les conciles gaulois et espagnols d'après l'authentique collection espagnole. Les fausses décrétales y sont en même temps aussi exploitées; l'auteur doit donc avoir eu sous les yeux un manuscrit du recueil d'Adrien enrichi de fragments de l'authentique collection espagnole (d), en outre la fausse collection espagnole ou plutôt un extrait contenant uniquement les fausses décrétales. D'autres pièces sont empruntées au Registrum de Grégoire 1, aux compilations de Justinien, à l'abrégé de Novelles de Julien, et à deux conciles romains tenus sous Zacharie (743) et Eugène (826). Le recueil a donc incontestablement paru en Italie sous Anselme II, archevêque de Milan, depuis 888 jusqu'à 897 (e). Il s'en est trouvé

(a) Les ouvrages qui en traitent sont : Ballerini Part. IV. Cap. X-XVIII. Galland. T. I. p. 625-76), Aug. Theiner sur le prétendu décret d'Yves. Mayence 1832. 8. en latin dans ses Disquisitiones criticæ p. 139-215., Savigny Histoire du Droit romain au moyen åge. Part. II. §. 109-100., A. L. Richter Beiträge zur Kenntniss der Quellen des canonischen Rechts. Leipz. 1834. 8., Aug. Theineri Disquisitiones criticæ. Romæ 1836. pag. 269-397., H. Wasserschleben Beiträge zur Geschichte der vorgratianischen Kirchenrechtsquellen. Leipz. 1839. 8.

(b) Theiner sur Yves p. 9. 10.

(c) Ballerini Part. IV. Cap. X. (Galland. T. I. p. 625-30), Theiner sur Yves p. 10. 14., Savigny II. §. 100. 101., Richter Beiträge p. 36-75.

(d) Voyez à ce sujet §. 86. Note w.

(e) Sarti de claris archigymnasii Bononiensis professor. T. I. P. II. p. 189-91. a donné, d'après le manuscrit défectueux du Vatican 580, un aperçu des chapitres des quatre premières parties, sans cependant avoir reconnu le recueil et profité des documens des Ballerini.

aussi dans deux manuscrits des abrégés où les textes du droit romain notamment sont omis (ƒ). 3) Un recueil inédit conservé sur un manuscrit de la bibliothèque de Vienne, et provenant aussi du neuvième siècle. Il contient des fragments des décrétales depuis Clément jusqu'à Grégoire II puisés au Pseudo-Isidore, en outre des extraits des conciles, et une série de textes des Pères de l'Eglise et des décrétales (g). 4) Un recueil inédit en neuf livres, du neuvième ou dixième siècle, renfermant des textes de conciles, de décrétales, de l'Ecriture sainte, des Pères de l'Eglise et du droit de Justinien (h). 5) Le recueil de Réginon, abbé de Prüm, composé entre 906 et 915 (i). C'est à vrai dire une instruction sur les points que l'archevêque en visite doit surveiller, et les lois correspondantes y sont jointes comme autorités canoniques. Il se divise en deux livres, dont l'un concerne la discipline du clergé, l'autre celle des laïcs. Les lois sont principalement empruntées aux recueils francs en trois livres, en trois cent quatre-vingt-un chapitres, d'Halitgar et de Raban (§ 87) (k). Les canons grecs sont pris tantôt à la version de Denys, tantôt à la version espagnole, parcequ'il en était ainsi dans les recueils cités. A ces matériaux Réginon ajouté quelques fragments des Pères de l'Eglise, des fausses décrétales, de l'interprétation du Breviarium, des capitu'aires, du droit des Bourguignons et des ripuaires (/).6) Un recueil inédit en cinq livres, qui parut vraisemblablement en Italie au milieu du dixième siè cle (m). Il a pour base le recueil en soixante-cinq titres composé en Irlande (§ 85). En outre il contient des textes des Pères de l'Eglise, de la vie des saints, de Pénitentiels, de fausses décrétales, de l'abrégé de Novelles de Julien, des capitulaires et lois des empereurs jusqu'à Henri I (919-36). Il en a été fait un abrégé

(ƒ) Savigny II. §. 101.

(g) Theiner sur Yves p. 15. 16.

(h) Ballerini Part. IV. Cap. XVIII. N° VI. (Galland. T. I. p. 671), Savigny II. §. 102. (¿) Ballerini Part. IV. Cap. XI. No I. II. III. (Galland. T. I. p. 631. 632), Savigny II. §. 102., Wasserschleben Beiträge S. 1 33.

(k) Theiner sur Yves p. 14. accuse les Ballerini d'avoir prétendu à tort que Réginon s'est aussi servi du recueil cité plus haut N° 2. Mais le recueil auquel renvoient les Ballerini n'est point celui-là ; c'est le grand Pénitentiel d'Egbert.

(7) La première édition de ce recueil fut publiée par Joach. Hildebrand. Helmstadt 1659.4. ; puis il en parut sons le titre : Reginonis Abb. Prumiensis libri duo de ecclesiastica disciplina edit. St. Baluz. Paris. 1671. 8. une beaucoup meilleure que le comte Aloys Christiani a fait réimprimer, Vienne 1765. 4. Le recueil se trouve aussi dans Hartzheim Conc. Germ. E. II. p. 438. Une nouvelle édition vient de paraître sous le titre : Reginonis Abbatis Prumiensis Libri duo de synodalibus causis et disciplinis ecclesiasticis. Edid. Wasserschleben Lip iæ. 1840.

(in) Ballerini Part. IV. Cap. XVIII. N° IV (Galland. T. I. p. 670), Savigny II. §. 104., The iner disquisit. p. 271-303.

en cinq livres (n). 7) Un recueil inédit en douze livres composé ` vraisemblablement vers la même époque en Allemagne ou en France (o). C'est un extrait du numéro 2 augmenté de beaucoup de conciles germaniques et gaulois. 8) Le recueil d'Abbon, abbé de Fleury, composé à la fin du dixième siècle (p); il contient en cinquante-deux articles des textes des conciles, décrétales, capitulaires, du Breviarium des Visigoths et de l'Epitome de Julien, liés entre eux par des exposés du compilateur (q). 9) Le recueil de Burchard, évêque de Worms (r), composé de 1012 à 1023 (s). Il est divisé en vingt livres, où les divers textes se suivent sans lien dans un ordre assez arbitraire (t): la préface indique comme sources de l'ouvrage un recueil de canons qu'elle ne précise pas, les canons des Apôtres, les conciles transmarins, germaniques, gaulois et espagnols, les décrets des papes, le nouveau et l'ancien Testament, les écrits des Apôtres, plusieurs Pères de l'Eglise et trois pénitentiels (u). Un examen attentif a toutefois démontré que Burchard n'a guère puisé que dans la collection indiquée sous le numéro 7, et l'a reproduite en grande partie (v). Or cette collection étant à son tour extraite (w) du recueil dédié à Anselme ( no 2), on s'explique comment dans Burchard les conciles grecs figurent, à l'exception de quelques passages, sous la version de Denys. Burchard emprunta aussi à Réginon quelques pièces, particulièrėment des textes des capitulaires et de Raban; seulement pour

(n) Theiner disquisit. p. 304. 305.

(0) Ballerini Part. IV Cap. XVIII. N° VII. (Galland. T. 1. p. 671), Savigny II. §. 104., Theiner disquisit. p. 308-33., Wasserschleben Beiträge S. 34-46.

(p) Ballerini Part. IV. Cap. XI. N° IV. (Galland. T. I. p. 632), Savigny II. §. 102.

(9) Il est inséré dans Mabillon Vetera analecta (ed. II. Paris. 1723. fol.) p. 133-48. (r) Ballerini Part. IV. Cap. XII. et Cap. XVIII. No XII. (Galland. T. I. p. 633-40. 674), Savigny II. §. 102.

(s) La première date s'induit du Lib. II. c. 227. (c. I. D. LXXIII.!, la seconde, de ce que les décrets du Synode tenu en cette même année à Seligenstadt ne font point partie intégrante du recueil, mais y sont seulement annexés.

(t) D. Burchardi Wormaciensis ecclesiæ episcopi Decretorum Libri XX. ex Conciliis et orthodoxorum patrum decretis, tum etiam diversarum nationum Synodis, seu loci communes congesti, in quibus totum ecclesiasticum munus luculenta brevitate, et veteres Ecclesiarum observationes complectitur. Opus nunc primum excussum, omnibus Ecclesiasticis ac Parochis apprime necessarium. Coloniæ MDXLVIII. fol. min. D'autres éditions parurent à Paris-1549. 8. et à Cologne 1560. fol.'

(u) Cette préface a subi ultérieurement dans les éditions une foule de changements. Elle a été imprimée dans sa forme primitive et authentique par les Ballerini Part. IV. Cap. XII. (Galland. T. I. p. 635).

(v) Theiner disquisit. p. 308-16. Wasserschleben Beiträge S. 38. adopte une opinion différente.

(w) C'est pourquoi ce récueil était antérieurement regardé comme la source directe de Burchard; Theiner sur Yves p. 13. 14., Richter Beiträge S. 52-75.