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nous est impossible de comprendre. Ou bien la nouvelle espèce est une conséquence nécessaire des lois et des conditions et on pourra la prévoir pourvu que ces lois et ces conditions soient connues; ou bien elle n'en est pas la conséquence nécessaire et alors étant donné qu'il s'agit d'un phénomène naturel-l'explication sera insuffisante. Dira-t-on que d'après Bergson l'évolution est libre? Dans ce cas son interprétation après coup au moyen de lois fatales comme celles de l'hérédité ou de la sélection naturelle est aussi impossible que sa prévision.

Admettre que l'évolution suit des lois rigoureuses qu'il est possible de connaître, ce n'est pas, comme Bergson semble le croire, faire profession de mécanisme. Toutes les lois ne sont pas nécessairement, même en dernière analyse, des lois physico-chimiques et l'activité des corps n'est pas nécessairement restreinte à celle que possèdent en propre leurs éléments.

Les bergsoniens admettent que l'on recherche, du moins après coup, les causes des différentes phases du procès évolutif, mais non pas de l'évolution tout entière. « Rien n'autorise, dit Leroy, à considérer le monde, c'est-à-dire, la totalité des phénomènes comme un nouveau phénomène qu'il faudrait à son tour expliquer (REVUE DE METAPHYSIQUE ET DE MORALE, 1908, p. 143). « Concevons le nécessaire non pas comme une entité immobile, mais comme un spectre continu de nuances fuyantes ou plutôt comme le flux même de cette continuité spectrale » (IBID., p. 139). Je ne parviens pas à voir de différence entre ces énoncés et le panthéisme. L'examen de cette théorie nous amènerait sur le terrain de la métaphysique pure et dépasserait d'ailleurs le cadre de cette conférence. Contentons-nous de conclure de la critique que nous venons de faire de la doctrine bergsonienne que si l'on ne veut pas soustraire l'évolution à l'étude scientifique, il faut admettre qu'elle est

soumise à la loi de causalité et que dans la mesure où ses causes sont connues, elle peut être prévue aussi bien qu'expliquée.

Tirons de là quelques conséquences. Il faut d'abord reconnaître qu'à considérer seulement la suite des phénomènes, le návτа pe exprime une incontestable vérité. Dans ce que nos sens ou notre conscience perçoivent on peut bien, soit en isolant certains éléments par une sorte d'abstraction, soit en ne tenant compte que des modifications observables, trouver des choses permanentes; mais dans leur réalité concrète, aussi bien l'état de notre conscience que toutes les choses qui nous environnent se modifient continuellement. On aura beau dire que souvent ces changements ne sont pas considérables; ils n'en existent pas moins et ils sont surtout importants dans les êtres vivants qui sont la partie la plus intéressante de l'Univers matériel.

Cela étant, il peut se faire d'abord que des dépendances causales existent entre différentes parties de l'évolution qui se déploient simultanément. La vie se développe parallèlement aux modifications météorologiques, et la première évolution a si bien subi l'influence de la seconde que nos connaissances au sujet des variations du climat pendant les âges géologiques sont tirées principalement de ce que nous savons au sujet des plantes et des animaux qui s'y sont succédé. La vie est, en effet, une adaptation continuelle aux circonstances extérieures.

Quand deux procès évolutifs dépendent ainsi l'un de l'autre, ils ne sont pas en général parfaitement synchrones. La plupart des influences s'exercent dans la nature d'une façon indirecte et en se propageant de proche en proche tels la lumière, la chaleur, le son, l'électricité. Cette transmission exige des déplacements de matière qui se font dans le temps. L'effet est donc souvent postérieur à la cause qui l'a produit.

Mais on aurait tort de considérer comme étant essentielle à la causalité une circonstance qui ne dépend que de la façon indirecte dont elle s'exerce. Au contraire la causalité immédiate exige la coexistence de la cause avec son effet. Ce qui n'existe pas ne saurait avoir par soi-même et directement aucune influence sur la réalité.

Cette remarque suffit pour écarter la conception qui confond la causalité avec la succession dans le temps. Non seulement ces deux relations ne sont pas identiques, mais à parler rigoureusement elles s'excluent, une chose ne pouvant dépendre actuellement d'une autre que si cette autre existe, ce qui exige qu'elles soient coexistantes. Il est vrai qu'on recourt parfois au passé pour se rendre compte du présent, mais c'est ou bien parce qu'il s'agit d'un effet indirect, ou parce que l'effet produit dans le passé a été conservé jusque dans le présent, ou enfin parce qu'on recherche, non pas une cause mais un point de départ. Ce dernier est en effet un élément essentiel de toute transformation.

Donc, à parler rigoureusement, ce qui se passe dans un procès évolutif pendant un temps donné, ne peut jamais être la cause efficiente de ce qui se passe dans la suite, ni l'effet de ce qui s'est passé auparavant. Cette conclusion, à première vue un peu paradoxale, est néanmoins inévitable dans le sens précis que nous venons d'expliquer. Il est également évident que l'influence qu'exercent les unes sur les autres les différentes évolutions ne suffit pas pour satisfaire au principe de causalité, non seulement parce que plusieurs procès évolutifs, comme, par exemple, le développement d'un individu vivant, manifestent une indépendance plus ou moins considérable à l'égard des circonstances, mais surtout parce qu'on peut toujours envisager tout l'ensemble des phénomènes qui se déroulent pendant un temps donné et rechercher quelles sont les causes qui les produisent. Si donc on veut trouver ces causes dans

la nature même, il faut admettre qu'il existe dans les corps, outre les phénomènes passagers, des principes permanents par lesquels les phénomènes sont produits. Ce sont, d'après la philosophie scolastique, les substances et leurs propriétés actives. On donne parfois aujourd'hui à ces dernières le nom de forces. Elles sont en effet des causes de mouvement. Aux yeux de beaucoup de nos contemporains, ceux qui en parlent font preuve d'une certaine naïveté. On les soupçonne d'être de la famille du philosophe de Molière. Cur opium facit dormire? Quia est in ipso virtus dormitiva. Il est possible qu'on se soit parfois payé de mots et que d'une conception qui n'a de valeur et de signification que comme théorie générale, on ait voulu tirer l'explication des faits particuliers. S'il en est ainsi, on a eu tort. On n'explique pas que le soleil éclaire en disant qu'il a une vertu illuminative, ni que le feu échauffe en disant qu'il a un pouvoir calorifique. Mais en admettant dans la nature l'existence de principes permanents doués d'activité non pas créatrice mais transformatrice, on a une explication générale de l'apparence générale des choses. Ces principes manifestent leur permanence par ce qu'il y a de constant dans le flux perpétuel des phénomènes : les lois.

Il a été question récemment de l'évolution possible des lois naturelles. On peut envisager ce problème de différentes façons. A notre point de vue, voici, semble-t-il, ce qu'il faut dire. Une loi naturelle est constante par définition. Si les énoncés auxquels nous donnons ce nom n'expriment pas des relations constantes entre les phénomènes, ce ne sont pas des lois naturelles. Les vraies lois seraient alors les règles suivant lesquelles varient ces relations que nous croyions constantes. Si cette variation ne suivait aucune règle, alors on devrait conclure qu'il n'y a pas de lois naturelles. Mais alors aussi, non seulement il

n'y aurait pas de sciences naturelles, mais nos sensations elles-mêmes ne seraient plus comparables entre elles. L'existence des lois ou, ce qui revient au même, leur constance est donc un postulat nécessaire. Et puisque, en nous y appuyant, nous nous trouvons en harmonie avec les faits, on peut dire que l'expérience le confirme. Il y a donc dans la nature des principes permanents d'où dépendent les phénomènes et qui sont le fondement des lois naturelles. Sans doute, pour rendre compte de l'existence des êtres contingents, il faut en dernière analyse recourir à l'Être nécessaire. Mais il y a alors à choisir entre une sorte d'occasionalisme ou de panthéisme qui considère l'évolution phénoménale comme se rattachant directement à Dieu à titre d'effet ou de manifestation et la philosophie scolastique d'après laquelle Dieu a créé un ensemble de principes permanents qu'il conserve et sous l'action desquels se déroule le spectacle que la nature met sous nos yeux. Je dois renoncer à développer les raisons qui militent en faveur de cette dernière conception. Ce que nous avons dit tout à l'heure nous incline à lui donner la préférence.

Etant admise l'existence de principes permanents d'où découlent les phénomènes, il y a lieu d'examiner s'il n'est pas possible d'en préciser la notion. Parmi les questions que l'on peut à ce sujet soulever et tâcher de résoudre, nous en choisirons une qui concerne l'évolution de la vie sous sa double forme d'ontogénèse (évolution de l'individu) et de phylogénèse (évolution de l'espèce).

Dire que toute chose nouvelle a une cause, c'est affirmer implicitement que ses caractères doivent être déterminés dans sa cause. La manière la plus simple de se représenter cela, c'est d'attribuer à la cause les perfections qu'elle produit dans l'effet.

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