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donne, s'ils sont encore jeunes, une petite tape sur la joue, ou leur pince l'oreille: vous savez que, de sa part, c'était la plus grande marque d'amitié 1. Que de fois Marbot ne reçutil pas cette récompense pour ses exploits! La plupart des généraux de Napoléon, du reste, étaient animés de sentiments nobles et généreux :

Un jour, c'était à Wagram, près de Vienne-Bonaparte a un ordre à communiquer à l'un de ses corps d'armée, séparé du sien par toute l'armée ennemie. Celui qui consentira à porter ce message, a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent de perdre la vie. Il appelle Marbot, qui n'est encore qu'aide de camp de Masséna, et lui en fait timidement la proposition. Marbot écoute la prière de l'Empereur; il en comprend toute la portée : "Oui, dit-il, Sire, j'irai, j'irai.....; et si je péris, je lègue ma mère à Votre Majesté !

C'est le même Marbot qui, dans ses Mémoires, racontant l'affreuse bataille d'Eylau (8 février 1807) où il faillit être foudroyé par les éclaboussures d'une bombe qui éclata près de lui, nous dit tout naïvement les pensées qui se présentèrent à son âme, lorsqu'il se réveilla du sommeil quasi léthargique où il s'était endormi: "J'avais repris, dit-il, mes facultés mentales, et mes pensées se portèrent vers Dieu et ma mère !

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Voilà ce qu'étaient les généraux, au moins quelques-uns des généraux qui suivirent Napoléon dans sa carrière.

Encore une fois, quel dommage que ce génie, maîtrisant son ambition, ne se soit pas contenté, pour but de ses efforts et de ses ressources, d'assurer pour jamais à la France les bienfaits du traité de Lunéville! Mais les hommes ne sont pas parfaits, et les grands génies moins peut-être que per

1-Mémoires pour servir à l'histoire de Napoléon Ier, par le baron de Menneval, t. I, p. 113.

sonne. Et ici, permettez-moi, messieurs, de vous citer une page de M. D'Héricault sur saint Louis, ce grand roi qui gouverna la France six siècles avant l'époque qui nous occupe. Saint Louis n'avait pas, tant s'en faut, le génie de Napoléon ; mais il avait la mesure, l'équilibre qui manquait à celui-ci : et ces qualités le rendent infiniment plus parfait aux yeux de Dieu et de l'histoire :

"Saint Louis, dit M. D'Héricault, n'a pas été un de ces êtres grandioses qui paraissent avoir reçu quelque chose de divin, une exaltation supérieure à la nature humaine. Il est resté un homme, et un homme de son temps. Bien des personnages historiques lui sont supérieurs par des élans de génie. Dans toutes les branches de l'intelligence, beaucoup d'individus sont montés plus haut que lui; mais lui est monté en haut tout entier. Les autres sont tombés bas après avoir escaladé les régions supérieures ; lui ne faiblit en rien. Il ne domine pas son époque, ne la précède pas, il ne la dirige même pas, comme Charlemagne par exemple; mais il n'a pas de vices. de vices. Il se contente de résumer son temps, de l'améliorer doucement et solidement. Il n'a rien de fulgurant, il n'éblouit pas la postérité; c'est une lumière pure, qui brille d'un éclat plus caressant qu'aveuglant, et qui non seulement ne s'éteint pas, mais ne baisse jamais.

"Il n'est donc pas un être de génie transcendant, mais un homme d'équilibre parfait. Il est toujours admirable, sans jamais effrayer l'imagination, ni décourager les sages, amoureux de la perfection; on l'aime toujours, sans regret et sans honte, et on le comprend sans effort. Il doit être comparé à cette église de Saint-Pierre de Rome, dont les murailles dépassent tous les autres monumens, mais qui est si harmonieusement proportionnée qu'il faut un effort d'imagination pour en apercevoir la grandeur 1"

1-Histoire anecdotique de la France, t. II, p. 276.

Hâtons-nous d'ajouter, messieurs, à l'encontre de nos faibles idées, que si Napoléon, avec son génie transcendant, mais en même temps avec son ambition insatiable et démesurée, s'est abandonné à des campagnes vertigineuses à travers l'Europe, c'est qu'il avait évidemment une mission providentielle, celle de remuer jusque dans ses fondements cette vieille Europe, pour en faire sortir les germes féconds de progrès qui devaient éclore d'une manière si merveilleuse dans le cours du dix-neuvième siècle. Dieu a permis également que ce génie, représentant la force humaine à son plus haut degré, ait soumis la Papauté aux plus grandes humiliations qu'elle ait peut-être subies à travers les siècles, afin de faire mieux ressortir, par le triomphe de son Eglise, la divinité de cette institution: Infirma mundi elegit Deus, ut confundat fortia 1.

"Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, dit Bossuet, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la leçon aux Rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et terribles leçons 2."

Bonaparte en fit l'expérience dans ses rapports avec l'immortel pontife Pie VII.

J'ai hâte de considérer avec vous la douce et suave figure de ce saint pontife, qui se détache nettement de la toile qui nous occupe, à côté de celle du géant dont je viens de parler :

"La Providence, dit le cardinal Pacca, semblait avoir exprès réuni dans Pie VII toutes les qualités convenables à

1-1 Cor., I, 27.

2—Oraison funèbre de la Reine de la Grande-Bretagne.

un pape fugitif et opprimé, innocente victime consacrée par une longue suite de malheurs et de souffrances. Cet air de modestie et d'humilité empreint sur son visage, ce sourire presque continuel sur les lèvres, cette affabilité si simple, si naturelle, faisaient la plus profonde impression sur les esprits, excitaient partout le respect et l'admiration 1."

Pie VII et Bonaparte, la victime et l'oppresseur, apparaissent presque en même temps sur la scène du monde. Le 18 Brumaire, qui fit Napoléon Bonaparte Premier Consul de la République française, correspond au 9 novembre 1799; Chiaramonti, évêque d'Imola, fut élu Souverain Pontife le 14 mars 1800. Pie VII et Bonaparte ouvrent donc tous deux le dix-neuvième siècle.

Le conclave de Venise, qui se tint sous le protectorat de la catholique Autriche, et se termina par l'élection de Pie VII, dura trois mois et demi; celui qui a élu Léon XIII n'a duré que trois jours. Le cardinal Consalvi 2 nous a conservé dans

1-Mémoires du cardinal Pacca.-L'auteur fut ministre de Pie VII du 18 juin 1807 au 6 juillet 1809. S'appropriant avec beaucoup d'à-propos les paroles du héros Troyen: "Je raconte dans ces mémoires, dit-il,

Quæque ipse miserrima vidi

Et quorum pars magna fui...................................(Enéïde, II)."

2_" Il était d'une stature moyenne, plutôt maigre, la tête légèrement inclinée en avant. Sa physionomie possédait au plus haut degré les deux séductions du sourire et du regard; un œil plein de feu, mais dont il aimait à voiler l'éclat, décelait sa pénétrante intelligence; son nez, légèrement busqué, donnait un caractère d'énergie à sa figure, dont l'expression, sans cela, eût paru trop adoucie. Le timbre de sa voix était extraordinairement sympathique. Je ne sais quel homme d'esprit a appelé les prélats romains les Armides de la diplomatie. Le mot n'était que juste pour Consalvi, tant sa personne dégageait de grâce et de séduction." - (Le Correspondant du 10 février 1901, p. 450).

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ses Mémoires les lettres d'invitation au conclave que l'on s'était cru obligé d'adresser, suivant l'usage, aux différentes cours de l'Europe; en lisant ces formules adulatoires et démodées que l'usage imposait à l'Eglise vis-à-vis de puissances qui bien souvent auraient mérité tout autre chose que des compliments, on se sent profondément humilié. Hélas! que l'Eglise payait cher la protection qu'elle était censée recevoir de ces Majestés Très-Chrétiennes !

Chose remarquable, le nouveau pape Pie VII, comme plus tard l'un de ses successeurs à l'évêché d'Imola, puis au souverain pontificat, Mastaï-Ferretti, était tout à fait un homme de son temps, acceptant dans tout ce qu'elles ont de bon, les idées libérales et démocratiques :

"Pie VII, écrit M. D'Haussonville 1, n'avait, à aucun degré, les préjugés ni les tendances d'un pontife de l'ancien régime. Dans la lutte engagée en Europe, ses vœux sincères étaient du côté de l'homme des temps nouveaux, et de cette France devenue sans doute un peu trop militaire pour son goût, mais restée à ses yeux démocratique et chrétienne."

Les changements constitutionnels survenus dans le nord de l'Italie, la création de la république Cisalpine, par exemple, ne l'avaient nullement ému: au contraire, il adressa à cette occasion à ses diocésains une admirable lettre pastorale, dont je me contenterai de citer quelques lignes :

"La forme du gouvernement démocratique, adoptée chez nous, dit-il, n'est point en opposition avec ces maximes catholiques, que je viens de vous exposer; elle ne répugne pas à l'évangile; elle exige, au contraire, ces vertus sublimes qui ne s'acquièrent qu'à l'école de Jésus-Christ. Si vous les pratiquez généreusement, elles seront le gage de votre bon

1-L'Eglise Romaine et le Premier Empire.

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