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la plupart, dans le schisme, attachés aux évêques constitutionnels qui s'étaient substitués à la hiérarchie catholique, et dont le chef reconnu était le fameux Grégoire 1. Un très petit nombre de prêtres, seulement, desservaient secrètement, et au grand péril de leur vie, quelques troupeaux de fidèles isolés çà et là. Partout les églises étaient strictement fermées au culte catholique; les biens ecclésiastiques, les presbytères, les abbayes, les monastères avaient généralement été confisqués au profit de l'Etat.

Bonaparte arrive au pouvoir; et au milieu des ruines où il est appelé à rétablir l'ordre, il aperçoit celles de l'Eglise. Mais avec son génie et son regard d'aigle il voit aussi également qu'il ne peut rien faire pour le rétablissement du culte catholique en France sans se mettre en rapport avec le chef de l'Eglise, sans le concours du Saint-Siège, en un mot sans un concordat.

Qu'est-ce, en effet, qu'un concordat, messieurs? Comme le mot l'indique, c'est une convention, un traité, où deux parties contractantes tombent d'accord sur certains points, et s'engagent réciproquement à observer certains articles qui doivent régler leurs rapports entre elles.

De tout temps l'Eglise et l'Etat ont senti le besoin de se concerter et de s'entendre, pour éviter les conflits. Chaque société, sans doute, est indépendante dans son domaine 2;

1-On sait qu'il réussit, en 1819, sous la Restauration, à se faire élire dans l'Isère comme député; mais la note de régicide attachée à son nom lui valut la honte de se voir refuser l'entrée de la Chambre.

2" S'il est juste que l'Etat soit indépendant et souverain chez lui, il est juste que l'Eglise soit chez elle indépendante et souveraine; si l'Eglise empiète quand elle prétend régler la constitution de l'Etat, l'Etat empiète quand il prétend régler la constitution de l'Eglise ; et si, dans son domaine, il doit être respecté par elle, dans son domaine elle doit être respectée par lui."—(Les Origines de la France, par M. Taine).

mais ce sont précisément les limites de ce domaine qui, en pratique, font l'objet des discussions :

"Rien de plus dissemblable, assurément, que ces domaines, écrit le duc de Broglie; mais rien de plus indécis que leurs limites; et l'entreprise de tracer entre eux une ligne de démarcation est véritablement la quadrature du cercle qui fait le désespoir des mathématiciens politiques.

"Il y a tout un ordre de questions connues sous le nom de matières mixtes: terrain de contact nécessaire entre l'Eglise et l'Etat, mais terrain toujours disputé, où la paix n'a pu être établie que par un échange réciproque et concerté de concessions et de garanties. Telle est l'origine, la raison d'être des concordats 1,"

N'allons pas croire, en effet, messieurs, que le fait de conclure un concordat avec le saint-siège en 1801 fût une chose nouvelle en elle-même. Il existait en France, avant la Révolution, un concordat, qui remontait à l'an 1516, et était l'œuvre du pape Léon X et de François Ier. Ce qui était nouveau, c'étaient les conditions absolument extraordinaires, inouïes, presque étranges, dans lesquelles allait se conclure le concordat de 1801.

On a même prétendu-et que ne prétend-on pas ?-que ce concordat n'était pas nécessaire, et que l'Eglise de France, laissée à elle-même, dans les seules conditions de la liberté ordinaire, aurait pu parfaitement se relever de ses ruines: et il y eut, comme vous savez, une petite portion du clergé catholique, ou prétendu catholique, qui ne voulut jamais reconnaître le concordat: on l'appela pour cela la Petite Eglise.

Pour moi, la question de la nécessité, ou tout au moins de la grande opportunité du concordat de 1801 me semble

1-Le Correspondant de 1892, t. IV, p. 606.

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suffisamment résolue par le seul fait que le saint-père attacha à la conclusion de ce traité une très grande importance, qu'il y mit tout son cœur et toute son âme, qu'il se déclara prêt à faire les plus grands sacrifices pour satisfaire les exigences du Premier Consul, et que pour réussir il eut à triompher d'obstacles en apparence insurmontables, même au sein du Sacré-Collège.

Qu'étaient, en effet, messieurs, la plupart des cardinaux ? Des hommes absolument attachés à l'ancien régime, et qui ne concevaient rien de bon en dehors de l'antique alliance du trône et de l'autel. Les Bourbons et la Foi! tel était leur motto politique. Pour avoir une idée de leur attachement à l'ancien régime, il suffit de se rappeler que, sur leurs pressantes instances, le pape Pie VII, tout ouvert qu'il était aux idées nouvelles, se crut obligé de notifier son accession au trône pontifical non pas à Bonaparte, chef de la République française, mais à Louis XVIII, successeur de Louis XVI de droit divin. Et quant à Louis XVIII, vous savez, messieurs, qu'il était si pénétré de son droit héréditaire et divin, que lorsqu'il monta sur le trône pour la première fois en 1814, il data ses premiers actes de la dix-neuvième année de son règne ! c'est-à-dire que c'est lui qui était censé avoir régné en France tout le temps de la République et de l'Empire! Il avait pour représentant accrédité auprès du SaintSiège le cardinal Maury, dont le rôle principal était d'entretenir soigneusement l'hostilité de ses collègues contre Bonaparte 1.

Et maintenant le saint-père, sous prétexte de rétablir la

1-On connaît le mot de Louis XVI sur Maury, alors qu'il n'était encore que simple prêtre. Un jour qu'il avait prêché à Versailles : "C'est dommage, dit le roi, en sortant de l'église; si l'abbé Maury nous avait parlé un peu de religion, il nous aurait parlé de tout." (L'Eglise et l'Etat au 18e siècle, par P. de Crouzaz Crétet, p. 280).

religion en France, allait se rapprocher de Bonaparte, reconnaître, pour ainsi dire, cet usurpateur, et pactiser avec lui! Cela n'entrait pas du tout dans leurs idées. La faction autrichienne surtout, qui avait fait durer trois mois et demi le conclave de Venise, et reconnaissait pour chef le vieux cardinal Antonelli, se montrait absolument réfractaire à toute idée de rapprochement avec le Premier Consul de la France révolutionnaire.

Il fallut que le saint-père montrât dans toute cette affaire du concordat une longanimité et une patience infinie. Avec un pape moins ouvert aux idées nouvelles, moins favorablement prévenu en faveur de Bonaparte, jamais le concordat n'eût été possible.

De son côté, que d'obstacles le Premier Consul ne rencontra-t-il pas dans son propre entourage! Ses principaux conseillers, ses ministres, mais ce sont eux qui avaient fait la Révolution, et qui en profitaient ce sont eux qui avaient fait voter la constitution civile du clergé et créé le schisme en France: ce sont eux qui avaient mis la Religion et l'Eglise hors la loi; et l'on voulait maintenant les obliger à se rapprocher du pape, à rétablir la religion et à relever les autels! Pouvait-on espérer qu'ils allaient se prêter si facilement aux désirs du Premier Consul?

On ne peut se figurer les embarras de toutes sortes qu'ils lui créèrent; et il eut, comme l'observe avec raison M. de Broglie, un mérite réel à triompher de leur mauvaise volonté. On sait, par exemple, qu'il eut toutes les peines du monde à les faire assister, dans l'église de Notre-Dame, à la messe et au Te Deum qui suivirent la conclusion du concordat: il fut même obligé d'user de menaces; et s'il y avait eu là un Molière, observant avec soin, dans cette circonstance mémorable, l'attitude de Cambacérès, de Sieyès, de Talleyrand, de Fouché et autres, je crois qu'il n'aurait pas eu de peine à à créer une pièce intitulée : le Dévot malgré lui.

Faut-il s'étonner que tous les obstacles que le saint-père et le Premier Consul rencontrèrent chacun dans leur entourage, joints aux sages lenteurs ordinaires de la Cour romaine, aient fait traîner en longueur les négociations du concordat? Elles durèrent une année.

C'est en effet peu de temps après Marengo (14 juin 1800) que Bonaparte s'ouvrit au cardinal Martiniane, à Milan, de son projet de rétablir la religion en France, et de conclure pour cela un traité avec le Chef de l'Eglise catholique.

Son but, sans doute, était avant tout un but politique : il savait que la religion est la base principale de l'ordre et de la tranquillité d'un Etat, et il voulait faire servir à ses fins politiques ce grand ressort de toute autorité :

"Comment avoir de l'ordre dans un Etat sans une religion, disait-il un jour à Roederer? La société ne peut exister sans l'inégalité des fortunes; et celle-ci ne peut subsister sans la religion."

Puis il ajoutait, dans son langage cynique, qui n'a été que trop souvent répété depuis:

"Le gouvernement, s'il n'est maître des prêtres, a tout à craindre d'eux."

Faut-il croire, comme on l'a prétendu, qu'aucun motif religieux n'animait Bonaparte, lorsqu'il entreprit de conclure un concordat avec le Saint-Siège? Et pourquoi une telle supposition? Sur quoi est-elle fondée ? Bonaparte était Corse, Italien, et par conséquent religieux. Son secrétaire Menneval nous assure qu'il le surprit souvent faisant des signes de croix, dans certains moments de frayeur ou de grandes préoccupations:

"Avec votre philosophie, disait-il un jour à Chaptal, on ne sait ni en politique, ni en religion, d'où l'on vient et où l'on va. J'aime mieux la foi de nos pères...1."

1-Le Correspondant de 1881, t. I, p. 412.

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