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pleines, Dieu ne saurait les agréer. Aussitôt, entre Dieu et lui, Jésus-Christ, pontife parfait et victime parfaite, se place médiateur. Par la foi en lui, et agissant en son nom, l'homme peut encore rendre à Dieu un culte accompli; car, quelque faible que devienne son intelligence, il a toujours le pouvoir de croire ce que Dieu lui dit et de faire les cérémonies qu'il lui marque.

L'homme doit à Dieu l'hommage de tout ce qu'il est et de tout ce qui lui appartient. Avant la chute, s'il avait l'usage des choses, il n'avait que soi en propriété. Après la chute, condamné à vivre de son travail, à la propriété de lui-même, il joint celle des produits de la terre qu'il cultive et des animaux qu'il élève. Il faut donc qu'il offre ces produits avec lui-même, et qu'il les offre extérieurement, puisqu'ils sont extérieurs. Il ne saurait les offrir, non plus que s'offrir luimème qu'avec la médiation du Christ, qui, en conséquence, peut seul instituer le pontificat. A moins d'un appel extraordinaire tel que celui de Melchisédech, les pontifes furent généralement les chefs des familles jusqu'à Moïse, où ils se concentrèrent dans la race d'Aaron, son frère. On sait assez comment ils sont établis sous le christianisme, où ils offrent Jésus-Christ lui-même. Voilà comment la chute amène le culte et le sacerdoce positifs. Rien de plus inévitable.

Dieu existant de lui-mème, ne s'appuie qu'en soi, et il est l'appui essentiel de tous les autres êtres, qui n'existent que par lui. Que la nature de l'homme fût saine, il prendrait au dedans tout son appui en Dieu; car s'appuyer totalement en Dieu, c'est s'unir intimement à lui, autant que la nature humaine l'exige, et recevoir de lui toute l'action nécessaire pour qu'elle se conserve saine. Se corrompre, c'est ne plus recevoir toute l'action conservatrice divine; et ne plus la recevoir, c'est n'être plus complétement uni à Dieu. Ainsi altérer notre union interne avec Dieu, revient à altérer notre nature; et altérer notre nature, revient à nous appuyer intérieurement en lui moins qu'il ne faut. Qu'arrive-t-il de là? Il arrive que notre être chancelle. L'homme se sent défaillir,

et s'efforce de ressaisir au dehors le soutien qui lui échappe au dedans plus il s'écarte de Dieu intérieurement, plus il éprouve le besoin d'une puissance souveraine, dont il ne perd jamais l'idée, et plus extérieurement il appelle cette puissance, se porte vers Dieu; et si Dieu ne le prévient et n'établit la vraie religion, il en invente une fausse, et hors la Judée, le paganisme couvre la terre. Rattachant à Dieu, par un côté, l'homme qui s'en isole par l'autre, le sacerdoce se lie pour ainsi dire aussi invinciblement à la chute que Dieu est indispensable au genre humain.

Puisque le sacerdoce est nécessaire, le pouvoir précatoire ne saurait en tenir lieu et suffire à la rénovation. Comment, en effet, avec la prière seule, qui est intérieure, individuelle, avoir une institution quelconque extérieure, commune? Comment s'accorder sur ce qui est vrai, sur ce qui est faux, maintenir l'un, proscrire l'autre, et vivre dans l'unité? Comment dispenser les sacrements, célébrer le sacrifice?

Le sacerdoce remplacerait-il mieux la prière? Peut-on lui attribuer ce qu'elle obtint de Dieu, par exemple, l'infaillibilité, le pardon des péchés, la transsubstantiation? Le demander, c'est mettre en question si Dieu communique à l'homme son incommunicable pouvoir.

Au reste, la prière forme l'essence du culte de l'homme tombé. Tant qu'il garde l'innocence, la perfection, rien ne lui manquant, il n'a rien à demander, si ce n'est la persévérance dans la volonté du bien. Il adore Dieu, et il lui suffit de le prier de ne pas permettre qu'il déchoie. Mais, devenu pécheur et misérable, peut-il se tourner vers lui sans attitude suppliante? Or, qu'est-ce que le supplier, sinon l'adorer?. Quand on sollicite l'oubli des prévarications, la force de les éviter, le pain de chaque jour, ne s'anéantit-on pas devant Dieu, comme devant l'Etre en qui résident éternellement et dans leur plénitude la justice, la sainteté, la bonté, la puissance et toutes les perfections? Quelle adoration plus profonde et plus expressive que le cri des détresses, à Celui qui seul peut les soulager et sauver? Mais, je le répète, l'adorer,

n'est-ce pas s'unir à lui, le contempler et l'aimer par l'intelligence, ou du moins par la foi? Plus l'adoration est vaste, haute et vive, plus l'union est puissante; plus l'union est puissante, plus l'àme se relève et retrouve la force. C'est pourquoi, si la prière avait assez d'énergie, elle enchaînerait l'âme à la présence de Dieu, et empêcherait l'homme de faillir jamais. L'oraison est le grand ressort de la vie chrétienne, et fut la vie entière des Paul l'Ermite, des Marie d'Égypte, de ces formidables et de ces enchanteurs solitaires qui, dans leurs déserts, moururent avant la mort et commencèrent ici-bas leur éternité.

Remontant les âmes à Dieu, et abaissant Dieu du côté de la miséricorde vers les âmes, la prière refait l'union de l'homme à lui; elle refait en même temps l'union des hommes entre eux. En général, comme son effet dépend du mérite de celui qui prie, et que dans l'Église on prie les uns pour les autres, chacun a intérêt à ce que tous croissent en vertu; et suivant un ordre admirable, les biens deviennent communs sans cesser d'ètre particuliers. Ce rejaillissement déracine l'envie, la jalousie. La prière n'obtient ce qu'on demande pour nous qu'autant que nous nous réjouissons de la perfection de ceux qui sollicitent. Par elle-même cette joie nous rend meilleurs; nous identifiant avec les autres, elle nous approprie leur mérite. Tout bien sort de la charité, tout bien rentre dans la charité, et on n'est riche que de la charité.

Faut-il s'étonner maintenant que la prière entre dans les sacrements pour y déployer le pouvoir régénérateur qu'elle manifeste partout? L'antiquité les administrait avec la forme précatoire, usage qui s'est conservé dans l'Église grecque. Nous voyons que le sacerdoce entre aussi dans les sacrements. Concluons que la prière et le sacerdoce se nécessitent mutuellement. Ils constituent l'Église, en quelque sorte, comme l'activité et la quantité constituent la substance, dont j'ai exposé ailleurs la théorie '.

1. Le cartésianisme.

L'eau, le pain, le vin, l'huile, dont le sacrement se forme, est quantité; la parole, le Verbe, qui produit le sacrement, quantité; le caractère du sacerdoce qui administre le Verbe, quantité. L'effet du sacrement est activité; le Saint-Esprit qui produit cet effet, activité; les saints qui administrent le Saint-Esprit, activité. Ainsi le sacrement et son effet rappellent les parties constitutives de la substance; le Verbe et le Saint-Esprit, qui produisent le sacrement et son effet, rappellent les parties constitutives de la substance; le sacerdoce et les saints, qui administrent le Verbe et le SaintEsprit, rappellent les parties constitutives de la substance.

Sans doute le sacerdoce n'est point inerte comme la quantité, mais le pontife humain n'a qu'un pouvoir emprunté, un pouvoir de cause seconde, et ne peut rien sans l'action souveraine de Jésus-Christ, qui contient le pouvoir sacerdotal en propre, et qui est la cause première. La prière n'est pas non plus ce pouvoir suprême de Jésus-Christ; mais elle le détermine à agir, ce qui rend efficace l'action du pontife mortel.

Pouvoir précatoire, pouvoir sacerdotal, aucun ne peut dire: Je suis l'Église. Celui qui aurait la démence de le faire, la détruirait et se détruirait avec elle. Elle n'est point l'un, elle n'est point l'autre : elle est à la fois les deux indivisiblement conjoints. Comme ils se correspondent ! Le premier appartient aux laïques, le second aux pontifes. Or, qui n'est pontife? qui n'est laïque? Quand un évêque confirme, tous les autres évêques, tous les prêtres prient, comme simples fidèles, avec tous les laïques. Quand un laïque baptise, avec tous les autres laïques prient, comme simples fidèles, tous les prêtres et tous les évèques. Qu'un prêtre offre le sacrifice, tous les autres prêtres, avec eux tous les évêques, prient comme simples fidèles avec tous les laïques. Bien plus, le prêtre qui ici sacrifie, le laïque qui ici baptise, l'évêque qui ici confirme, assistent, priant comme simples fidèles, le laïque ou les laïques qui ailleurs baptisent, l'évêque ou les évêques qui ailleurs confèrent l'un quelconque des sept

sacrements, le prêtre ou les prètres qui ailleurs confèrent l'un quelconque des cinq qui leur sont dévolus; car la prière peut se réduire au désir: or le désir du bien est permanent chez les justes; et l'Esprit-Saint les aide, priant en eux avec des gémissements ineffables'. Unité merveilleuse des fonctions, qui ne s'explique que par l'unité des pouvoirs ; unité qui est l'Église. Aussi, à parler exactement, ce n'est point le pontificat qui célèbre les sacrements, mais l'Église qui les célèbre par le ministère extérieur du pontificat; ce n'est point le laïcisme qui prie, mais l'Église qui prie par le ministère intérieur du laïcisme. Comme dans le corps humain, auquel saint Paul la compare, ce ne sont point les yeux qui voient, les oreilles qui entendent, mais l'homme qui entend par les oreilles et voit par les yeux. Également, c'est Dieu, dont l'Église est l'image et auquel Jésus-Christ l'assimile, c'est Dieu qui fait ce que font les personnes divines; car quoique chacune soit Dieu, elles ne sont point trois dieux, mais un seul. Il est vrai, entre les yeux, les oreilles, les divers organes du corps, il y a unité de substance; de mème entre les personnes divines; tandis qu'entre le pouvoir oratoire et le pouvoir sacerdotal il n'y a qu'unité de rapport, d'association. Cette unité pourtant est, en son genre, aussi réelle que les autres. Le pontificat, tout surnaturel, puise tout en Dieu; la prière qui lui fait produire son effet, par l'action divine, y puise sa vigueur infiniment plus qu'en nous. L'un et l'autre dépendant ainsi de Dieu, pour faire ensemble la même œuvre, se trouvent liés par l'unité qui subsiste en lui et la retracent en eux. De quelque côté qu'on l'envisage, éclate l'unité de l'Église, célébrée par le prophète comme une cité dont toutes les parties se coordonnent en un centre commun: Edificata est ut civitas cujus participatio ejus in idipsum.

1. Rom. VIII, 26.

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