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un royaume fait par des évêques. Hélas! ni les évêques ni les prêtres ne referont la France moderne, si les mères chrétiennes ne viennent à leur aide. Dieu a confié aux mères le berceau de l'homme : le berceau, c'est-à-dire presque tout.

Meurseault, le 29 juillet 1866.

INTRODUCTION

Une histoire comme celle dont j'entreprends le récit ne devrait pas s'écrire; il la faudrait chanter: car c'est un poëme. C'est le poëme du plus bel amour qui fut peut-être jamais; de l'amour le plus profond et le plus tendre, le plus élevé et le plus pur, et aussi le plus fort, le plus patient et le plus invincible; qui traverse vingt-cinq années d'épreuves et de larmes sans faiblir un instant, ou plutôt qui grandit avec les épreuves, devient plus ardent et plus obstiné en proportion même des obstacles; et qui, triomphant enfin (car qui pourrait résister à un pareil amour?), s'achève heureux dans une sorte de ravissement et d'extase.

Avez-vous vu quelquefois la belle peinture d'Ary Scheffer qui représente sainte Monique et saint Augustin sur le bord de la mer? Saint Augustin est assis au premier plan. C'est un jeune homme d'une trentaine d'années. Sa figure est pâle, fine, un peu

triste encore, comme un malade qui a beaucoup souffert et qui entre en convalescence; ses yeux sont noirs, profonds, pas assez trempés peut-être de sensibilité et de tendresse, mais pleins du plus beau feu; sa bouche pensive est fermée, comme celle d'un homme habitué au travail de l'esprit. Des cheveux courts, taillés en rond autour de la tête, laissent voir un front large, sur lequel tombe un rayon de lumière, symbole de l'état où est maintenant cette puissante intelligence. Le coude du bras droit est appuyé sur le genou, et l'avant - bras semble se relever pour soutenir une tête fatiguée; mais la tête n'a plus besoin d'appui : elle est droite, un peu renversée en arrière, afin de laisser au regard la liberté de se diriger vers le ciel. De sa main gauche, Augustin presse les mains de sa mère, comme pour dire que si, après tant d'erreurs, de déceptions et de luttes, il peut maintenant lever vers Dieu un regard purifié et heureux, c'est à sa mère qu'il le doit.

Et cette mère, qu'elle est radieuse à côté de lui! Elle est tout entière dans la lumière, tandis qu'Augustin est encore un peu dans l'ombre, ainsi qu'il convient à un pénitent; et elle le domine de toute la tête, pour montrer qu'elle l'a précédé et que jusqu'ici elle est montée plus haut que lui dans la vérité et dans l'amour. Sous l'épanouissement de sa figure qui rayonne de joie, j'aurais aimé qu'on pût apercevoir la trace effacée de ses larmes; mais que ses yeux sont beaux! comme tous les yeux, du reste, qui regardent le ciel; que cette bouche

entr'ouverte laisse bien voir ce qu'il y a de tendresse dans cette âme aimante! et que voilà bien la joie pure, sereine, reconnaissante, d'une mère qui a retrouvé son fils! Vêtue de blanc, enveloppée de longs voiles qui retombent ainsi que des ailes au repos, on dirait qu'elle n'attend que le signal de s'envoler; et, dans l'état où elle est, ayant ramené à Dieu son Augustin, le laissant chrétien, repentant, en voie de devenir un saint, elle s'envolerait, en effet, si de ses deux mains elle ne pressait la main de son fils. Voilà ce qui la retient encore. Mais, en regardant de près ces deux mains qui sont serrées plus qu'elles ne serrent et qui vont s'entr'ouvrir, on pressent que cette dernière étreinte ne la retiendra pas longtemps.

C'est de cette mère que j'écris. Je voudrais raconter son histoire, pour consoler tant de mères chrétiennes qui pleurent aujourd'hui comme elle pleura autrefois; pour avertir celles qui, plus jeunes, n'ont encore que de vagues inquiétudes; pour leur révéler à toutes ce que Dieu a mis en elles de forces divines, quand il s'agit du salut éternel de leurs enfants; ce qu'il a caché de ressources imprévues et infaillibles dans cette chose auguste qu'on appelle la Paternité et la Maternité.

Leibnitz disait : « On réformerait le monde, si on réformait l'éducation. » Je dis à mon tour: On réformerait l'éducation, et les enfants, et les jeunes gens, et les hommes, et on tirerait ce siècle de la redoutable crise religieuse qu'il traverse, si on parvenait à transformer les mères. Et que faudrait-il

pour cela? une chose bien simple, et cependant rare, qui manque à presque toutes les mères, même aux meilleures : je veux dire la conscience de leurs forces divines, et le courage d'aller jusqu'au bout, quand il s'agit de l'âme de leurs enfants.

En général, il y a bien peu d'hommes qui aillent au bout de leurs forces. Quel est le penseur, par exemple, qui va au bout de sa raison? Quel est l'orateur qui sait tirer de son cœur tous les accents qui y sont contenus? Quel est l'homme public ou privé, quel est le chrétien, qui, appliqué à une œuvre du temps, ou à une œuvre de l'éternité, sache y mettre toute son âme? Pour aller au bout des forces de son esprit ou de son cœur, il faut un sanglant effort, devant lequel presque tous reculent; c'est là, pour le dire en passant, ce qui fait la rareté des héros ou des saints. De même aussi, à un autre point de vue, le malheur de ce temps et son redoutable péril, c'est qu'il n'y a presque plus de mères qui aillent, pour sauver leurs enfants, jusqu'au bout des forces divines de la maternité.

Je le disais un jour à une mère chrétienne que tourmentait l'avenir de son jeune fils, et qui me confiait ses inquiétudes; je lui disais : « De quoi avez-vous peur? votre fils sera ce que vous le ferez bon, pur, noble, généreux, brave, craignant Dieu, n'ayant point d'autre crainte, si vous-même vous avez ces vertus dans l'âme, et si vous savez les lui mettre si profondément au cœur que rien ne puisse les en arracher jamais. Vous croyez? me dit-elle; mais les passions, mais l'air corrompu du

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