Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Par pitié pour moi, n'aie pas peur du bourreau, et meurs courageusement comme tes six frères '.

Ce qu'une femme, une mère doit souffrir dans un pareil moment; ce que dut être le déchirement d'entrailles d'une Symphorose, d'une Félicité et de tant d'autres qui les imitèrent, nulle plume ne le peindra jamais. On sent seulement que, pour récompenser de telles mères, ce ne sera pas trop d'une éternité de bonheur, avec leurs fils dans leurs bras.

Sans doute Dieu ne demande que rarement de pareils sacrifices. Il n'en est pas moins vrai que toute mère qui n'est pas capable de donner la vie temporelle de son enfant pour sauver sa vie éternelle n'est pas une mère chrétienne; que toute mère qui ne se sent pas le courage de se jeter entre son enfant et un crime, entre son fils et une lâcheté, est une mère abaissée, indigne de porter ce glorieux nom. Mais aussi quand elle est décidée à tout sacrifier son temps, sa peine, la vie même de son enfant, plutôt que de le voir souillé par le mal, comment celui-ci périrait-il? Les orages d'un siècle mauvais peuvent l'emporter sans doute; il peut flotter au gré d'une tempête, aller pendant quelques instants à la dérive; mais périr, jamais! Il lui reste toujours une ancre; et savez-vous où elle est? dans les mains de sa mère. Voilà pourquoi rien ne peut

1 Fili mi, miserere mei, quæ te in utero novem mensibus portavi et lac trienno dedi et alui... Peto, nate, ut aspicias in colum... Suscipe mortem, ut in illa miseratione cum fratribus tuis te recipiam. (I Machab., vIL, 23, 27, 28, 29.)

ni l'arracher ni la briser. On en verra un touchant exemple dans cette histoire; et j'ose me promettre que nulle mère n'en achèvera le récit sans savoir comment, au plus fort de la tempête, elle doit tenir les ancres qui empêcheront de sombrer la fragile barque de ses enfants.

Et cependant, si nécessaire qu'il pût être de rappeler aux mères chrétiennes le double pouvoir qu'elles ont reçu de Dieu pour former et pour protéger l'âme de leurs enfants, si ce livre ne contenait que ces deux leçons, je ne l'aurais peut-être pas écrit. J'ai voulu mettre en lumière une plus grande doctrine apprendre aux mères un secret plus important, trop ignoré de nos jours, et qui constitue à la fois la grandeur la plus auguste de la paternité chrétienne, et sa ressource suprême dans les jours de crise.

Jamais je n'oublierai l'émotion dont je fus saisi la première fois que j'assistai de mon ministère, et encore plus de mon cœur, un pauvre jeune homme qui se mourait. Je vois encore d'ici son père, se promenant dans la chambre, muet et morne, accablé de cette douleur sans larmes qui fait tant de mal; et, assise devant ce lit de mort, la pauvre mère qui laissait enfin éclater ses sanglots, contenus pendant l'agonie. J'étais assis moi-même à côté d'elle, déchiré, mais muet, ne sachant comment consoler, n'osant pas même l'entreprendre. Je me rappelle très-bien que, pendant ce long silence que l'on garde auprès des grandes douleurs (car aussi que pourrait-on dire?), je me demandais par

quel mystère Dieu, qui est la bonté même, pouvait permettre de telles choses, et faire à un cœur de mère de si cruelles blessures. Ce que je me demandais alors, je l'ai compris deux ans plus tard, en assistant, dans la même chambre, et, hélas! au pied du même lit, à l'agonie de cette pauvre mère elle-même, et en entendant sortir de sa bouche ce mot qui fut presque le dernier, et qui me fit tressaillir « Je vais retrouver mon enfant. » Je vis alors, dans une lumière qui me saisit, que la vie de ce monde n'est pas le dernier mot des choses; et que si Dieu, pour élever et purifier les âmes, pour en faire jaillir les grandes vertus, sépare quelquefois ceux qui s'aiment, c'est qu'il peut les réunir dans une région où on s'aimera davantage encore, sans se quitter jamais. Je fermai, d'un doigt tremblant d'émotion, les yeux de cette mère; et, bien des fois depuis, pensant à elle et à son fils, tous deux disparus de la terre, tous deux maintenant réunis dans le ciel, je me suis demandé ce qui pouvait rester en eux de la blessure si cruelle qu'ils avaient reçue deux ans auparavant un souvenir à peine; et qui sait même si ce souvenir n'est pas une félicité de plus?

Mais, qu'on me permette de le dire, il y a un autre lit de mort, en face duquel je ne concevrais pas que Dieu eût laissé une mère impuissante. Supposez qu'au lieu de voir son enfant mourir pour un jour, pour deux ans, une mère chrétienne le vît se perdre pour l'éternité tout entière; prenez une mère toute sainte, aimant Dieu par-dessus toutes

choses, et qui verrait son enfant s'en détacher à jamais, et devenir l'objet de sa haine éternelle; et imaginez qu'au moment où la terrible séparation se va consommer, elle ne puisse rien pour le sauver ! Je n'interroge pas encore les saintes Écritures; j'écoute ma raison, mon bon sens, mon cœur, mon cœur surtout, qui après tout ne peut pas être meilleur que celui de Dieu, et je dis avec certitude: Non, cela n'est pas possible. En face d'un tel malheur, Dieu n'a pas pu vouloir que la mère fût impuissante. Il a dû cacher, dans le meilleur et le plus divin de son âme, dans les profondeurs les plus augustes de la maternité, je ne sais quoi: un élan, un cri, une larme, un sanglot que toutes les mères peut-être ne sauront pas trouver, comme toutes les mères n'auraient pas trouvé le cri qui émut le lion de Florence; mais qui est là, pourtant; et qui, s'il sort de l'âme, comme il en sortira toujours sous le double coup de l'amour de Dieu et de l'amour d'un fils, sauvera infailliblement l'âme de ce fils. Voilà ce que je crois.

Oui, quand une mère a épuisé, pour ramener un fils coupable, les conseils, les avertissements, les reproches, et qu'en apparence elle ne peut plus rien, il lui reste encore une puissance, la plus grande de toutes: il lui reste ses larmes. Qu'elle prie, qu'elle pleure, qu'elle aille chercher dans ces replis secrets où l'âme de la mère et l'âme de la chrétienne se touchent, une certaine larme que Dieu a faite exprès voilà l'enfant sauvé! Et tous les jours on voit des jeunes gens qui avaient abusé de

tout, dont la vie avait traîné dans les ignominies et dans tous les scandales, et qui renaissent à la vertu, parce que leurs mères ont pleuré 1!

Que les saintes Écritures, du reste, concordent bien avec ces consolantes pensées! Lisez, aux jours de vos grandes tristesses, l'histoire d'Agar chassée des tentes d'Abraham et s'enfonçant dans le désert, son enfant à la main. Le soleil est ardent sur sa tête; le sable lui brûle les pieds; son enfant, dévoré de soif, gémit et va mourir sous ses yeux. Elle s'arrête un instant et cherche avec anxiété quelque secours. L'horizon est de feu; nulle part cette goutte d'eau qu'elle paierait de sa vie ! Alors,

1 Ce que je dis des mères, je le dis aussi, toute proportion gardée, des épouses, des filles et des sœurs. J'en veux citer un doux exemple, pour achever d'enrôler, dans cette noble croisade de la prière, toutes les âmes qui sont dignes d'y entrer. Qui n'a entendu parler de ce charmant groupe fraternel, trop tôt disparu de ce monde: Maurice et Eugénie de Guérin? Maurice, entraîné par les dissipations de Paris, avait un instant oublié le Dieu et la foi de son enfance. Que faisait, pendant ce temps, sa jeune sœur? Elle tremblait pour lui; elle gémissait et elle priait. « Maurice, écrit-elle après sa mort, je te crois au ciel. Oh! j'ai cette confiance que tes sentiments religieux me donnent, que la miséricorde de Dieu m'inspire. Dicu, si bon, si compatissant, si aimant, si père, n'aurait-il pas eu pitié et tendresse pour un fils revenu à lui? Oh! il y a trois ans qui m'affligent: je voudrais les effacer de mes larmes!... J'avais tout mis en toi, dit-elle encore, comme une mère en son fils; j'étais moins sœur que mère. Te souviens-tu que je me comparais à Monique pleurant son Augustin, quand nous parlions de mes afflictions pour ton âme, cette chère âme dans l'erreur? Que j'ai demandé à Dieu ton salut, prié, supplié! Un saint prêtre me dit : Votre frère reviendra. Oh! il est revenu, et puis il m'a quittée pour le ciel, pour le ciel, j'espère! »

« ÖncekiDevam »