Sayfadaki görseller
PDF
ePub

désespérée, sentant venir la mort, elle dépose l'enfant sous un palmier, et s'enfuit en disant : « Du moins je ne verrai pas mourir mon enfant ! » Mais bientôt (car elle n'était pas loin; elle ne voulait pas le voir mourir, mais elle voulait toujours le voir), bientôt donc, quand cette malheureuse mère entend que les soupirs de son fils deviennent plus faibles, folle de douleur, elle tombe à genoux et elle envoie, jusque dans le cœur de Dieu, je ne sais quel cri... Et à l'instant même une source jaillit à ses pieds, comme si Dieu eût voulu nous montrer qu'il ne sait pas résister à la douleur d'une mère qui lui demande la vie de son enfant. Combien plus l'écoutera-t-il donc, lorsqu'elle pleurera sur un fils égaré et coupable, exposé à la seule mort qui n'ait point de remède, puisqu'elle n'aura point de fin !

Mais c'est surtout dans le Nouveau Testament qu'apparaît, avec plus de tendresse encore et une douceur infinie, cette consolante leçon. Avez-vous remarqué que jamais le cri d'un père, d'une mère, n'a trouvé insensible le cœur si aimant de NotreSeigneur? Quand le centurion, par exemple, vient lui dire « Seigneur, mon fils est bien malade, »> que répond ce bon Maître? « Allez, votre fils est guéri.» Jaïre et sa femme, éplorés, viennent-ils se jeter à ses pieds (ils avaient perdu une enfant de douze ans, à cet âge aimable où l'enfance qui se retire et la jeunesse qui vient donnent à une jeune fille un charme si doux); Notre-Seigneur ému quitte tout, les suit, entre dans la maison, et, prenant

l'enfant par la main, il la rend à sa mère. Il est vrai qu'il fait un peu plus attendre la Chananéenne; il simule l'indifférence; mais c'est pour faire sortir de son cœur un cri plus profond de foi; et quand ce cri est poussé : « O mère, que votre foi est grande! lui dit le Sauveur; allez, votre fille est guérie. » Qui n'a lu encore l'attendrissante histoire de la veuve de Naïm? Celle-là, elle ne va pas trouver Notre-Seigneur; elle ne le voit même pas; elle suit, absorbée dans sa douleur, aveuglée par ses larmes, le cercueil de son fils unique. C'est Jésus-Christ qui la voit, qui s'émeut, qui s'approche d'elle, et, arrêtant le cercueil : « O mère, ne pleurez pas, » dit-il; et il lui rend son enfant.

Que voulait Notre-Seigneur en multipliant de tels miracles? Préparer les mères à comprendre l'auguste puissance qu'il a mise en elles; leur apprendre à trouver dans leur cœur ce cri auquel il ne résiste pas; les décider, par conséquent, à ne se décourager jamais, quels que fussent les orages de la jeunesse de leurs fils, à les poursuivre de leurs larmes, et à les ramener à Dieu, à force de prier, de souffrir et de s'immoler pour eux!

Mais telle était l'importance de cet enseignement, il fallait le graver si profondément dans les âmes, que ces exemples, si émouvants qu'ils fussent, ne pouvaient pas suffire. Pour allumer au cœur des mères la flamme d'une espérance indomptable, il fallait une lumière plus abondante encore; et Dieu résolut de la leur donner dans un tel exemple que le monde ne pût jamais l'oublier.

On verra donc ici un jeune homme élevé par la plus sainte des mères; couvert pendant toute son enfance d'une vigilance inquiète, d'une protection aussi tendre que forte; doué lui-même du plus rare génie et d'un cœur encore meilleur que son esprit; aimant sa mère avec passion; et qui, pour toutes ces raisons, aurait dû avoir, après l'enfance la plus pure, la plus heureuse et la plus pure jeunesse; qui l'aurait eue, en effet, si sa mère eût été seule chargée de son éducation. Mais par malheur elle était mariée à un insensé : car quel autre nom donner à un homme qui, aussi peu soucieux de la vertu de son fils que de la sienne propre, violent et despotique dans ses volontés, sembla se jouer pendant quinze années de l'innocence de son fils et le livrer de gaieté de cœur à tous les périls? Victime donc des témérités de son père, on verra ce pauvre jeune homme s'en aller bientôt de fautes en fautes; connaître d'abord tous les orages du cœur, et, trop entraîné par la périlleuse tendresse de son âme, d'une première chaîne, ennoblie, si le vice peut s'ennoblir jamais, par un reste d'honneur et par une inviolable fidélité, tomber dans une seconde chaîne tout à fait honteuse, et du commencement de ses désordres à la fin compter seize années du plus lamentable esclavage; puis, comme les ténèbres de l'esprit sont d'ordinaire la juste punition des désordres du cœur, après avoir éteint et ensuite abdiqué publiquement la foi de son enfance, on le verra flotter à tout vent de doctrine; s'éprendre de la philosophie antique, mais s'en

dégoûter bientôt, et avec raison, parce qu'elle ne lui offrait qu'un sable mouvant sur lequel son grand esprit ne pouvait rien bâtir de fixe; se jeter alors dans une hérésie séduisante et grossière, s'y débattre inquiet pendant neuf années; et enfin, las de tant d'efforts impuissants, désespérant de la vérité sans cesser de l'aimer, tomber, découragé, triste, malade, dans le dernier de tous les abîmes, le doute absolu; à la veille par conséquent de périr tout entier, cœur, conscience, génie; et, au lieu d'être saint Augustin, de devenir un sophiste, un Libanius peut-être, ou tout au plus un Symmaque.

Mais, chose singulière ! arrivé là, quand tout semblait perdu, vous le verrez tout à coup reprendre son vol, lentement d'abord comme un aigle blessé, puis plus vite, puis tout à fait ardemment; battant des ailes au lever de la lumière, saluant des cris de la plus divine éloquence la Vérité retrouvée, ou plutôt recevant humblement avec des soupirs et des larmes cette Beauté toujours ancienne et toujours nouvelle qu'il avait connue trop tard et trop tard aimée; et des abîmes de la passion et du doute remontant enfin vainqueur aux plus hauts sommets de la lumière et de l'amour divin.

Et quand vous chercherez la raison d'une si étonnante conversion, quand vous la lui demanderez à lui-même, vous n'en trouverez qu'une : les prières, les gémissements, les larmes toutes-puissantes de sa mère! Car, après qu'elle eut formé le cœur de son fils comme jamais mère ne forma le cœur d'au

eun enfant; après qu'avertie de l'éveil des passions dans l'âme d'Augustin, elle eut, pour le mieux protéger, adouci sa belle-mère, converti son mari, et purifié, trop tard, hélas ! le milieu détestable dans lequel il lui avait fallu l'élever; après qu'enfin elle l'eut suivi à Carthage, à Rome, à Milan, faisant partout retentir à ses oreilles les paroles les plus douces et les plus pénétrantes, et y mêlant les actes de la plus virile énergie; voyant que tout était inutile, que son fils n'écoutait plus rien, qu'il s'en allait d'abîmes en abîmes, elle se tourna résolûment vers Dieu; et un jour que le péril était plus pressant, comme autrefois la malheureuse Agar, elle tira de son cœur un tel cri, un sanglot si profond et si ému, que Dieu n'y sut pas résister, comme il n'y résistera jamais, et qu'il lui rendit son enfant. Elle en mourut de bonheur, laissant à toutes les mères qui pleurent comme elle le secret de se consoler comme elle. Voilà l'histoire de sainte Monique telle que je la conçois et que je voudrais l'écrire, si Dieu, qui m'a fait la grâce de m'en envoyer la pensée, daignait bénir et diriger ma plume.

On me demandera peut-être où j'ai trouvé des matériaux pour écrire une pareille histoire. Mais volontiers je le demanderais à mon tour: croit-on que Dieu crée de pareilles merveilles pour les laisser dans l'ombre, et qu'il allume de tels astres pour les mettre sous le boisseau? Il a pourvu lui-même à l'histoire de sainte Monique; il lui a préparé un historien digne d'elle et quel autre pouvait-ce être que le fils de tant de larmes »? Augustin aimait

« ÖncekiDevam »