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passionnément sa mère. Il en parlait sans cesse. Il a embaumé de son souvenir presque tous les écrits qui sont sortis de sa plume. Plus de vingt ans après la mort de sa mère, vieilli par les travaux encore plus que par les années, blanchi dans la pénitence, arrivé à ce moment où il semble que l'amour de Dieu ayant rompu toutes les digues et inondé le cœur, devrait y avoir détruit tous les autres amours, le nom et le souvenir de sa mère ne pouvaient lui apparaître, même quand il était en chaire, sans qu'une larme montât de son cœur à ses yeux. Il s'abandonnait alors aux charmes de ce souvenir, se laissant aller à en entretenir son peuple d'Hippone, et semait là, dans des sermons où on ne s'attendait guère à les rencontrer, des mots d'une touchante beauté, dans lesquels respirent à la fois et la piété reconnaissante du fils et la double élévation du génie et du saint. Nulle part cependant, je n'ai pas besoin de le dire, il n'a parlé de sa mère avec plus de détails, plus d'allégresse de cœur, une émotion plus profondément sentie, que dans le livre de ses Confessions. Et néanmoins, on sent à la lecture de cet ouvrage qu'Augustin ne dit pas tout. Une sorte de pudeur retient sa plume, et il est manifeste en plusieurs endroits qu'il éteint lui-même à dessein l'auréole de sa mère, de peur qu'il n'en rejaillisse un rayon sur son front. Mais ce qu'il ne dit pas, le cœur le soupçonne; la tradition quelquefois l'indique, et souvent l'Église le chante. Elle qui est mère aussi, et qui ne sait pas parler froidement de ses enfants, elle a célébré sainte Monique avec cette éloquence

qui n'appartient qu'à l'Épouse de Jésus-Christ. Les saints qui traversent ce monde, les docteurs, les pontifes, les vierges, les grand écrivains et les grands orateurs l'ont acclamée à leur tour, le long des siècles, avec des paroles dignes d'être connues. J'ai recueilli toutes ces perles, et j'en ai composé l'écrin que j'offre aujourd'hui aux mères chrétiennes.

Du reste, j'ai hâte de le proclamer, l'idée de cet ouvrage ne m'appartient pas. Je la dois à un homme à qui je dois beaucoup, à un grand et saint évêque, qui, depuis quelques années surtout, verse singulièrement de lumière et de paix sur ma vie, et qui, entre autres dons que je garde dans le secret de mon cœur, m'a appris à vouer mon âme au culte de la vraie grandeur, qui n'est autre que la vraie sainteté. Ce saint évêque, aussi aimable qu'il était grand, ceux qui ont lu l'Histoire de sainte Chantal n'ont pas besoin que je leur nomme c'est saint François de Sales. J'ai été frappé, en étudiant ses œuvres, de la dévotion qu'il avait pour sainte Monique, et de l'espèce de tendre enthousiasme qu'elle lui avait inspiré. On en trouvera la preuve dans le cours de cette histoire. Disons seulement qu'il en parle à toutes les pages de ses livres; qu'il la donne sans cesse pour modèle aux dames du monde, aux femmes mariées, aux mères, particulièrement à celles qui ont des Augustins. Disons surtout que, quand il voulut former Mme de Chantal à toute la perfection que Dieu demandait d'elle, il ne lui chercha point d'autre patronne. C'est sur sainte Monique qu'il voulait qu'elle eût constamment les yeux fixés, pendant ces

premières années de veuvage où il lui apprenait à devenir une sainte en restant une femme du monde; c'est sur elle encore qu'il arrêta son regard, quand il voulut la détourner de penser à la vie religieuse à une époque où ses enfants, trop jeunes, ne pouvaient pas se passer de leur mère. Ai-je besoin de dire que, plus tard, pendant la brillante et périlleuse jeunesse de Celse-Bénigne, quand elle le voyait engagé dans ces amitiés et ces duels qui la faisaient frissonner d'épouvante en pensant au péril que courait l'âme de son fils, saint François de Sales lui rappela plus souvent, plus tendrement encore, le souvenir de sainte Monique? A côté de l'image de la mère de douleurs, qu'il lui avait envoyée, et qui était pendue dans sa cellule aux pieds de son crucifix, il voulut qu'elle suspendît aussi, pour la contempler souvent, l'image de cette mère affligée, sur le cœur de laquelle reposait le fils qu'elle avait sauvé par ses larmes. Et enfin, ce qui est plus ignoré encore, quand il eut quitté la terre, et qu'il y eut laissé la vénérable mère de Chantal avec ses douleurs et ses inquiétudes, inquiétudes de fondatrice, douleurs de mère; un jour qu'elle était plus accablée que jamais par celles-ci (car le bruit courait que Celse-Bénigne pourrait bien avoir la tête tranchée, comme le duc de Boutteville, à cause de sa malheureuse et incorrigible habitude de se battre en duel); un jour, dis-je, qu'elle succombait à sa peine, saint François de Sales sortit, pour ainsi dire, du tombeau pour l'engager à relire l'histoire de sainte Monique. Du moins, agenouillée tout en larmes au pied de l'autel,

elle entendit une voix qu'elle reconnut être celle de son bienheureux Père, et qu'il lui disait : « Lisez le VIIIe livre des Confessions de saint Augustin. » Et en relisant ces pages admirables où l'on voit saint Augustin sauvé par les larmes de sa mère, elle eut le pressentiment qu'elle sauverait aussi CelseBénigne à force de prier, de pleurer et de s'immoler pour lui. Ce qui arriva en effet. Mais, je le répète, on verra toutes ces choses, avec leur développement naturel, dans la suite de cette histoire.

En voilà du moins assez pour expliquer comment m'est venue l'idée de ce livre, et pour payer un hommage de reconnaissance au doux et saint évêque qui me l'a inspiré. Si en leur citant l'exemple de sainte Monique, saint François de Sales a soutenu, consolé, fortifié une foule de mères éplorées, pourquoi aujourd'hui ce même exemple ne produirait-il pas les mêmes fruits? Le monde se faisait triste alors; la Réforme déchirait le sein de l'Église; les scandales se multipliaient; des apostasies publiques et privées épouvantaient les âmes; toutes les mères tremblaient; et, pour les rassurer et les consoler, pour leur apprendre qu'il n'y a point de périls sur la tête d'un enfant qu'une mère ne puisse conjurer, saint François de Sales leur disait : « Lisez l'histoire de sainte Monique; vous y verrez le soin qu'elle eut de son Augustin, et plusieurs choses qui vous consoleront. >>

Aujourd'hui, le monde n'est guère plus heureux qu'à la fin du xvie siècle; les périls ne sont pas moins pressants. Avec les principes, les mœurs ont dis

paru. L'air que respirent les jeunes gens est imprégné de sophismes. Le foyer domestique est troublé; le berceau des petits enfants n'est plus sûr. Jamais peut-être les épouses et les mères, quand elles sont dignes de cette mission, n'ont été appelées à de si grands devoirs. Qu'elles me permettent donc de leur dire, non pas avec l'autorité de saint François de Sales, non pas surtout avec le charme de sa parole, du moins avec un cœur qui comprend leurs douleurs et qui sait y compatir: « Lisez l'histoire de sainte Monique; apprenez de cette épouse et de cette mère à prier, à pleurer comme elle, à espérer toujours, à ne vous décourager jamais; et n'oubliez pas que si les jeunes hommes courent aujourd'hui de si grands périls, c'est qu'il n'y a pas assez de larmes dans les yeux de leurs épouses et de leurs mères ! >>

Orléans, veille de la Toussaint 1865

ÉM. BOUGAUD,

Vicaire général d'Orléans.

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