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HISTOIRE

DE

SAINTE MONIQUE

CHAPITRE PREMIER

LA NAISSANCE ET LA FAMILLE DE SAINTE MONIQUE.
LES PREMIÈRES ANNÉES DE SA JEUNESSE. SON MARIAGE.

332-353

La route qui va des ruines de Carthage à celles d'Hippone, en passant par l'ancienne Sicca Veneria, traverse un des plus beaux pays de la terre. Les anciens en vantaient la fertilité. Et de fait, bien que pendant douze siècles le désert ait roulé sur cette contrée ses flots stériles, il a suffi récemment de quelques coups de pioches pour y voir renaître des forêts d'oliviers, de citronniers et d'orangers, des bosquets de roses et de vignes, avec de riches moissons. Il n'en a pas fallu davantage pour faire sortir, des sables qui les couvraient à peine, une foule de monuments du plus bel art romain, des fragments de statues, des fûts de colonnes, des sarcophages cou

verts d'inscriptions, des débris de théâtres, de thermes, de temples, de voies romaines, tous les vestiges enfin d'une brillante civilisation. Lorsque, après avoir voyagé quelques heures au milieu de cette renaissance de la nature et de ces beaux débris de l'art, on se reporte par la pensée à l'époque où la nature et l'art unissaient leurs merveilles, et qu'on place au sein de ces grands horizons cette fière race qui, par Hamilcar, Annibal et Jugurtha, balança un instant la fortune romaine, et qui plus tard, touchée de Jésus-Christ et après avoir refusé tous les jougs acceptant le sien, donna à l'Église Tertullien, saint Cyprien, Lactance, Arnobe, saint Augustin, et parmi les Vierges et les Martyrs, sainte Perpétue, sainte Félicité et tant d'autres, on sent qu'on foule un de ces sols féconds où, comme chantait Virgile, les moissons poussent moins vite encore et moins belles que les hommes.

Vers le milieu de cette route, à peu de distance du fameux champ de bataille de Zama, au versant de deux collines que dore le soleil levant et qu'ombragent de touffus oliviers, il est un simple village que les Arabes nomment aujourd'hui Souk-Arras. Ses blanches maisons, encore peu nombreuses, s'ćlèvent sur l'emplacement d'une ancienne ville romaine appelée Thagaste, mais elles n'en occupent qu'une partie. Dans l'autre, qui était assez considérable, sur un large plateau formé de plusieurs mamelons, on aperçoit de grandes ruines qui dorment au soleil, à moitié enterrées par le sable. Des touffes d'acanthe, des caroubiers, de belles angéli

ques croissent à travers ces débris, et leur font un peu d'ombre. Au pied du plateau s'étendent de vastes prairies; elles sont traversées par plusieurs cours d'eau qui les rafraîchissent et qui vont se perdre dans la Medjerda, l'ancienne Bagradas des Romains; plus loin, on voit des terres incultes et ensablées que l'homme n'a point encore reconquises sur le désert; une vaste forêt de chênes-liéges termine l'horizon par un rideau de verdure. Au delà est la mer avec son calme et ses orages; mais on ne la voit pas.

C'est là, sur ces collines ignorées, car, malgré la beauté de son site, aucun auteur ancien n'a parlé de Thagaste, si ce n'est Pline en un mot précieux où il fait allusion à la fierté de la race qui l'habitait; c'est là, dis-je, en face de ces horizons pleins d'air et de lumière, que Dieu mit le berceau de la Sainte dont j'entreprends de raconter la vie'. Il semble qu'en choisissant un tel lieu, Dieu pensait déjà à saint Augustin; c'est pour lui qu'il avait fait ce haut plateau qui s'élève comme une sorte de nid d'aigle au sein d'une plaine immense; mais il y plaça le berceau de sainte Monique, afin de nous apprendre que, dans une mère, tout est coordonné à ses enfants, même le berceau où elle prend la vie qu'elle leur donnera. C'était en 332. Il y avait dix-huit ans que le pape saint Silvestre tenait le gouvernail de la barque de saint Pierre, et vingt ans que l'empereur

1 Que Souk-Arras occupe véritablement l ancien emplacement de Thagaste, c'est ce qui ne saurait être mis en doute, et dont nous donnerons toutes les preuves aux pièces justificatives, no 1.

Constantin, vainqueur de Maxence, avait fait asseoir sur le trône la religion chrétienne.

L'Église sortait des catacombes; et de même qu'après un long hiver, sous les premiers rayons du soleil de mai, on entend dans la nature comme un frémissement universel de vie qui annonce que tout va éclore, ainsi, fécondée par trois siècles d'humiliations et de douleurs, l'Église se préparait à de sublimes enfantements. La même année que sainte Monique voyait le jour à Thagaste, saint Jérôme naissait à Stridon en Dalmatie. Saint Grégoire de Nazianze venait également de naître; il avait déjà quatre ans. Saint Basile en avait trois, saint Grégoire de Nysse deux. Saint Hilaire de Poitiers et saint Martin de Tours étaient un peu plus âgés : celui-ci entrait dans sa seizième année, et se préparait au baptême; l'autre touchait presque au sacerdoce. Ni saint Ambroise, ni saint Jean Chrysostome, ni saint Paulin de Nole n'étaient encore nés; mais déjà les pieuses jeunes filles que Dieu appelait à l'honneur d'être leurs mères, se recueillaient et se préparaient à leur grande mission qu'elles ne soupçonnaient pas. Seul, dans ce groupe brillant, saint Athanase était parvenu à âge d'homme. Il venait de monter, à peine âgé de vingt-sept ans, sur le siége épiscopal d'Alexandrie, et il allait y demeurer près d'un demisiècle, debout, invincible, portant le poids de toutes les luttes, comme pour donner à tous ces grands hommes que Dieu envoyait à son Église le temps

d'arriver à la maturité.

C'est à ce moment, entre les Martyrs qui ache

vaient de mourir dans des persécutions locales que Constantin lui-même ne pouvait empêcher, et les Docteurs qui se pressaient de naître, qu'apparut au sein d'une famille chrétienne, dans un foyer de paix, d'honneur et d'antiques vertus, une enfant, privilégiée entre toutes, puisque Dieu l'avait choisie pour être la mère du plus grand docteur de cet âge, saint Augustin. Elle reçut en naissant le nom de Monique, qu'aucune sainte n'avait porté jusque-là, et dont elle allait faire un symbole si touchant de consolation et d'espérance. Son père, dont on ignore le nom, et sa mère, qui paraît s'être appelée Faconda ', étaient chrétiens, et même pieux. Il est plus difficile de rendre compte du rang qu'ils occupaient. Ils appartenaient, ce semble, à une de ces nobles familles, comme on en voit dans les siècles troublés par les révolutions, qui ont une certaine splendeur qu'elles tiennent du passé, mais plus de fortune; des domestiques encore nombreux, avec une véritable gêne secrète; de belles alliances, des parentés considérables, mais, par nécessité autant que par principes, une vie qui se retire et se cache de plus en plus. Vingt ans auparavant, quand la ville de Thagaste s'était presque tout entière laissé entraîner aux nouveautés du schisme de Donat, cette famille était restée ca

1 C'est une tradition générale dans tous les Ordres qui suivent la règle de Saint-Augustin. Elle est nommée Faconda, ou Facundia, dans toutes les Liturgies Augustiniennes.

2 Erudivit eam (Monicam) in timore tuo virga Christi tui, regimen unici Filii tui, in domo fideli, bono membro Ecclesiæ tuæ. (Confess., lib IX, cap. vi.)

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