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leurs enfants. Patrice était païen, indifférent, sans principes; mais Monique le convertirait. Il était violent, colère; mais il avait bon cœur. Ses mœurs étaient légères; mais il n'était plus jeune, la fougue était passée; et d'ailleurs il était de bonne race, de vieille famille, loyal, honnête, plein d'honneur ; que fallait-il de plus ? Voilà comment on décide un mariage, ou plutôt comment on voue une jeune fille à des larmes d'autant plus douloureuses qu'il lui faudra les verser en secret.

Quant à Monique, il est probable qu'elle ignora beaucoup de ces tristes choses. Elle crut à sa mère; elle se confia au jugement de son père. Et, comme la plupart des jeunes filles pieuses, quand elle déposa sa main dans celle de Patrice, ce fut surtout un acte d'obéissance qu'elle accomplit au pied des saints autels.

Il y a cependant des auteurs qui disent que sainte Monique éprouva pour ce mariage une vive répugnance; qu'elle présenta à ses parents d'humbles et respectueuses observations; et qu'obligée de céder, car Dieu avait réglé qu'elle achèterait par d'amères épreuves l'honneur d'être la mère de saint Augustin, elle se consola par la pensée du bien qu'elle pourrait faire à une pauvre âme, et qu'elle se sacrifia héroïquement en se mariant. Au moins est-il certain qu'après avoir beaucoup prié et reçu en

1 Monicam nobili viro, de numero curialium sed gentili, licet plurimum renitentem parentibus, tamen non obsistentem, in conjugem tradiderunt. (Breviarium Canonicorum Regularium Ordinis S. August., ad primum Nocturnum tertia lectio.)

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HISTOIRE DE SAINTE MONIQUE

échange, car nulle prière n'est perdue, des trésors de foi et de générosité, ignorante ou résignée, elle parut à l'autel avec un éclat de vertu qui attendrit tout le monde.

« Oh! qui dira, s'écrie ici un vieil auteur, ce que fut cette sainte jeune fille au pied de l'autel où elle prononça les serments sacrés qui allaient lier sa vie ! Quelle sainte pudeur! Quelle beauté d'âme apparaissait sur son visage! Quelle modestie incomparable! » Mais ces choses ne se peuvent dire; il faudrait les avoir vues.

1 Boll. 4 maii.

CHAPITRE DEUXIÈME

L'INTÉRIEUR D'UNE FAMILLE NON CHRÉTIENNE. DOUCEUR ET PATIENCE DE SAINTE MONIQUE. DIEU LA CONSOLE EN LUI ENVOYANT LE BONHEUR D'ÊTRE TROIS FOIS MÈRE. COMMENCEMENT DE L'ÉDUCATION D'AUGUSTIN.

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Rien n'est triste comme les premiers temps qui suivent une union mal assortie. Chaque jour un rêve s'évanouit. Les illusions s'en vont une à une, comme les feuilles mortes dans un jour d'automne. On découvre les aspérités et les oppositions de caractère, les différences d'humeur, les dures réalités. Si la foi et l'amour de Dieu ne soutenaient, on succomberait au découragement.

Sainte Monique n'avait habité jusqu'ici que la paix d'un foyer chrétien. Elle ne soupçonnait pas ce que sont ces intérieurs de famille où Dieu ne préside pas, et où les passions, non enchaînées, font de la vie un orage. Sa belle-mère vivait encore, et, comme si tout eût dû se réunir pour rendre sa posi

tion plus pénible, les circonstances allaient obliger Monique à habiter avec elle. Païenne comme Patrice, elle lui ressemblait aussi pour l'humeur et le caractère c'était une femme impérieuse, violente et acariâtre, avec la jalousie de plus, une jalousie de belle-mère. Les servantes étaient dignes de l'un et de l'autre. Ne pouvant s'abandonner à la violence vis-à-vis de leur jeune maîtresse, elles se livraient à la calomnie. Pour plaire à la belle-mère, nous les verrons bientôt calomnier lâchement la belle-fille.

Même en s'appuyant avec tendresse et sécurité sur le cœur d'un époux, ce serait là, pour une jeune femme de vingt-deux ans, une position cruelle. Combien plus lorsque chaque jour révélait à Monique les abîmes qui la séparaient de Patrice! Celui-ci ne comprenait rien à la vie de sa sainte compagne. Ses prières le fatiguaient; ses aumônes lui paraissaient excessives. Il trouvait bizarre qu'elle voulût visiter les pauvres, les malades, qu'elle aimât les esclaves. A chaque pas, notre Sainte rencontrait sur sa route ces mille entraves qu'a décrites Tertullien, et qu'une femme chrétienne rencontrera toujours dans la compagnie d'un homme qui ne partage pas sa foi. « Comment, disait autrefois ce grand observateur, une femme chrétienne pourra-t-elle servir Dieu, ayant à ses côtés un homme qui ne l'adore pas ? S'il faut aller à l'église, il lui donnera rendez-vous aux bains plus tôt que de coutume; s'il faut jeûner, il commandera un festin pour le même jour; s'il faut sortir, jamais les serviteurs n'auront été plus occupés. Ce mari permettra-t-il

que sa femme visite de rue en rue les frères dans les réduits pauvres? Souffrira-t-il qu'elle se lève pour assister la nuit à la solennité de Pâques? La laissera-t-il se rendre à la table sainte, si décriée parmi les païens? Trouvera-t-il bon qu'elle se glisse dans les prisons pour baiser les chaînes des martyrs, pour laver les pieds des saints? S'il faut donner quelque chose aux étrangers et aux voyageurs, le grenier, la cave, tout sera fermé1. »

C'était là pour sainte Monique sa vie ou plutôt sa souffrance de chaque jour. Elle s'y serait résignée, si du moins la pureté de son cœur n'eût rencontré aucun péril. «Mais, hélas! continue Tertullien, est-ce que la femme chrétienne ne sera pas sollicitée par son mari païen à des complaisances de païenne? Est-ce qu'elle ne devra pas avoir pour lui une beauté, des parures, un entretien du corps, et cette sorte d'affection que Dieu ne bénit pas ? »

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Monique l'éprouva presque dès les premiers jours, et, si jeune encore, si innocente surtout, elle entrevit avec étonnement tout ce qu'il y a de faiblesses dans un cœur d'homme que la grâce de JésusChrist n'a pas touché. Mais cette vue ne fit pas défaillir son courage. Au lieu de s'abattre comme font

1 Ut statio facienda est, maritus de die condicat ad balneas. Si jejunia observanda sunt, maritus eadem die convivium exerceat. Si procedendum erit, nunquam magis familiæ occupatio adveniat. Quis denique in solemnibus Paschæ abnoctantem securus sustinebit? Quis in carcerem ad oscultanda vincula martyris reptare patietur? aquam sanctorum pedibus offerre? etc. (Tertull., Ad uxorem, lib. II, cap. iv.)

2 Tertull., Ad uxorem, lib. II, cap. iv.

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