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Il nous est impossible de raconter ici ce que, à raison de leur résistance, ces deux grands prélats eurent à souffrir de la violence des princes, hélas! et de la faiblesse de ceux qui auraient dû les soutenir. Il nous suffira de rappeler qu'ils furent réduits l'un et l'autre à la dure nécessité de quitter leur résidence, de s'éloigner même du royaume et de passer de longues années dans l'exil. Malgré la douleur cruelle qu'ils ressentaient, malgré les inconvénients immenses qui résultaient de cet abandon de leur troupeau, ils s'y résignèrent, ils y persévérèrent plutôt que de consentir aux concessions qui leur étaient impérieusement demandées.

Aussi, qu'arriva-t-il? que toute la puissance des rois et toutes les intrigues des grands furent vaincues à la fin par la sainte inflexibilité des pontifes. Saint Anselme remonta sur son siége, en possession et en jouissance de tous les droits de son Église (1101). Il y mourut paisiblement (1109) après avoir fait, par sa parole, triompher la justice et la vérité en présence d'un monarque dont le cœur cependant n'était malheureusement pas changé'. Saint Thomas mourut martyr de son devoir (1170); mais le

1 Après la mort de saint Anselme, Henri I" s'attribua tous les revenus de l'archevêché de Cantorbéry, et laissa ce siége vacant pendant plus de cinq années.

roi Henri II, dont la parole imprudente avait provoqué sa mort, l'expia par les larmes d'une douleur profonde, par les œuvres d'une pénitence publique et par un acte bien plus important encore, par l'abolition solennelle des coutumes anglicanes, contre lesquelles avaient combattu nos illustres apôtres (1171).

Ces deux admirables exemples restèrent longtemps dans le souvenir des rois comme une imposante leçon, et dans la foi des peuples comme un motif de confiance et une règle de conduite. Aussi, lorsque cent ans plus tard, les excès de Jean-sans-Terre, forcèrent le SaintSiége à lancer sur l'Angleterre un interdit terrible, et lorsque, encore un siècle après (1296), le Pape Boniface VIII publia sa bulle Clericis laicos, contre les exactions écrasantes d'Édouard Ier 1, toujours la parole de l'Église maintint les peuples dans la fidélité à Dieu et y fit revenir les rois. Édouard fit publiquement à Westminster, l'aveu de ses torts, et les répara autant qu'il lui fut possible. Précédemment, Jean-sans-Terre avait fait bien da

1 Cette bulle fameuse, qui a été l'occasion de tant de différends, et l'objet de tant de controverses, s'adressait encore à d'autres souverains, entre autres, à Philippe-le-Bel. En admettant que les prétentions exprimées dans cette bulle en faveur de l'Église fussent excessives, notre preuve n'en aurait que plus de force.

vantage: après avoir mille fois bravé le Pape et vomi toutes les imprécations contre lui, il s'était déclaré son vassal. Il ne s'agit pas ici d'apprécier ces faits, qui évidemment ne sont plus dans nos mœurs; il suffit de les inscrire comme des témoignages en faveur de ce que nous avons dit en premier lieu, que, malgré la fureur des princes, le schisme fut impossible en Angleterre., tant que les chefs de l'Église défendirent hautement ses droits.

2° Mais, il faut l'avouer, à ces dernières époques, Rome déjà combattait presque seule. Depuis saint Hugues de Lincoln (1189), qui marcha sur les traces de saint Thomas et de saint Anselme, on n'entend presque plus aucune voix d'Évêque protester contre les usurpations et les oppressions que les princes cependant continuaient à se permettre. Pendant que l'Angleterre gémit sous le poids d'un interdit effroyable (1208), on ne rencontre pas un seul pontife qui cherche au moins à s'employer auprès du roi pour en faire lever la cause : il faut que la Providence y supplée par des circonstances tout humaines1. Bientôt (1230) on voit ces premiers pasteurs des âmes se séculariser de jour en jour, s'occuper des affaires de

1 La crainte de Philippe Auguste, avec qui Jean était en guerre.

l'État beaucoup plus que des intérêts de l'Église, et délaisser leurs troupeaux pour prendre séance à l'Échiquier.

Aussi, quand Rome est obligée de réclamer, à leur défaut, contre de monstrueux abus de pouvoir (1296), ces prélats, qui, pour la plupart, comprenaient cependant encore les obligations de leur ministère, se trouvent tellement engagés dans leurs liens politiques, qu'ils ont à peine assez de force pour avouer et publier la bulle pontificale, loin d'oser eux-mêmes prendre au⚫ cune initiative. Il en résulte que, sous les successeurs d'Édouard Ier (1337 et suiv.), la voix de Rome, toujours isolée, commence à devenir tristement impuissante. Alors ce n'est plus seulement le Roi, ce sont les seigneurs qui dépouillent impunément les ecclésiastiques de leurs biens et de leurs droits.

Il est bien vrai que, quarante ans plus tard (1377), les bulles de Grégoire XI, et, au xv° siècle, celles de Jean XXIII contre Wiclef furent accueillies et soutenues par tout l'Episcopat d'Angleterre, mais sans vouloir rien ôter à la valeur morale de cette résistance que les Evêques anglais opposèrent alors aux doctrines affreuses du novateur,sur tout dans le concile de Londres (1382), il faut pourtant observer que ces actes, quelque respectables qu'ils soient, ne prouvent rien contre ce

que nous avons à démontrer, puisqu'ils étaient conformes aux volontés et aux intérêts du roi. Wiclef n'était pas seulement un hérésiarque, mais un perturbateur; il soulevait les peuples non-seulement contre les Evêques, mais contre les seigneurs laïques (1381); ses sectateurs avaient égorgé un archevêque de Cantorbéry, et un grand prieur des chevaliers de Rhodes mais de plus ils menaçaient la société tout entière. Aussi le roi 2 publiait-il des statuts (1401) parfaitement conformes aux actes du concile. Les Evêques d'Angleterre ont donc pu se trouver unanimes dans cette grave circonstance, sans avoir été animés pour cela d'un zèle bien ardent pour l'intégrité de la doctrine et l'indépendance de l'Eglise.

Ce qui le prouve, hélas! c'est que leur action publique contre les doctrines de Wiclef s'arrêta au moment (1414) où les Wiclefistes ou Lollards cessèrent d'être une faction inquiétante pour la tranquillité du royaume. Cependant on sait que ces sectaires ne cessèrent pas pour cela de troubler ni de désoler l'Eglise ; et toutefois, à partir de cette époque, l'Episcopat d'Angleterre garde un silence si profond, que l'on cherche en

1 Ce meurtre de l'Archevêque Simon et du Grand-Prieur Robert fut vengé par le roi Richard II.

1 Henri IV.

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