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dant à l'Irlande catholique ses droits politiques, ait effacé ses souffrances et cicatrisé ses plaies. Si elle est affranchie, elle supporte encore tous les maux qui sont le legs de l'esclavage. Le parlement anglais, en lui rendant la vie politique, n'a point effacé les souvenirs et les traces des guerres civiles, la violence des haines religieuses, l'état d'infériorité où les catholiques sont placés vis-àvis des protestants, les mépris dont ceux-ci les accablent; il n'a point détruit le despotisme de l'aristocratie irlandaise, le monopole des richesses qu'elle conserve entre les mains, les intérêts des propriétaires opposés à ceux des prolétaires; il n'a point enfin tari les sources de la misère affreuse qui dévore chaque année la population pauvre de ce pays.

M. de Beaumont en a retracé le tableau : « La misère nue, affamée, cette misère vagabonde et fainéante, cette misère qui mendie, couvre le pays entier; elle se montre partout, sous toutes les formes, à tous les instants du jour; c'est elle que vous voyez la première en abordant aux rivages de l'Irlande, et dès ce moment elle ne cesse plus d'être présente à vos regards, tantôt sous les traits de l'infirme qui étale ses plaies, tantôt sous l'aspect du pauvre costumé de ses haillons... Il faut pour comprendre la misère irlandaise renoncer à toutes les notions qui, dans les autres pays, servent à distinguer l'aisance et la pauvreté. On a coutume de n'appeler pauvre que celui qui manque d'ouvrage et mendie; dans ce pays, les plus pauvres sont ceux qui ne mendient pas. Il n'est pas un habitant des champs, s'abstenant de mendicité, qui n'eût besoin de s'y livrer. La misère descend à des degrés ailleurs inconnus. La condition qui, dans ce pays, est supérieure à la pauvreté, serait chez d'autres peuples une affreuse détresse. Et ces

misères de la population irlandaise ne sont point de rares accidents; presque toutes sont permanentes; celles qui ne durent pas toujours sont périodiques. Tous les ans, à peu près à la même époque, on annonce en Irlande le commencement de la famine, ses progrès, ses ravages, son déclin. »

En face d'une telle situation, d'une si déplorable misère, on est naturellement porté à remonter à ses causes, à les examiner, à constater s'il est possible d'en modifier l'action, d'en adoucir l'influence. Telle est la tâche s'est imposée M. de Beaumont; tel est le but principal de son ouvrage.

que

La première cause de la situation actuelle de l'Irlande est, suivant cet auteur, l'aristocratie. L'aristocratie possède toute la terre, et le peuple ne vit que des travaux de la terre; au lieu de répandre sa richesse autour d'elle et de la faire refluer vers sa source, elle réside en Angleterre et y jette les immenses revenus qu'elle tire de l'Irlande. Anglaise par ses sentiments et par ses intérêts, elle conserve tous les préjugés, toutes les haines de la conquête; les malheureux qui couvrent ses propriétés sont toujours à ses yeux des Irlandais et des catholiques : à ces deux titres, elle n'a pour eux que du mépris.

La non-résidence des propriétaires en Irlande produit un autre effet : les domaines de chacun d'eux sont pris en masse à bail par des spéculateurs qui les sous-louent ensuite en détail, aux conditions les plus onéreuses, à des malheureux qui se mettent fermiers pour vivre, et qui, incapables ensuite de remplir les conditions de leurs baux, sont bientôt expulsés et restent plongés dans la misère, Or, dans un pays où la culture est la seule industrie, l'unique ressource, le nombre des concurrents pour chaque

ferme en fait hausser le prix. Il faut que l'Irlandais possède un champ ou meure de faim. S'il est chassé faute payement de son fermage, il n'a d'autre parti que de devenir voleur ou mendiant.

Et comment l'Irlandais secouerait-il les liens de cette misérable existence? comment essayerait-il de donner essor à son intelligence dans le commerce ou l'industrie? A chaque pas sa défiance s'allume: pour lui il n'y a pas de justice, pas de tribunaux. Ce sont les propriétaires, ce sont les protestants qui sont juges de paix, qui sont grands-jurés. Il ne comparaît devant eux que comme ennemi; plaideur, il doit craindre pour ses intérêts; accusé, pour son honneur ou pour sa vie. Il se retire dès lors des affaires; il s'habitue à rompre ses relations avec les hommes, à ne compter que sur sa force; il dédaigne le lien social, il le regarde comme brisé à son égard.

L'administration qui, en Irlande comme en Angleterre, est intimement liée à la justice, qui est même déposée dans les mêmes mains, partage ses vices: les mêmes préjugés suivent le grand propriétaire lorsqu'il siége comme juge de paix ou comme juré, et lorsqu'il taxe et distribue les impôts. Ainsi le pauvre en est écrasé et le riche en est presque affranchi. Ainsi les impôts sont appliqués dans l'intérêt exclusif des classes élevées. Ainsi toutes les faveurs de l'administration sont réservées aux protestants.

La situation de l'Irlande trouve encore une explication dans l'immense abus de cette église anglicane qui pèse sur elle de tout son poids et qui l'écrase. Cette église, dotée de richesses considérables, fut instituée avec le but de convertir l'Irlande au protestantisme; de là ces évêques, ces dignitaires, ces bénéficiers, ces ministres du culte qui couvrent un sol catholique, et ne

font que soulever l'indignation générale par le spectacle de leur luxe. Or ce luxe, ces richesses d'une église qui n'est point celle du peuple, sont puisés dans les impôts; c'est la dîme des catholiques qui défraye ce clergé, dont la présence est plutôt nuisible qu'utile, et dont la plupart des membres se contentent de toucher leurs prébendes sans résider.

Les mêmes vices s'offrent encore dans l'instruction publique. Comment la population catholique jouiraitelle de ses bienfaits? L'université de Dublin, confiée à des mains protestantes, n'excite que des sentiments de répugnance et de haine. Les catholiques redoutent pour leurs enfants une éducation dont le protestantisme est le fond. Ils considèrent cet établissement comme un foyer de prosélytisme anglican. Ainsi, par le seul fait de son union avec l'église, l'université de Dublin est frappée d'impuissance comme corps enseignant, et l'Irlande catholique est privée de la seule source où elle aurait pu puiser sa régénération morale.

Telles sont quelques-unes des causes qui expliquent l'état précaire et déplorable de cette contrée. Comment six siècles d'esclavage, de misère et d'oppression morale n'auraient-ils pas dégradé les mœurs, avili les individus? La population catholique a subi le despotisme, elle en recueille les fruits. Elle a subi l'esclavage, elle a pris les mœurs de l'esclave. Elle n'a trouvé que de la haine et du mépris dans toutes les institutions qui l'ont régie, dans les classes riches qui auraient dû la protéger; elle s'est éloignée des villes pour fuir les protestants; elle s'est réfugiée dans les champs et dispersée sur un sol qui ne lui appartient pas; livrée à des spéculateurs qui exploitent jusqu'à ses besoins, elle est tombée au dernier degré de la misère.

Nous examinerons dans un second article les remèdes qu'une telle situation appelle, l'avenir qu'elle prépare. Nous apprécierons également dans tous ses développements le livre si rempli d'intérêt de M. Gustave de Beaumont, œuvre de conscience et de talent où la question est étudiée sous toutes ses faces et jugée du point de vue le plus élevé, plaidoyer puissant où l'Irlande retrouvera ses titres et ses droits, histoire touchante d'une contrée qui doit avoir toutes les sympathies de la France, puisque, déjà sa coreligionnaire, elle s'est habituée à vivre de sa vie politique, à appuyer ses réformes sur les siennes.

FAUSTIN HELIE.

XLVI. Discussion sur le jury à Genève.

Par M. A. TAILLANDIER.

Nous avons déjà plusieurs fois entretenu nos lecteurs des tentatives faites à différentes époques dans les cantons de Vaud et de Genève, pour l'introduction du jury. Une nouvelle occasion s'est présentée récemment dans ce dernier canton, où cette grande question a été agitée. En effet, le conseil représentatif y était saisi de projets de lois sur l'administration de la justice criminelle; la commission chargée d'examiner ces projets, avait, dans son rapport rédigé par M. Trembley, doyen de la faculté de droit, exposé, avec une grande clarté, les motifs qui militent pour et contre l'institution du jury; mais en résumé elle s'était prononcée contre l'introduction de cette institution.

La discussion sur ce grave sujet s'est élevée dans les séances du conseil représentatif des 8, 9 et 10 janvier

↑ P. la Revue, T. V, p. 571 et suiv., et plus haut, p. 140.

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