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LX. Fondation d'une colonie agricole à Strasbourg. Rapport du Maire sur les causes du pau

périsme et les moyens les plus convenables d'en prévenir et d'en corriger les effets.

Dans la séance du 23 décembre 1839, M. Schutzenberger, maire de Strasbourg, a proposé au conseil municipal de cette ville :

1° De décider en principe que la commune fondera une colonie agricole en remplacement de la maison de refuge;

2o D'autoriser dès à présent le maire à demander le défrichement de la forêt d'Ostwald, dont le terrain sera affecté à la colonie projetée;

3o De voter que les fonds provenant de la vente des bois de la forêt d'Ostwald seront spécialement affectés jusqu'à due concurrence à l'exécution du projet dont le conseil aura adopté le principe;

4o D'adjoindre à l'administration une commission spéciale, nommée dans son sein, pour arrêter définitivement l'organisation de l'établissement, en se réservant de voter sur les moyens d'exécution que l'Administration soumettra à sa décision, après les avoir préalablement débattus avec la commission.

Cette proposition, développée dans un rapport aussi lumineux qu'étendu, a provoqué, séance tenante, la décision suivante :

Le Conseil vote à l'unanimité les conclusions du rapport de M. le Maire, et l'invite à hâter de tous ses moyens l'accomplissement des formalités préalables qu'il sera nécessaire de remplir pour l'exécution de ce projet, et l'autorise à provoquer dès maintenant l'autorisation de défricher la forêt d'Ostwald où doit être établie la colonie agricole. »

III. 2o SÉRIE,

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Le Conseil a nommé immédiatement une commission spéciale, chargée d'assister M. le Maire dans l'exécution de son projet.

Il est honorable pour la ville de Strasbourg d'être entrée la première dans la voie d'une réforme éclairée et véritablement propice aux intérêts de la classe indigente. Le rapport de M. Schutzenberger ne s'est point borné à un exposé de motifs d'une importance purement locale : M. le Maire de Strasbourg s'est élevé, dans son travail, aux plus hautes considérations d'économie politique et sociale, et nous croyons remplir un devoir en les proposant à la méditation de tous ceux qui s'intéressent au progrès et au bien-être de l'humanité.

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Naguère, dit-il, « les établissements de charité se combinaient avec des institutions sociales qui avaient pour but et pour effet de prévenir le paupérisme. L'organisation sociale du travail et la constitution de la commune lui opposaient une digue qui depuis a été

rompue.

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Lorsqu'il s'agit de guérir un mal ou d'en adoucir les effets, il faut remonter à ses causes, en sonder la profondeur, et comparer la puissance des remèdes au développement qu'il a pris. Nous nous proposons de remplir ce devoir en recherchant les causes générales du paupérisme et du malaise social dont il est la dernière et fatale expression.

Le travail libre, cette noble conquête des temps modernes, avait reçu, dès son origine, une organisation qu'il faut juger, non d'après la valeur relative et historique de sa forme, mais dans la pensée qu'elle devait réaliser. Lorsqu'il existe au sein d'une société des intérêts communs, il est utile de les unir, de leur donner une représentation légale, de les soumettre à une direc

tion sociale; et lorsqu'il s'y rencontre des intérêts opposés, il faut encore les concilier, les classer, les subordonner les uns aux autres. Les anciennes corporations des arts et métiers, les maîtrises et les jurandes devaient réaliser ces idées aussi simples que vraies; elles en furent l'expression primitive, comme la commune avait été la forme native de la liberté civile et politique.

» Les corporations dégénérèrent comme toutes les choses humaines qui ont duré longtemps; elles se changèrent en castes privilégiées; la division du travail devint arbitraire, quelquefois même opposée à la nature des choses. Le travail devint un monopole, et le sort des producteurs fut assuré aux dépens des consommateurs.

» Pour relever l'organisation du travail de l'état de décadence dans lequel elle était tombée, il y avait deux choses à faire : il fallait ou conserver les anciennes institutions et en régénérer l'esprit ; ou les détruire et en trouver de meilleures.

» La réforme était possible, elle était facile..........

» La création de nouvelles institutions présentait de plus graves difficultés; mais lorsqu'on a le courage de détruire les institutions qui existent, il faut avoir la puissance de les remplacer par de meilleures. C'est à ce titre seul que les révolutions sont légitimes. L'on dédaigna la réforme des anciennes institutions, mais l'on fut impuissant pour en créer de nouvelles ; et l'on se borna à proclamer quelques maximes, que la brillante stérilité du dix-huitième siècle avait prônées comme la loi nouvelle. Le nouveau code économique se composa d'un principe unique : liberté absolue du travail, c'està-dire, concurrence illimitée des travailleurs.

» Personne n'avait mesuré la portée de ce principe, ni calculé les conséquences sociales qu'il pouvait avoir

en se combinant avec les passions. Ce qui avait frappé les meilleurs esprits, c'était l'influence qu'il allait exercer sur la production, considérée d'une manière abstraite comme élément de la richesse nationale. Ces prévisions qui étaient justes se sont réalisées; mais il en est résulte des maux sur lesquels on s'était fait une illusion complète. La liberté absolue du travail en opère la division progressive, et donne une action prépondérante aux capitaux ; la décroissance des frais de production et une plus grande perfection des produits amènent la baisse des prix et une plus grande consommation.

>> Ces avantages sont incontestables et témoignent de la valeur économique du principe que l'on avait adopté; l'erreur fut de lui attribuer la vertu d'un principe d'organisation sociale.

>> S'il ne s'agissait que de la production seule, s'il était permis de ne tenir aucun compte de la situation de ceux qui produisent, la question ainsi simplifiée pourrait se résoudre au moyen d'un principe unique; mais comme la production n'est pas le but, qu'elle est seulement un moyen, et qu'elle doit servir à satisfaire, dans une proportion équitable, les divers besoins des producteurs, il est évident que la question est d'une nature beaucoup plus complexe et qu'elle s'élève aux proportions d'un problème social.

» La production, ou, pour parler le langage des économistes, la richesse nationale a augmenté d'année en année; mais la situation des producteurs ne s'est point améliorée dans la même proportion. La production croissante était la conséquence du principe économique que l'on avait adopté; la situation de plus en plus fâcheuse des producteurs fut la conséquence du manque total d'institutions qui en régularisent l'action...

» La concurrence sans frein et sans règle est un appel incessant aux plus mauvaises passions; le désir de ruiner ses concurrents l'emporte souvent même sur l'attrait du gain; pour arriver à ce but, il n'est pas de sacrifice devant lequel on recule. L'activité redouble, le travail est poussé à ses dernières limites, les affaires se multiplient, les bénéfices décroissent. L'on dit que le consommateur jouit des avantages que produit cette lutte; c'est une erreur : car le consommateur est aussi producteur, et perd plus en cette qualité qu'il ne peut gagner dans l'autre.

:

» Pour écraser ses concurrents il faut diminuer plus qu'ils ne peuvent le faire les frais de production; deux conditions différentes en donnent les moyens la diminution du salaire de l'ouvrier, la réduction des bénéfices. Le salaire de l'ouvrier ne peut descendre au-dessous d'une somme équivalente à ses premiers besoins ; la réduction des bénéfices a ses limites naturelles; elles sont fixées par la somme des besoins du producteur, l'étendue des affaires auxquelles il se livre et les procédés que ses capitaux lui permettent d'employer. La division du travail est le moyen le plus puissant de diminuer les frais. de production et de compenser la décroissance des bénéfices par l'étendue de la production; mais pour s'en servir avec succès, il faut disposer de capitaux considérables, acquérir des machines coûteuses, faire des constructions importantes, enfin, donner à son industrie toute l'étendue, tous les développements qu'elle comporte.

» L'industrie de l'artisan est donc perdue du moment que des établissements industriels lui font concurrence. La lutte s'ouvre alors entre ces établissements eux-mêmes, et comme les plus considérables d'entre eux peuvent se

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