Sayfadaki görseller
PDF
ePub

un promoteur du matérialisme; on a associé son nom à celui d'Helvétius; on l'a rattaché à cette secte qui, dans la seconde moitié du dernier siècle, corrompit parmi nous les sciences morales; on l'a présenté comme le logicien qui avait revêtu les principes de cette secte d'une forme scientifique. Ces préventions aveugles, venues de quelques nouvelles écoles de l'Allemagne, ont trouvé en France des organes empressés à les répandre, des esprits dociles, prêts à les partager sans examen. Vainement l'écrivain lumineux qui a le mieux étudié Condillac, qui, en le rectifiant, l'a le mieux fait connaître, M. Laromiguière, a-t-il protesté contre ces fausses interprétations, y a-t-il opposé le témoignage des textes; on a continué à répéter les accusations, sans chercher même à les appuyer d'une seule preuve. Mais l'histoire doit réparer ces injustices passagères, en prévenir le retour, s'affranchir des influences de circonstance, et rendre à chaque philosophe le caractère qui lui appartient. Condillac non-seulement ne fut point matérialiste, mais il combattit constamment et sous toutes les formes, avec autant de courage que de logique, le matérialisme, qui se produisait autour de lui et obtenait une faveur toujours croissante... Condillac a partagé avec Locke un malheur dont il eût dû être, comme Locke, garanti par le texte même de ses ouvrages, si l'on eût pris la peine de les étudier, avant que de prendre celle de les juger (1).

>> Ce qu'il y a de remarquable, c'est que, de ces diverses théories, la seule dont il n'ait pu tirer aucun résultat réel, celle qui est demeurée pleinement stérile entre ses mains, c'est précisément cette théorie de la sensation transformée, qu'il affectionnait par dessus toutes les autres, et qui est

(1) Histoire comparée des Systèmes de Philosophie moderne, tome 3, pages 316-318.

considérée comme imprimant à sa philosophie le caractère qui la constitue essentiellement (1). Lorsqu'il pretend que la faculté de sentir enveloppe toutes les autres, lorsqu'il nous parle d'une génération de facultés, il croit ériger un système, et il ne fait qu'introduire des locutions arbitraires, vicieuses, et se contredire lui-même, s'il vient à toucher aux faits (2).

>> De tous les philosophes Français du XVIIIe siècle, Condillac est celui qui a le plus écrit : il a essentiellement appliqué sa philosophie à l'art de parler et à celui d'écrire. La publication de ses ouvrages a réveillé en France l'émulation presque éteinte, depuis un demi-siècle, pour les travaux philosophiques; et jusqu'à la fin du dernier siècle, son influence. s'est fait sentir sur tous ceux qui sont entrés dans cette carrière... Dans les écrivains qui sont censés appartenir à son école, on aperçoit plutôt le même esprit, que l'on ne reconnaît précisément la même doctrine. Cet esprit, au reste, et il faut le répéter, c'est celui de Descartes et de Locke combinés, dont Condillac est la vivante image (3). »

De toutes ces disputes et de ces malentendus, il faut conclure 1o que l'on ne peut expliquer la formation de l'intelligence humaine par l'hypothèse des idées innées, ni par l'opinion qui place l'origine de toutes nos idées dans les sens ou dans la sensation; 20 qu'en plaçant la sensation dans les parties du corps, on admet une erreur de fait qui conduit rigoureusement au matérialisme; 3° qu'on établit une contradiction dans le langage quand, après avoir admis l'existence d'une âme immatérielle, on dit que toutes nos idées ou quelques-unes seulement viennent des sens ou par les

(1) Histoire comparée des Systèmes de Philosophie moderne, tome 3, page 333. (2) Ibid. page 324. - (3) Ibid. pages 337, 338.

sens; 4° qu'on doit regarder comme fausse, et nullement comme matérialiste, soit dans le fond, soit dans le langage, l'opinion qui place l'origine, soit de toutes les idées, soit des facultés, dans la sensation, présentée comme phénomène purement spirituel et parfaitement distinct de l'impression organique qui en est l'occasion.

[ocr errors]

V. ÉCLECTISME OU SPIRITUALISME RATIONNEL. Le mot éclectisme n'est pas nouveau, et l'histoire nous montre des éclectiques dès les premiers siècles de la philosophie. L'éclectisme est le contre-pied du scepticisme. Le sceptique, choqué du contraste des doctrines, prend le parti de ne rien croire ou de douter de tout; l'éclectique cherche dans chacune de ces diverses doctrines ce qui peut le satisfaire, pour en construire un édifice régulier. Mais comme dans l'appréciation des matériaux qu'il choisit il peut se tromper, et prendre l'erreur pour la vérité, on a donné le nom de syncrétisme à la réunion des parties défectueuses de divers systèmes en un tout. Or, quel auteur avouera qu'il a fait du syncrétisme? On peut donc présenter comme œuvre d'éclectisme des doctrines entièrement opposées. Et pourront-elles appartenir à une même école parce que chacune s'arrogera le titre d'éclectique?

A l'âge auquel est parvenu le monde, il est bien difficile de dire quelque vérité importante qui n'ait été connue avant nous. Les écrivains si nombreux qui ont exploré les diverses questions de philosophie, sont loin d'avoir satisfait, sans doute, en tout ce qu'ils ont écrit. Mais au milieu de détails inexacts, ils ont fait ordinairement quelques observations utiles, dont leurs successeurs ont pu profiter; et ceux qu'on a prétendu appeler sensualistes se sont crus éclectiques autant que leurs adversaires. Sous peine de ne pas être

entendu, tout auteur de philosophie est obligé de répéter bien des choses dites avant lui; et qu'il le sache ou non, il est éclectique ou syncrétiste.

Conserver précieusement les matériaux acquis à la science par les siècles antérieurs, et dont le bon sens est satisfait; leur donner la place qui leur convient dans l'édifice philosophique; ajouter l'ordre et les développements qui manquent à sa régularité; se rapprocher autant qu'il est possible de la langue des grands écrivains, ou même la conserver intacte en tout ce qui peut répandre l'exactitude et la clarté dans l'exposé des faits et des vérités telle est la tâche que s'impose l'auteur d'un cours de philosophie. Il faut donc qu'il soit réellement éclectique, quoiqu'il n'ait garde de prendre ce titre, par prudence autant que par modestie; et dès-lors ce titre ne semble pas propre à désigner une école. Celui de spiritualisme rationnel ne paraît pas mieux choisi, quand on considère la grande variété des doctrines philosophiques qui toutes proclament l'immatérialité de l'âme humaine dans l'histoire ancienne et moderne.

Cependant on a voulu désigner un certain nombre d'écrivains contemporains et des doctrines communes par le nom d'école éclectique, ou spiritualiste rationnelle; et cette école a acquis une grande domination en France depuis plusieurs années. Il importe de l'observer avec une attention spéciale, pour reconnaître si elle professe la véritable philosophie. Cet examen sera l'objet des chapitres suivants.

CHAPITRE IV.

DOCTRINE DE M. COUSIN ACCUSÉE DE PANTHÉISME.

Les écrits publiés par le chef de l'école éclectique ont soulevé des plaintes ayant pour objet les unes le fond de la doctrine sous le point de vue purement philosophique, les autres l'opposition qu'on a cru trouver entre cette doctrine et la révélation chrétienne. Pour apprécier avec exactitude cette doctrine, il faut examiner le fondement de ces deux sortes de plaintes, dont le domaine est parfaitement distinct. Nous commencerons par l'examen de celles qui touchent à la révélation chrétienne, avant que d'apprécier la doctrine au point de vue purement philosophique. Ce ne sont pas les intentions ni la pensée intime de l'auteur qui seront en cause, mais uniquement le texte de sa doctrine dans les livres qui portent

son nom.

On a accusé le chef de l'école éclectique de professer, dans ses écrits, le panthéisme et le déisme qu'on a désignés communément par le nom de rationalisme ou naturalisme. En faveur de la génération qui arrive, rappelons les faits qui ont amené ces plaintes et ces accusations soit contre le chef, soit contre les disciples.

A la faveur de la liberté de la presse décrétée en 1817 par le gouvernement représentatif, les discussions politiques et l'essor de la pensée dans tous les genres prirent un développement jusqu'alors inconnu. De la part d'un grand nom

« ÖncekiDevam »