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sité de l'essence et la puissance infinie. De même notre justice et notre charité, rapportées à leur immortel exemplaire, nous donnent une idée de la justice et de la charité divines. Voilà un Dieu réel, avec lequel nous pouvons soutenir un rapport réel aussi, que nous pouvons comprendre et sentir (2)... »

Cette condamnation de la méthode des scolastiques est-elle fondée, ét l'auteur a-t-il suivi une meilleure route? La théodicée ne peut être traitée d'une manière complète qu'autant qu'on expose d'abord comment nous acquérons l'idée de Dieu, et ensuite comment nous nous assurons de son existence. Dans le premier cas, on se fonde sur des faits psycologiques pour se faire des idées des attributs de Dieu. Dans le second cas on s'appuie sur quelques principes nécessaires pour en déduire l'existence ou la réalité de l'Etre éternel dont on a acquis l'idée; et peut-on s'assurer qu'il possède les attributs dont on s'est fait l'idée, si l'on ne part également de quelque principe pour en déduire la réalité de ces attributs ? Et si, en suivant cette voie, on trouve dans l'existence d'un attribut la raison de l'existence d'un autre, sera-t-il défendu d'appuyer la seconde preuve sur cette proposition déjà démontrée, parce qu'il plaît à l'auteur d'appeler cela, faire de l'algèbre? La théodicée contient une partie d'observation, fondée sur la psycologie, et une partie de raisonnement, fondée sur des principes nécessaires. Les procédés dans chacune de ces parties sont différents. Dans la seconde, le procédé est le même qu'en mathématiques. Si l'auteur n'est pas satisfait des démonstrations, qu'il en relève les défauts; mais la méthode n'est pas vicieuse. Qu'il se plaigne d'une théodicée comme incomplète quand elle ne contient qu'une de ces par(1) Du Vrai, etc., p. 455.

ties; mais si cette partie est bien traitée dans son genre, elle a droit au respect. L'auteur a voulu fondre ces deux parties en une seule, en les faisant découler à la fois d'un principe emprunté à la scolastique, et l'on peut juger si sa théorie est satisfaisante.

CHAPITRE IX.

DES PRINCIPES DE MORALE.

Dans la troisième partie du livre intitulé Du Vrai, du Beau et du Bien, l'auteur expose les principales notions morales, et il est intelligible tant qu'il parle selon le bon sens public. Si certains détails laissent quelque chose à souhaiter, c'est la faute de sa théorie sur la formation des idées. Sans s'y arrêter, il suffira de faire quelques observations sur la manière dont il conçoit la liberté, le droit, l'état social et la propriété.

1° De la liberté. Sans donner une définition de la liberté, l'auteur dit avec raison, que c'est une faculté ou un pouvoir de vouloir qui s'exerce dans l'intérieur de l'âme, indépendamment des actes extérieurs, et qui est exempt de nécessité, ou, selon son langage, de fatalité. « Distinguons bien le pouvoir de faire d'avec celui de vouloir... Je veux mouvoir mon bras, je le peux souvent; en cela réside le pouvoir en quelque sorte physique de la volonté... L'exécution ne dépend pas toujours de moi; mais ce qui dépend toujours de

moi, c'est la résolution même. Les effets extérieurs peuvent être empêchés, ma résolution elle-même ne peut jamais l'être. Dans son domaine propre, la volonté est souveraine (1). » Voilà la liberté fondement de toute moralité, et que pour cette raison on appelle liberté morale. Et pour prouver que l'homme possède cette liberté, l'auteur s'exprime ainsi : « Consultez les annales du genre humain, vous y verrez les hommes revendiquer partout et de plus en plus la liberté. Ce mot de liberté est aussi vieux que l'homme même. Quoi donc les hommes veulent être libres, et l'homme lui-même ne le seraît point? Le mot est là pourtant avec sa signification la plus déterminée. Il signifie que l'homme se croit un être non-seulement animé et sensible, mais doué de volonté, d'une volonté qui lui appartient, et qui, par conséquent, ne peut admettre sur elle la tyrannie d'une autre volonté qui ferait à son égard l'office de la fatalité, même celui de la fatalité la plus bienfaisante (2). »

Cette liberté que les hommes revendiquent partout et toujours est-elle ce pouvoir purement intérieur, cette volonté qui, dans son domaine propre, est souveraine, selon l'expression de l'auteur? Ce serait une contradiction. Si l'homme porte en lui-même une faculté innée dont l'action intérieure ne peut être empêchée, il n'a pas à la revendiquer contre la tyrannie. Il est donc visible que l'auteur présente deux idées différentes sous le mot liberté; et cependant il ne les signale pas. « Quoi! dit-il, les hommes veulent être libres, et l'homme lui-même ne le serait point! » Mais comprend-on, que l'homme veuille, demande, revendique ce qu'il possède et qui ne peut lui être enlevé par ses semblables? Cette équivoque est une erreur capitale, propre à donner de fausses (1) Page 353. (2) Page 263.

idées sur une question importante. La liberté que les hommes revendiquent est purement extérieure, et diffère essentiellement de la liberté morale et intérieure: c'est une indépendance plus ou moins grande dans les actes extérieurs, ou le pouvoir de faire sans gêne ce que l'on veut. Prise dans son sens le plus large, c'est la liberté naturelle, qui suppose l'affranchissement de tout pouvoir extérieur, telle que la liberté du lion dans les bois, de l'aigle dans l'air, et d'une peuplade sauvage. Considérée dans un sens plus restreint, chez un peuple civilisé, c'est une indépendance plus ou moins limitée par les lois, qu'on appelle liberté politique. L'une et l'autre different essentiellement de la liberté morale aliéné, un idiot, qu'on laisse errer dans les champs, jouissent de la liberté naturelle, alors que leur liberté morale est privée de son action; et le martyr qu'on tourmente afin de lui enlever sa foi, possède la liberté morale dans sa perfection, quoiqu'il soit privé de toute liberté naturelle et politique. C'est par des équivoques sur le mot liberté que l'on a plusieurs fois déchaîné les passions grossières de la multitude et fait d'innocentes victimes.

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Faisons une autre remarque sur la liberté. Elle présente deux points de vue qu'il importe de ne pas confondre. Elle est d'abord simple faculté de choisir sans nécessité entre plusieurs partis, quel qu'en soit l'objet, et comme telle elle s'exerce d'abord dans la sphère de l'intérêt personnel : c'est une détermination entre plusieurs partis dont l'un est jugé plus avantageux. Plus tard, l'homme reconnaît des motifs autres que ceux qui concernent l'intérêt personnel principalement celui du devoir; et il importe de montrer que l'homme a réellement le pouvoir de sacrifier son intérêt au devoir, ne fût-ce que pour réfuter ceux qui ré

duisent toute la morale à la recherche de son intérêt. Ce dernier point de vue est généralement négligé par les auteurs de philosophie. On ne saurait donc admettre la prétention émise par l'auteur contre les partisans de la morale de l'intérêt, quand il dit : « En philosophie, il ne suffit pas d'admettre un fait, il faut avoir le droit de l'admettre. Or, la plupart des moralistes de l'intérêt nient la liberté de l'homme, et nul n'a le droit de l'admettre dans un système qui tire l'âme humaine tout entière, toutes ses facultés comme toutes ses idées, de la seule sensation et de ses développements (1). » Si Condillac a cru voir dans la sensation l'origine des facultés comme des idées, les autres auteurs en général n'ont voulu déduire de la sensation ou des sens que les idées. Si dans l'opinion de ces derniers on admet la liberté humaine, tout en proclamant la morale de l'intérêt, on ne peut être convaincu par le raisonnement de l'auteur. Il y aurait donc excès à soutenir que la liberté ne peut exister dans ce système de morale. Sont-ils rares ceux qui, sans connaître des théories philosophiques, ne suivent que leur intérêt dans la pratique, et croient en avoir le droit, regardant comme impossible d'agir autrement? Il ne suffit donc pas de leur prouver qu'ils sont libres; il faut de plus leur montrer qu'ils peuvent réellement sacrifier l'intérêt personnel au bien moral, et que la vertu n'est pas un simple calcul.

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2o De l'égalité et du droit. L'auteur paraît avoir conçu d'une manière particulière le fondement du droit et de l'égalité. « Le devoir et le droit sont frères, dit-il. Leur mère commune est la liberté. Ils naissent le même jour, ils se développent et ils périssent ensemble. On pourrait même dire que le droit (1) Du Vrai, etc., p. 282.

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