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» par les lois, et que la religion essentielle s'y trouve; ils » sont mauvais quand elle ne s'y trouve pas. La forme du >> culte est la police des religions et non leur essence, et >> c'est au souverain qu'il appartient de régler la police de » son pays... Donnez la préférence à vos raisons, à la bonne >>> heure; mais sachez que ceux qui ne s'y rendent pas, ont >> les leurs. En suivant vos diverses doctrines, cessez de » vous les figurer si démontrées que quiconque ne les voit » pas telles, soit coupable à vos yeux de mauvaise foi.

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>> Honorez en général tous les fondateurs de vos cultes respectifs. Que chacun rende au sien ce qu'il croit lui » devoir; mais qu'il ne méprise point ceux des autres. Ils » ont eu de grands génies et de grandes vertus cela est toujours estimable. Il se sont dits les envoyés de Dieu; cela >> peut être et n'être pas : c'est de quoi la pluralité ne saurait juger d'une manière uniforme, les preuves n'étant pas également à sa portée. Mais quand cela ne serait pas, il >> ne faut point les traiter si légèrement d'imposteurs. Qui sait >> jusqu'où les méditations continuelles sur la Divinité, jus» qu'où l'enthousiasme de la vertu ont pu, dans leurs su» blimes âmes, troubler l'ordre didactique et rampant des » idées vulgaires? Dans une trop grande élévation la tête >> tourne, et l'on ne voit plus les choses comme elles sont...

» J'ai pensé, Monseigneur, que celui qui raisonnerait ainsi ne serait point un blasphémateur, un impie; qu'il proposerait un moyen de paix juste, raisonnable, utile aux hommes; et que cela n'empêcherait pas qu'il n'eût sa religion particulière, ainsi que les autres, et qu'il n'y fût aussi sincèrement attaché... Qu'il empêche un culte étranger de s'introduire dans son pays, cela est juste; mais qu'il ne damne pas pour cela ceux qui ne pensent pas comme lui......

J'entends dire sans cesse qu'il faut admettre la tolérance civile, non la théologique; je pense tout le contraire. Je crois qu'un homme de bien, dans quelque religion qu'il vive de bonne foi, peut être sauvé. Mais je ne crois pas pour cela qu'on puisse légitimement introduire en un pays des religions étrangères sans la permission du souverain; car si ce n'est pas directement désobéir à Dieu, c'est désobéir aux lois; et qui désobéit aux lois, désobéit à Dieu... On ne doit ni laisser établir une diversité de culte, ni proscrire ceux qui sont une fois établis; car un fils n'a jamais tort de suivre la religion de son père... (1).

Le lecteur qui connaît l'Évangile trouvera partout, dans ce passage, des erreurs ou des contradictions à relever. Mais en nous renfermant dans notre sujet, que pense l'auteur touchant la divinité de Jésus-Christ? Qu'il s'est dit l'envoyé de Dieu, comme Moïse et Mahomet; que cela peut être ou n'être pas; que dans ses méditations sur la divinité, l'enthousiasme de la vertu a pu troubler l'ordre régulier de ses idées, et que la tête a pu lui tourner jusqu'à lui faire croire qu'il était l'envoyé de Dieu. Voilà pourquoi il ne faut pas le traiter légèrement d'imposteur. C'est ainsi que Rousseau excuse Jésus-Christ, au même titre que Mahomet, de s'être dit l'envoyé de Dieu. Il n'affirme pas, il ne nie pas qu'il l'ait été; il n'admet ni ne rejette sa divinité. Mais comme il a eu un grand génie et de grandes vertus, il est toujours estimable. L'empereur Tibère, sur la lecture du procès de Jésus-Christ envoyé par Pilate, avait résolu de le faire placer au rang des dieux; et Rousseau, qui n'était pas, comme lui, enveloppé des ténèbres du paganisme, se résigne, dans son admiration, à le classer parmi les hommes célèbres. (1) Pages 105 113.

Et il adresse cette profession de foi à un prélat, qui n'avait qu'à lui rappeler, pour sa réfutation, d'abord le vœu qu'il avait émis un peu plus haut, d'avoir Jésus-Christ mème pour juge entre lui et les prêtres injustes qui voulaient se faire les arbitres de sa croyance comme si les hommes devaient être jugés dans la vie future par tout autre que par le vrai Dieu; et ensuite l'éloge que l'auteur avait fait de l'Évangile dans l'Emile même, éloge si connu qu'il est inutile de le rapporter, et où on lit ces paroles : « Se peut-il qu'un livre, à la fois si sublime et si simple, soit l'ouvrage des hommes ?.. Est-ce là le ton d'un enthousiaste ou d'un ambitieux sectaire?.. Quelle élévation dans ses maximes! Quelle profonde sagesse dans ses discours! Quelle présence d'esprit, quelle finesse et quelle justesse dans ses réponses! Quel empire sur ses passions!.. (1). » La sagesse n'est-elle pas l'opposé de la folie? Et dès lors comment reconnaître un fou sublime à qui la tête tourne dans celui qui montre une profonde sagesse dans ses discours? Il n'est ni un enthousiaste ni un ambitieux sectaire; comment donc l'enthousiasme de la vertu aura-t-il pu troubler l'ordre didactique de ses idées? Il exerce un empire absolu sur ses passions; comment donc lui supposer un orgueil assez insensé pour lui faire croire qu'il était, non-seulement l'Envoyé de Dieu, mais le Fils unique de Dieu, vrai Dieu comme son père? Sont-elles palpables ces contradictions? Et puis, comment expliquer la transformation de ses Apôtres quand ils se sont répandus parmi les peuples pour leur annoncer l'Évangile? Dispersés pendant la passion et à la mort de leur Maître, se tenant enfermés par la crainte des Juifs, complétement découragés depuis qu'on lui avait fait subir le dernier supplice. pauvres pê(1) Emile, t. 3, p. 179.

cheurs, ignorants, sans aucune influence, qu'est-ce qui les aurait excités à affronter tous les périls pour annoncer la divinité d'un homme crucifié? Si leur Maître n'était qu'un homme, si dès lors on doit regarder comme des fables sa résurrection, son ascension dans les cieux, la descente du Saint-Esprit qui les éclaira et les fortifia en les revêtant de la puissance de Dieu même n'est-il pas évident qu'on est forcé d'admettre deux mystères bien plus incompréhensibles que la divinité de Jésus-Christ, savoir la prédication des Apôtres, et le succès de cette prédication contre les efforts réunis de la synagogue, du paganisme et de toutes les passions humaines? Pourquoi auraient-ils eu plus de succès que Socrate, Platon, et d'autres philosophes qui avaient sur eux l'avantage de la science?

Et cependant, c'est à cause des mystères et des miracles que Rousseau refuse de reconnaître la divinité de Jésus-Christ. Après l'éloge de l'Évangile et de Jésus-Christ, il ajoute : « Avec tout cela, ce même Évangile est plein de choses incroyables, de choses qui répugnent à la raison, et qu'il est impossible à tout homme sensé de concevoir, ni d'admettre. Que faire au milieu de ces contradictions? Etre toujours modeste et circonspect respecter en silence ce qu'on ne saurait ni rejeter ni comprendre, et s'humilier devant le grand Être, qui seul sait la vérité. Voilà le scepticisme involontaire où je suis resté (1). »

Et ce scepticisme prétendu involontaire est une aberration étrange qui ne peut être excusée devant le Souverain juge. Si Jésus-Christ n'est pas Dieu, on ne peut expliquer ni comprendre la prédication de l'Évangile faite par des hommes ignorants et timides, moins encore la croyance des (1) Emile, t. 3, p. 183.

peuples à leur prédication, et moins qu'aucune chose, la conservation du christianisme au milieu des périls tantôt séparés, tantôt réunis, que lui ont suscités, dans le cours des siècles, les puissances formidables du paganisme ou de l'hérésie, l'astuce des savants, philosophes ou hérétiques, et les passions sans cesse révoltées contre la sévérité de sa morale. Ces mystères ne peuvent être rejetés, à moins qu'on ne regarde comme fabuleuse l'histoire entière du genre humain ; et ils viennent augmenter ainsi l'obscurité que l'auteur prétend trouver dans les faits surnaturels de l'Evangile. Au contraire, en admettant la divinité de Jésus-Christ, tout s'explique la possibilité de tous les faits évangéliques, la vérité des dogmes et du culte du christianisme, sa prédication et sa conservation. Quel est donc le parti prescrit par la sagèsse, sinon de croire ce qui est évident, et d'admettre les conséquences qui en découlent?

Ce n'est pas tout. Avec le principe de l'auteur, ne croire que ce que l'on comprend, on ne peut adopter qu'un scepticisme universel dans la science et les études de la nature, parce qu'on rencontre partout des faits inexplicables ou qu'on n'a pas encore expliqués. Ainsi, sans parler de tout ce que l'on rencontre de mystérieux dans le règne animal et le règne végétal, le savant qui s'étudie lui-même ne croira pas à l'union de l'âme et du corps qu'il trouve inexplicable. Ce premier acte d'incrédulité amènera l'incertitude de l'existence de l'âme, parce qu'en l'admettant on ne peut expliquer comment le corps agit sur elle; et de l'existence du corps, parce qu'on ne peut expliquer ses phénomènes, ni les phénomènes intellectuels et moraux avec la seule matière. Ne sachant pas comment les aliments nourrissent le corps, se changent en sang, en chair, en os, on doutera de leur nécessité pour

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