Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Ces citations suffisent pour montrer les opinions des traditionnalistes les plus récents à la suite des déclarations doctrinales de divers prélats qui les ont avertis des écarts auxquels les entraînait le désir de rehausser le privilége de la foi catholique, en lui sacrifiant les droits de la raison humaine. Il ne s'agit pas de rechercher ici si les premières ou dernières opinions sont conformes ou opposées aux décisions qui les concernent, mais d'examiner, d'après les principes du bon sens, si dans le traditionnalisme réside la véritable philosophie. Reprenons les diverses formes qu'il a revêtues.

En premier lieu, le bon sens reconnaît, avec M. de Lamennais, que le témoignage d'un plus ou moins grand nombre de personnes est le seul moyen de connaître avec certitude les faits historiques dont nous n'avons pas été témoins. Mais il ne peut pas convenir que ce soit le seul moyen d'acquérir la certitude des faits ou des vérités qu'il est donné à l'homme de connaître, et il voit une contradiction manifeste dans cette assertion. En effet, pour appliquer cette règle à une vérité ou à un fait quelconque, il faudrait reconnaître avec certitude 1o l'existence même de ce témoignage, 2° son infaillibilité. Pour savoir d'abord que ce témoignage existe, il faut s'assurer de l'existence de chaque témoin, et ensuite de son témoignage; et la certitude de ces deux faits ne peut être obtenue par le témoignage même. Il faut donc reconnaître quelque fait certain, et quelque moyen d'obtenir la certitude qui serve de fondement à la certitude du témoignage, ou renoncer à cette dernière. Ce système se détruit ainsi luimême. Ensuite on sait bien, d'après l'expérience, que l'erreur peut être embrassée par un grand nombre de personnes; et dès-lors ce témoignage, considéré sans condition, n'est pas infaillible, et n'établit pas toujours la certitude.

Il faudra donc lui appliquer des règles de critique qui établissent sa véracité. Encore une fois le témoignage ne pourra être reconnu fondement de certitude qu'à l'aide d'une certitude antérieure, et par là la base est de nouveau renversée. Cela suffit pour montrer le vice de ce prétendu fondement de certitude appliqué à toutes les vérités. Aussi la doctrine dite du sens commun a-t-elle vécu peu de temps.

L'exagération de cette opinion a pu être occasionnée par la considération d'une méthode à employer dans l'exposé des faits psycologiques dont s'occupe la philosophie. Comme ils appartiennent à la nature de l'homme, et que cette nature est commune à tous, il est avantageux de confirmer ses découvertes par l'observation de la croyance ou de la pratique commune des hommes; de montrer, par exemple, aux fatalistes que la liberté qu'ils nient, que la distinction du bien et du mal moral ont été reconnues dans tous les temps d'après l'histoire du genre humain. C'est un moyen de constater l'exactitude d'une théorie offerte par un individu sujet à l'erreur, et de prouver que le fait qu'il s'attribue comme naturel appartient réellement à la nature humaine. Mais cette manière de procéder n'a de valeur qu'autant qu'on reconnaît d'abord en soi-même le fait attribué à tous; et elle suppose, de la part du lecteur ou de l'auditeur, la croyance à l'existence du témoignage historique, qui ne peut lui être prouvée par ce témoignage même, ou par l'opinion commune. Cette croyance n'est pas ordinairement le fruit de la critique scientifique de l'histoire, mais de l'instinct de crédulité qui nous dirige dès l'enfance. Et lorsque un exposé clair et exact a montré à un auditeur ou à un lecteur ces faits bien déterminés dans son intérieur, la certitude qu'il en a est fondée sur son observation; et il les attribue aux autres à cause de la communauté de nature qui les lie.

En second lieu, le bon sens reconnait comme un fait attesté par l'histoire Biblique que le premier homme a été créé avec une intelligence développée et avec l'usage de la parole. Quant à l'impuissance d'inventer ou de se former un langage de la part des hommes, il serait bien difficile de la démontrer; et il est inutile d'insister ici sur cette question, parce que d'un tel principe, on ne peut nullement déduire une doctrine philosophique. Une preuve de l'existence de Dieu, auteur du langage, serait le seul fruit de cette découverte. Vouloir expliquer l'acquisition de toutes nos connaissances par la transmission d'une révélation primitive avec la parole, c'est proposer un problème qui restera toujours sans solution; c'est rejeter tout ce qui a été dit en philosophie et vouloir recommencer l'édifice sur un plan nouveau et avec des matériaux inconnus. S'engager dans la recherche du langage primitif donné à l'homme, afin de le retrouver dans les divers idiômes qui se sont succédé sur la surface du globe depuis Adam et la confusion des langues, et puis montrer dans ce langage primitif, supposé découvert, toutes les vérités contenues dans les sciences, ce serait poursuivre la réalisation d'un rêve. La philosophie reconnaît, sans doute, la nécessité de la parole et d'une langue exacte pour la formation des sciences et pour l'exercice du raisonnement; mais c'est comme instrument et non pas comme origine ou matière de nos connaissances, qu'elle la présente. Par la parole l'esprit humain fixe ses idées dans la mémoire, elle les multiplie et les supplée quelquefois. Mais vouloir trouver les idées dans les mots qui nous sont enseignés sans aucun autre élément, c'est une illusion, puisque les mots n'apprennent rien si on n'en donne pas la signification d'après les faits manifestés à chacun par l'expérience. Qu'on entende

habituellement une langue étrangère, telle que le latin dans les Églises catholiques; les mots de cette langue transmettront-ils des idées au lecteur ou à l'auditeur? Il en serait de même de notre langue maternelle si les mots que nous avons entendus dès l'enfance, n'avaient pas été accompagnés ou même précédés des idées des faits enseignés à chacun par son expérience. Il est inutile d'insister sur une opinion qui d'ailleurs a eu peu de partisans et qui ne donne nullement le moyen de retrouver cette révélation primitive qui serait ce fondement de toutes nos connaissances, ou de toutes les vérités, ou de leur certitude.

En troisième lieu, les caractères qui distinguent la forme la plus récente du traditionnalisme peuvent être exprimés par les propositions suivantes. « La raison conçoit les premières idées et les premiers principes par la vertu qui lui est propre, mais à condition qu'ils lui soient présentés et transmis par l'enseignement. La croyance ou la foi en Dieu, acquise d'abord par voie de témoignage ou d'enseignement et ensuite par démonstration rationnelle, a sa véritable base dans le témoignage; elle a un fondement certain et inébranlable dans ce témoignage; à toute démonstration de l'existence de Dieu il faut donner pour appui la foi naturelle et traditionnelle en Dieu; les démonstrations n'en sont qu'une justification plus ou moins accessible à la raison de chacun. Cela a également lieu dans les vérités mêmes qui ne sont connues que par le raisonnement, telles que les vérités de géométrie. La foi des élèves à la vérité certaine des théorèmes, est indépendante des preuves qui la démontrent. La tradition et l'enseignement sont ainsi des éléments constituants de la raison. » A ces propositions qui résument la première profession de foi traditionnaliste, il est inutile d'ajouter celles de la seconde, que l'auteur a résumées lui-même.

Reprenons ces propositions et tâchons de démêler l'erreur de la vérité.

1° « La raison conçoit les premières idées et les premiers principes par la vertu qui lui est propre, mais à condition qu'ils lui soient présentés et transmis par l'enseignement. Pourquoi cela? Parce que, dit l'auteur de la première formule, « de même que l'homme physique, en entrant dans ce monde, a besoin d'y trouver immédiatement le milieu de l'air atmosphérique, sous peine de ne pas vivre et de périr aussitôt, ainsi l'homme intellectuel a besoin de naître au milieu de l'atmosphère sociale qui lui fournit les éléments de respiration propres à sa nature, les premières idées et les premiers principes. » Ainsi, dit l'auteur de la seconde formule, «< nécessité en fait d'une fécondation extérieure, par l'éducation sociale, pour que l'intelligence ne reste pas à l'état stérile. »

La nécessité de l'éducatio sociale pour la fécondation de notre raison et le développement de notre intelligence, les avantages immenses de l'enseignement pour l'acquisition de nos connaissances, particulièrement dans les sciences qui les a jamais contestés? Mais vouloir partir de ce fait incontestable pour renfermer toute la philosophie dans cet enseignement, de telle sorte que toutes les idées et les vérités contenues dans les sciences, bien plus, les premières idées même ne soient acquises par la raison qu'à la condition qu'elles lui soient présentées et transmises par l'enseignement : c'est tomber dans une exagération qui choque le simple bon sens. Est-ce donc par voie d'enseignement que l'enfant acquiert l'idée de son existence, celles de son corps et des corps qui l'environnent, ainsi que des couleurs, des sons, des odeurs, des aliments, de la lumière et des ténèbres? Pour

« ÖncekiDevam »