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De mœurs très pures, amoureux du travail, assoiffé de curiosités intellectuelles, doué d'une mémoire prodigieuse, il était servi par une intelligence élevée, subtile, s'appliquant avec facilité aux connaissances les plus variées. Ajoutez-y la méthode impeccable avec laquelle il classait, en de petits cahiers ingénieusement disposés, les reliefs de ses multiples lectures. Ainsi l'abeille emplit du suc des fleurs les alvéoles qu'elle s'est réser

vées.

C'était un charme, après diner, que la promenade de l'hôtel jusqu'à l'appartement de l'un de nous, qui habitait chez son oncle, professeur aussi à l'Université de Gand. On y prenait journellement le café en y achevant les conversations ébauchées, en route, sur tel ou tel sujet scientifique, à propos de telle ou telle farce estudiantine en projet ou déjà réalisée. Dans ce milieu, Mansion s'abandonnait à la fougue d'un esprit combatif, en tous sens, pourvu qu'aucune personnalité ne fût en jeu. Intraitable envers les doctrines philosophiques qui lui paraissaient mal fondées, il usait de prudence et de modération à l'égard des maîtres vivants. Quant aux morts, i les jugeait uniquement d'après leurs enseignements.

Le dimanche, aucun des amis ne travaillait à son métier, sauf un cas de force majeure, par exemple, à la veille d'un examen. Après les exercices religieux, on se divertissait par des parties de campagne ou, s'il faisait mauvais temps, on lisait en commun quelques ouvrages de littérature nationale ou étrangère. Les amateurs de musique, dont il n'était pas, s'en allaient, suivant leur budget, écouter quelque concert ou quelque grande pièce du répertoire théâtral. Mansion était convaincu qu'il fallait se reposer un jour sur sept et qu'il n'y avait aucune raison pour que ce jour ne fût pas le dimanche. Un de ses amis qui n'était pas de notre cercle et que Mansion avait voulu chapitrer

sur eette question du repos dominical, sans parvenir jamais à le convaincre, à cause d'une incrédulité fondamentale, allant jusqu'à la protestation contre une habitude soi-disant cléricale, vint un jour auprès de lui s'avouer vaincu. A force de travailler sept jours. par semaine à sa besogne quotidienne, il en était arrivé à la prostration physique et intellectuelle. Mansion ne manqua pas de souligner ce résultat indéniable de l'expérience, d'en développer la leçon d'une manière magistrale et de fixer définitivement son ami dans sa résolution de pratiquer désormais le repos dominical.

Notre éminent Secrétaire général consentait, en matière d'expériences, à distinguer, comme nous le faisions, entre la méthode expérimentale propre aux sciences naturelles et physiques et la méthode d'observation réservée surtout aux sciences politique et sociale. Il témoigna, de très bonne heure en Belgique, sa haute estime pour l'œuvre de Le Play, l'illustre maître français qui songea, le premier, croyons-nous, à appliquer la méthode d'observation, instrument délicat entre tous, aux recherches objectives de la science sociale. Il lut la Réforme sociale, à peine avait-elle paru; sachant que l'auteur de ces lignes cultivait l'économie politique, dès avant l'Université, par éducation, goût et tradition, il lui passa l'ouvrage capital dont la doctrine repose sur l'observation des faits consignés dans les savantes monographies des Ouvriers européens. Ce fut un trait de lumière découvrant à nos yeux la voie que nous suivimes désormais à la recherche des progrès sociaux.

Chacun des amis d'université de Paul Mansion, en rassemblant ses souvenirs de gaie et studieuse jeunesse, ne manquera pas d'y retrouver l'une ou l'autre heure où sa personnalité naissante subit la judicieuse influence de celui qui allait bientôt, le 30 septembre 1870, être nommé professeur extraordinaire.

Cette même année acheva de disperser le groupe estudiantin auquel il était resté fidèle nonobstant son élévation à la chaire professorale. Depuis 1868, nous avions, les uns après les autres, conquis brillamment le diplôme d'ingénieur honoraire des Ponts et Chaussées ou d'ingénieur civil. L'esprit qui anima, réchauffa et soutint nos coeurs malgré les sécheresses inhérentes à nos austères études ne disparut point. Il s'était développé en inspirant des réunions scientifiques où chacun apportait son contingent d'étude sur des sujets parfois très divers. L'auteur de ces lignes en eut l'initiative; Paul Mansion fut le parrain et le principal promoteur du Cercle Leibniz. Ce nom illustre était celui d'un savant de premier ordre, d'un inventeur en hautes mathématiques, qui ne trouva jamais, -au contraire, - la moindre opposition entre la Foi et la Raison. Puis, saisi comme par un scrupule, notre ami remplaça le nom de Leibniz par celui de Cauchy. Ce dernier, illustre mathématicien aussi, professait la foi catholique, tandis que Leibniz, si larges, élevées et saines que fussent ses conceptions philosophiques et religieuses, appartenait à la Réforme protestante.

Sous l'influence des membres du Cercle Cauchy de Gand établis çà et là en Belgique, des cercles du même nom furent installés et fonctionnèrent régulièrement à Anvers, à Nivelles, à Bruxelles, à Mons, à Louvain et ailleurs. Le R. P. Carbonnelle s'intéressa à ces réunions de la jeunesse. Il y donna lui-même des conférences sur ses recherches originales ou sur des questions philosophiques touchant aux Confins de la Science et de la Philosophie. Avec des fervents des Cercles Cauchy : Philippe Gilbert, le grand et regretté professeur de Louvain, le Docteur Lefebvre, de célèbre mémoire, le comte François van der Straten Ponthoz, gentilhomme d'oeuvres religieuses et scientifiques, Léon 't Serstevens, qui consacra sa vie trop courte au

relèvement de l'agriculture, le R. P. Carbonnelle accepta l'idée qu'Alphonse Proost, le promoteur de la science agricole en Belgique, et le soussigné suggérèrent et défendirent, savoir: grouper les Cercles Cauchy en une association pour l'extension et la diffusion de la science.

Telle fut l'origine de la Société scientifique de Bruxelles. Paul Mansion assista aux réunions préparatoires et prit une part active aux débats d'où sortirent les propositions à soumettre à la première assemblée générale concernant la devise de la Société, son titre, ses statuts et règlement d'ordre. On peut dire, écrit Mansion dans son beau rapport présenté à l'assemblée du 10 avril 1901 sur les travaux de 1875 à 1901, que « le 17 juin 1875, la Société était virtuellement fondée ».

VIE DE FAMILLE

Quatre ans auparavant, le samedi 26 août 1871, Paul Mansion s'était marié avec Mademoiselle Cécile Belpaire, soeur de l'un de nos intimes amis d'université, feu Théodore Belpaire, mort beaucoup trop jeune le 20 octobre 1893, tandis qu'il remplissait, à Gand, les fonctions. d'Ingénieur en chef, Directeur du Service technique provincial de la Flandre Orientale. Madame Paul Mansion appartenait à une famille de quatre enfants dont le père, Alphonse Belpaire, mort jeune aussi, avait épousé Mademoiselle Elisabeth Teichmann, la seconde des quatre filles de l'Inspecteur général des Ponts et Chaussées Teichmann. Celui-ci, devenu Ministre et puis Gouverneur de la Province d'Anvers, a laissé de grands souvenirs, après avoir fourni une carrière des plus remarquables. Son gendre, Alphonse Belpaire, dans le cours de quelques années passées au Corps des Ponts et Chaussées, s'est illustré par des publications

techniques où l'érudition profonde se joint à l'originalité de l'esprit. On lit encore avec fruit son Mémoire sur l'amélioration du Rupel (1845); sa Notice sur les cartes de mouvement de transport en Belgique pendant les années 1834 et 1844 (1847), au cours de laquelle il usa des cartogrammes à bandes inventés par lui, tandis que l'ingénieur français Minard les découvrait aussi de son côté; son Etude sur la plaine maritime depuis Boulogne jusqu'au Danemark (1855), faisant suite à l'étude de son père Antoine Belpaire sur la plaine maritime depuis Anvers jusqu'à Boulogne.

Les cérémonies et fêtes du mariage de notre savant ami ne se sont pas effacées de la mémoire de ceux de ses amis qu'il y avait conviés, à Anvers : Constantin de Burlet; feu le baron Verhaegen et le soussigné.

Cette union bénie consacrait son entrée dans une famille, établie en un site charmant, spirituelle, joviale, sincère, pratiquant une piété avertie : la naturelle simplicité Combien rarement ici-bas, l'idéal de beauté, de bont, d'intelligence, de tendresse apparaît aux yeux ravis, touche le coeur d'un frisson de pur amour, soulève l'âme jusqu'à des hauteurs sereines où elle perçoit comme un écho des célestes harmonies! Notre ami sut, avec la grâce de Dieu, pénétrer et vivre en conquérant dans ce cercle assez fermé. Nous nous en réjouimes; nous goûtâmes, pendant deux ou trois jours, après le départ des jeunes époux vers l'Allemagne et l'Italie, quelque chose du charme intime qui devait rejaillir sur leur vie conjugale de quarante-huit années. Elle n'aurait pas été sérieusement chrétienne, si la souffrance, noblement acceptée, ne s'y était point frayé un passage. Des huit enfants qui sourirent à leurs parents, un ange s'est d'abord détaché. Deux filles et un fils le suivirent, plus tard, après avoir enrichi les leurs du parfum de leurs qualités et de leurs vertus.

IIIe SÉRIE. T. XXVII.

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