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Le R. P. THIRION

Parmi bien des figures connues qui manquaient à l'appel dans notre première réunion après la grande tourmente, y en a-t-il une dont l'absence se fera plus cruellement sentir que celle de notre dévoué Secrétaire ? Qui ne le voit encore, traversant discrètement, de son pas menu, les vestibules et les salles des sections, veillant aux mille détails de l'installation matėrielle, échangeant des poignées de main et des propos aimables avec les survenants, tout en guettant du coin de l'oeil l'arrivée d'un collègue dont on pouvait espérer un article pour le numéro en préparation ou une conférence pour la prochaine assemblée générale ? Sa belle tête fine, au profil de médaille, dominée par un front élevé et encadrée de longs cheveux grisonnants rejetés en arrière; ses yeux vifs, mais souvent soucieux, où s'allumait de temps en temps, derrière les lunettes, une flamme de malice; ses lèvres plutôt minces, sur lesquelles jouait volontiers un sourire indulgent ou amusé, mais qui se détendaient rarement dans le rire; une face ronde, enfin, un peu replète et de teint maladif, tout cela lui faisait une physionomie spirituelle et caractéristique, réservée au premier abord, mais toujours sympathique, qui ne passait jamais inaperçue et qu'on n'oubliait pas.

Né à Sclayn (province de Namur), en 1852, Julien Thirion fit ses humanités au Collège Notre-Dame de la Paix à Namur. Ses études furent solides, s'il faut en croire des succès marqués, surtout dans les mathé

matiques, mais peut-être déjà contrariées par une santé incertaine, témoin la mention honorable qui lui est accordée en Rhétorique pour n'avoir pu prendre part à tous les concours. Il n'en réussit pas moins son examen de gradué ès-lettres, et, à la fin des vacances de la même année scolaire 1871, l'examen d'entrée à l'École des Mines de Louvain. Néanmoins il ne franchit pas le seuil de la carrière qu'il venait de s'ouvrir brillamment. L'année suivante le retrouve élève de Sciences à la Faculté de Namur, et en septembre il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus à Tronchiennes. Après les deux années d'épreuve ordinaires, suivies d'une année de juvénat, c'est-à-dire d'études normales et de préparation directe à l'enseignement, il est envoyé comme professeur de mathématiques à Verviers. La maîtrise qu'il y déploie dès le début ne tarde pas à attirer l'attention sur ses remarquables talents. On décide de lui faire commencer au plus tôt son cours de philosophie à Louvain, afin de l'envoyer ensuite à Paris, suivre les leçons des plus illustres maîtres et prendre ses grades.

Mais, à cette époque, c'était là un dessein hardi, et qui sortait complètement des habitudes des ordres religieux. On n'avait pas encore reconnu pratiquement les avantages d'une formation régulière spécialisée. Il arriva donc, avec l'avènement d'un nouveau supérieur, que les routines traditionnelles reprirent le dessus, et l'idée du séjour à Paris fut abandonnée. Heureusement, la Providence ne permit pas, cette fois, que la formation d'un sujet de choix fût entièrement sacrifiée à des combinaisons administratives banales.

La Société scientifique de Bruxelles venait d'être fondée, ainsi que la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES, avec le P. Carbonnelle comme Secrétaire général. Il fut décidé que le jeune scolastique parcourrait sous sa direction, à Bruxelles, le cycle des études

mathématiques auquel on avait d'abord songé pour lui à Paris. Ce ne fut pas sans l'arrière pensée d'utiliser son concours, soit pour la REVUE, soit pour le recueil intitulé PRÉCIS HISTORIQUES, qui était dirigé par un Père de la même communauté; car dès la seconde année de son séjour, nous le voyons collaborer activement à cette publication.

Pareille combinaison est rarement heureuse. La tentation est forte, pour un jeune homme affranchi de la discipline de leçons régulières et du souci d'un examen, de déserter le travail monotone et fécond au profit du vain amusement des lectures superficielles sur les sujets les plus variés. D'autre part, les sollicitations des directeurs de périodiques, toujours à court de copie, jointes à la séduction des premières feuilles d'imprimerie qui portent son nom, lui tendent un piège à peine moins dangereux. Le P. Thirion sut échapper à l'un et à l'autre. Ceux qui l'ont connu dans un commerce intellectuel intime peuvent témoigner que la variété de ses connaissances n'avait nullement pour rançon leur manque de profondeur. C'était, au contraire, une de ses préoccupations les plus constantes, comme un de ses mérites les mieux reconnus, de chercher à pénétrer le plus avant possible dans tout problème dont il entreprenait de se rendre compte, soit pour son instruction personnelle, soit pour le bénéfice de ses auditeurs ou de ses lecteurs.

Cette période d'études scientifiques privées ne devait d'ailleurs durer que deux ans. Un poste devint vacant qu'on fut embarrassé de remplir, et le P. Thirion s'en alla enseigner à Namur les mathématiques spéciales pendant un an, septembre 1880 août 1881. Ce fut encore une époque de crise pour sa santé. Il est permis de croire qu'un travail excessif n'y fut pas étranger. Tout en préparant des cours nouveaux pour lui, il continuait, en effet, sa collaboration aux PRÉCIS HISTO

RIQUES. Après les Jésuites astronomes, parus durant les derniers mois de son séjour à Bruxelles, il y fit paraître pendant son année de Namur : Le Soleil, résumé de nos connaissances sur la constitution physique de cet astre, (fin de 1880) et La Lune, les préjugés et les illusions, qui est d'avril à juin 1881.

Rien qu'aux titres de ces premiers essais on aperçoit clairement où tendaient les préférences naturelles de son esprit comme branche favorite d'études, l'astronomie; comme point de vue spécial d'où toutes les questions seraient, autant que possible, envisagées, le point de vue historique. Toute sa vie il devait y rester fidèle.

En attendant, le cycle inexorable de la formation. religieuse l'avait ressaisi. Quatre années de théologie, et enfin, comme couronnement, la troisième année de probation, avaient rempli la période 1881 à 1885, puis encore l'année 1886-1887. Cette dernière phase avait failli être fatale, une fois de plus, à sa carrière scientifique. On avait beaucoup goûté, à Arlon, les essais de prédication que comportait l'épreuve, et il fut, paraîtil, question un moment de le destiner exclusivement à la chaire. On se ravisa à temps et on fit bien. Au lieu d'un bon prédicateur ordinaire, on y devait gagner à la fois un professeur hors de pair, un écrivain tout à fait remarquable et un secrétaire de rédaction modèle.

A partir de ce moment, le P. Thirion fut définitivement fixé à Louvain pour se consacrer tout entier à la formation scientifique des jeunes religieux de son ordre qui faisaient leur cours de philosophie. Il leur enseigna d'abord les mathématiques de septembre 1885 septembre 1886, et de septembre 1887 à septembre 1890; puis, à partir de cette dernière date, il remplace dans la chaire de physique le regretté P. J. Delsaulx, qu'une santé compromise sans remède obligeait de

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