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Dans le deuxième de ces articles, il examine les hypothèses et les théories, au point de vue de leur valeur objective, dans le même esprit critique que P. Duhem et H. Poincaré. Ses conclusions sont plus modérées que les leurs : ce sont celles qui ont la faveur de la majorité des physiciens modernes. « Impuissantes à nous révéler la réalité en soi, les théories nous la font voir per speculum in aenigmate, en une image fidèle où se reflète la vérité d'ensemble des faits expérimentaux », et dont l'utilité principale est de nous mettre sur la trace de faits nouveaux à découvrir.

Dans une autre occasion le P. Thirion se laissa tenter et réunit en volume sous ce titre : L'évolution de l'astronomie chez les Grecs un groupe d'articles, le second annoncé plus haut, qu'il avait intitulé dans la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES: Pour l'astronomie grecque. L'essai fut décourageant, en ce sens que l'éditeur auquel il s'était adressé se retira brusquement des affaires peu de temps après, ce qui ne contribua pas à atténuer ses propres répugnances à solliciter l'attention sur son livre. Ce n'en est pas moins une de ses meilleures productions.

Il s'agit de réhabiliter, en quelque sorte, la science astronomique des Grecs, un peu trop dépréciée depuis que les splendides découvertes de Kepler et de Newton ont relégué dans l'oubli ses laborieuses constructions de sphères homocentriques, de déférents, d'épicycles, d'excentriques, etc. « Les efforts tentés par les astronomes de l'antiquité ne furent ni si maladroits, ni si stériles ils sont dignes de la curiosité de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'esprit humain en quête de la vérité scientifique. Si j'osais dire qu'ils méritent l'admiration au même titre que les travaux modernes, pour avoir surtout perfectionné l'art d'inventer, on m'accuserait peut-être d'exagération; les géomètres cependant m'y encourageraient, et les historiens sé

rieux de l'astronomie n'y contrediraient pas » (Introduction p. 4). Ces historiens, dont il va prendre les travaux pour guides, sont : A. Böckh, Th. H. Martin, G. Schiaparelli, P. Tannery et P. Mansion. Comme le dit ce dernier dans le compte rendu bibliographique publié dans la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES (1), <<< les recherches de ces érudits et de ces savants, publiées dans des recueils en général peu consultés par les astronomes et moins encore par la foule des vulgarisateurs, sont restées inconnues même à ceux qui semblaient appelés à en introduire les résultats dans leurs ouvrages...

Le P. Thirion les présente au public instruit en neuf chapitres admirablement groupés et enchaînés, où il expose dans l'ordre historique de leur apparition tous les systèmes qui se sont succédé dans la faveur des écoles astronomiques du monde grec, en montrant par quelle évolution logique chacun en venait à supplanter ses prédécesseurs, etcomment, en tenant compte de l'état des connaissances générales de l'époque, presque toujours chacun constituait un progrès sur celui qu'il éliminait. Il en fut ainsi même quand on écarta la remarquable hypothèse d'Héraclide du Pont, qui, en faisant tourner autour du Soleil la Lune et les planètes inférieures, et en attribuant un mouvement de rotation à la Terre elle-même — mais sans translation autour du Soleil - anticipait pourtant de dix-neuf siècles sur Tycho-Brahé.

On sait que les Grecs préférèrent finalement une Terre immobile et des astres animés de mouvements circulaires sur des orbites qui se commandaient mutuellement, les épicycles. A la distance où nous sommes de ces temps lointains, le retour au système géocentrique pur a plutôt l'air d'un progrès à rebours. Mais, pour le juger équitablement, il faut se placer, avec le

(1) 2 sér. t. XVII, janvier 1900.

P. Thirion, dans l'ambiance scientifique de l'époque. On voit alors très bien avec lui que si, au point de vue purement géométrique de la représentation des positions des astres sur la sphère céleste, la conception d'Héraclide était équivalente à sa rivale, elle avait d'autre part le grave inconvénient de heurter des doctrines cosmologiques qui étaient considérées comme solidement fondées sur l'observation. Devant ces antinomies, les astronomes grecs n'osèrent passer outre. « Ce n'était là, de leur part, ni aveuglement volontaire, ni obstination rétrograde, mais pure ignorance invincible. Il serait aussi injuste de leur en faire un grief, qu'il serait ridicule de reprocher à Newton d'avoir cherché à épuiser les ressources de la théorie de l'émission, en rejetant la théorie des ondes lumineuses qu'il crovait contraire aux faits. »

Il faut lire le détail de cette démonstration dans le texte même; elle est extrêmement attachante. Le fil conducteur est le souci constant des anciens d'éviter toute contradiction entre leurs hypothèses astronomiques et leur physique, c'est-à-dire cette partie de la philosophie que nous appelons la cosmologie. A la pleine mise en lumière de ce principe directeur le P. Thirion consacre un appendice qui n'avait point paru dans la REVUE et qui n'est pas un des chapitresles moins intéressants de l'ouvrage. Basé principalement sur les travaux de P. Mansion, il nous amène naturellement à Copernic et à Galilée. « Ce n'est, dit M. Mansion, qu'à la lumière de l'histoire de la lutte entre les théories géométriques et physiques en astronomie, telle que l'expose le R. P. Thirion, que l'on peut comprendre à fond la célèbre question du procès de Galilée. » Et il conclut en en recommandant la lecture, « d'abord à ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Astronomie, ensuite aux amateurs de Philosophie qui veulent connaître, à propos d'un exemple grandiose et vraiment topique, le rôle des hypothèses dans la

science ».

Il reste un troisième groupe de travaux qui demande une mention spéciale. C'est celui des articles intitulés Pascal, l'horreur du vide et la pression atmosphérique. En 1906 une vive controverse avait été soulevée par M. F. Mathieu, dans la REVUE DE PARIS, à propos des titres de Pascal à la démonstration expérimentale de la pression atmosphérique, et notamment à l'invention de la fameuse expérience des deux lectures barométriques simultanées au pied et au sommet du Puyde-Dôme en 1648. Pascal était formellement accusé d'avoir commis un faux pur et simple dans le Récit de la grande expérience de l'équilibre des liqueurs, qui lui attribue la première idée de cet experimentum crucis dès le 15 novembre 1647, et qui revendique en outre pour lui l'invention d'une autre expérience encore plus concluante, dite « du vide dans le vide ». Pour dissimuler la supercherie, il aurait construit, au moyen d'autres lettres et publications, tout un système d'artifices aussi déloyal qu'injuste pour ceux qu'il dépouillait.

Les conclusions de M. Mathieu furent vivement contestées, cela va sans dire. Bientôt, attiré par un débat qui s'accordait si bien à ses goûts d'érudit, et qui semblait par ailleurs ne pouvoir se trancher qu'avec l'aide d'une compétence scientifique qui manquait aux initiateurs de la discussion, le P. Thirion reprit à son tour l'examen de la question. Ses deux premiers articles parurent en octobre 1907 et en janvier 1908; le troisième, dans lequel se rencontre l'annonce d'une suite qui n'a jamais paru (1), en janvier 1909.

Nous avons suivi, dit-il, cette joute savante, dont

(1) On trouvera plus loin, dans la liste des publications du P. Thirion, d'autres exemples de travaux inachevés. Obligé souvent d'entreprendre d'urgence un article pour combler quelque lacune, il se voyait parfois contraint de suspendre une étude dont la continuation aurait exigé du temps, pour utiliser sur l'heure des notes sur quelque autre sujet plus facile à mettre en œuvre sans retard. On sait que ces interruptions momentanées ont une fâcheuse tendance à se transformer en abandon définitif.

l'enjeu est l'honneur d'un grand homme, avec le souci d'apprécier les charges qui pèsent sur l'accusé. C'est de cet effort qu'est fait cet article. Il n'a pas la prétention d'apporter à l'attaque ou à la défense un secours dont elles n'ont que faire. Son but est de raconter les faits, d'analyser les pièces du procès et d'aider le lecteur à se former lui-même une opinion en lui épargnant le travail de classement et de contrôle que nous nous sommes imposé pour asseoir la nôtre. » Ce programme est rempli avec une conscience scrupuleuse, et l'exposé est un modèle de clarté. Ajoutons que le ton est d'un calme parfait, et aussi respectueux que possible envers l'illustre « prévenu », ce qui était un mérite aussi, dans une atmosphère déjà un peu échauffée par

moments.

Quant au fond de la cause, le P. Thirion exonère Pascal de la plus grave des accusations portées contre lui, celle de s'être attribué frauduleusement, au détriment d'Auzoult, l'expérience du vide dans le vide. Mais il croit devoir concéder à M. Mathieu que Pascal a cherché par des moyens équivoques — et notamment en introduisant dans sa lettre à Périer, datée du 15 novembre 1647, le récit de cette expérience du vide dans le vide qu'il n'a pu imaginer et réaliser, selon toute vraisemblance, que l'année suivante « à grossir la part qui lui revient dans la preuve de la pression atmosphérique et de l'élasticité propre de l'air, et à amoindrir celle d'autrui ». La susceptibilité bien connue du grand écrivain, son orgueil maladif, l'apre jalousie avec laquelle il avait coutume de défendre ce qu'il considérait comme ses droits, et d'autre part sa santé chancelante, avec les contrecoups qu'elle avait sur sa volonté et son jugement; en un mot, pour parler comme M. E. Havet, « sa personnalité instable » ne permettent certes pas d'écarter a priori la flétrissure qui menace sa mémoire.

Après avoir résumé les arguments des deux parties,

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