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tanément que « l'air se condense précisément selon la proportion des poids dont il est chargé » ; qu'à la condition que la température reste invariable dans l'opération, le volume d'une masse donnée est toujours d'autant moindre que la pression qu'il subit est plus considérable. La science, née de l'expérience et fondée sur elle, se développe ainsi progressivement; elle continue d'approvisionner des recettes et des préceptes, en s'efforçant de remonter à l'origine commune des actions constatées; elle reste simplement expérimentale, mais est déjà au-dessus du vulgaire empirisme, autant que la loi est au-dessus du fait isolé.

Les lois se corrigent peu à peu il y a de multiples variétés d'air l'air vital, inflammable, irrespirable, phlogistiqué et déphlogistiqué, etc.; ce sont des gaz différents, auxquels la loi de Mariotte ne s'applique pas également bien.

Les lois se multiplient et toutes les branches de la science se développent tour à tour, la dioptrique et la catoptrique, le magnétisme comme l'électricité, à laquelle Boyle semble avoir donné son nom (1).

Cette ascension continue du fait isolé aux lois expérimentales (purement expérimentales), spéciales à chaque espèce de phénomènes, et aux applications pratiques que l'on pouvait en faire, s'était accompagnée d'un progrès non moins décisif pour l'avancement de la science. Les énoncés des lois, qui n'avaient d'abord été

que qualitatifs, étaient devenus quantitatifs, ainsi que nous venons de le voir; la question du combien s'était donc ajoutée à celle du comment. Ce fut un grand pas, et lord Kelvin l'a caractérisé plus tard par ces mots : « Si vous pouvez mesurer ce dont vous parlez et l'exprimer par un nombre, vous savez quelque chose de votre sujet ; mais si vous ne pouvez pas le

(1) Boyle, De mechanica electricitatis productione; Genève, 1694.

mesurer, si vous ne pouvez pas l'exprimer par un nombre, vos connaissances sont d'une pauvre espèce et bien peu satisfaisantes » (1).

Voyons comment ce résultat si désirable avait été obtenu.

Les lois s'appliquent à des objets que l'expérience nous fait connaître et dont elle nous permet de spécifier les propriétés caractéristiques. Le physicien prend séparément, les uns après les autres, les divers objets sur lesquels portent les lois qu'il a formulées qualitativement; il en crée des entités spéciales, sans s'occuper autrement de ce qu'ils sont; mais, à chacun d'eux, il fait correspondre une grandeur dont la notion représente à son esprit les propriétés les plus immédiates relevées par ses observations. Il lui a fallu procéder à une étude complète des phénomènes pour établir ces notions et les discerner nettement les unes des autres, sans confusion, ni répétition; il a eu besoin d'une méthode sûre et éclairée pour les définir. Ces concepts algébriques ou géométriques (grandeurs scalaires ou vectorielles) (2) se prêtent à des comparaisons, puis à des mesures; ils sont par conséquent exprimables par des nombres, en fonction d'unités choisies d'abord arbitrairement, au gré des tendances et de la fantaisie de chacun, et qui ne seront unifiées en un système rationnel et cohérent que beaucoup plus tard. Mais dès que la grandeur a été mesurée, elle peut être représentée numériquement et entrer dans

(1) J'emprunte cette citation à La Physique moderne, de M. Lucien Poincaré (Paris. Flammarion, 1909), p. 22.

(2) Les premières ne sont que des grandeurs numériques, les secondes des grandeurs dirigées dans l'espace, ayant à la fois une valeur numérique et une orientation. Les densités, les températures, les chaleurs spécifiques, les capacités électriques, le potentiel, l'énergie, appartiennent à la catégorie scalaire; à l'autre, les vitesses et les accélérations, les forces, les intensités des courants, etc. Celles-ci s'additionnent géométriquement : les premières définies par un paramètre, que l'on suppose continùment variable, s'ajoutent algébriquement les unes aux autres.

les formules qui expriment les lois quantitatives; le savant écrit dès lors, sous la forme analytique, les rapports découverts entre les faits, et il fait appel aux mathématiques, qui ne surajoutent aucune connaissance à ce que l'expérience a appris, mais sont un merveilleux instrument de travail, parce qu'elles allègent le langage en l'abrégeant et soulagent l'esprit en lui apportant un puissant concours.

Jusqu'ici la science avait donc moissonné des faits, puis elle les avait groupés, pour énoncer des lois, et elle avait traduit ces lois en des formules précises; il lui restait à achever son œuvre de synthèse et à la parfaire, en groupant les lois pour en constituer une doctrine et édifier des théories; ce sera l'oeuvre capitale du savoir arrivé au troisième stade de son développement. On va maintenant classer, coordonner et enchaîner des lois.

Elles avaient été rattachées provisoirement entre elles par un lien de fortune, noué sur le terrain même, à mesure que les gerbes avaient été formées en portant celles-ci au gerbier, les praticiens avaient déjà jugé nécessaire d'opérer entre elles un certain rangement, qui permettrait de les retrouver aisément au moment où l'on voudrait en disposer. Mais l'intelligence voit au delà des commodités de l'emploi; plus elle sait, plus elle éprouve le besoin de savoir davantage; plus elle étend ses limites, plus elle sent le besoin de lumière; plus elle amoncelle de données, plus elle a soif d'ordre.« Ordonner, voilà bien, en effet, le mot qui résume toute investigation digne du nom de science» (1)! Mais, pour ordonner, il faut connaître. On ne connaîtra que si l'on comprend. A la question du comment et du combien se superpose donc la ques

(1) A. de Lapparent, Science et Apologétique (Paris, Bloud, 1908), p. 94

tion du pourquoi. Pourquoi la chaleur dilate-t-elle les corps et fait-elle passer les corps de l'état solide à l'état liquide, de l'état liquide à l'état de vapeur ? Pourquoi le fer est-il attiré par l'aimant et pourquoi celui-ci n'attire-t-il pas le cuivre ? Pourquoi le prisme ou le réseau dispersent-ils la lumière ?

Pour résoudre ces problèmes, l'expérimentateur se doublera d'un penseur, le physicien, d'un philosophe; ce dernier recevra du premier les documents et il les interprétera. Pour cela, il aura recours à un nouveau procédé d'investigation, à un procédé qui lui est propre. Pour grouper les lois et les solidariser d'une façon systématique, pour découvrir entre elles quelque chose de commun, il est amené à imaginer des relations entre les choses régies par les lois; il fait alors des suppositions sur leur nature intime ou leur manière d'être, il forge des hypothèses (1).

Celles-ci sont de diverses espèces.

A une époque qui n'est pas encore loin de nous, l'hypothèse s'appliquait généralement à un agent, à un substratum auquel on prêtait l'existence et les propriétés qu'il fallait pour qu'on se rendit compte des phénomènes observés. Les effets de la chaleur ont ainsi été attribués longtemps à une substance sui generis, le feu, la matière ignée, le phlogistique, le calorique, qui s'infiltrait dans les corps, s'y condensait ou s'y raréfiait à la façon d'un gaz subtil; substance matérielle, mais ne se marquant pas à la balance, donc impondérable; émise par les corps chauds, traversant les diathermanes, sans y rien laisser, arrêtée en partie plus ou moins grande par les athermanes doués d'un pouvoir absorbant; cheminant de proche en proche dans les conducteurs, y opérant des effets variés en

(1) Il n'est pas inutile de rappeler que le mot « hypothèse » vient du verbe Úпоτíoηui, qui implique une supposition, « supposition » étant dérivé du verbe supponere, placer à la base.

persistant toujours, car on le disait indestructible. La même tendance à matérialiser les agents physiques a fait admettre que la lumière est due aussi à un transport de particules; pour expliquer les diversités de couleur des corps rayonnants, Newton a dû supposer des particules rouges, orangées, jaunes, etc.; en faisant intervenir ensuite une attraction differente de chaque corps réfringent pour chacune d'elles, il a fourni une explication des phénomènes de réfraction et de dispersion, et la loi de la décomposition de la lumière par les lames minces a elle-même trouvé place dans ce cadre. Les phénomènes d'électrisation et les actions attractives ou répulsives qui les accompagnent ont de même donné naissance au concept d'une matière dite électrique, entité unique ou double, suivant que l'on fasse état d'un seul fluide, « en plus ou en moins », comme disait Franklin, ou de deux fluides, le résineux et le vitré, ainsi que les nommaient Dufay et l'abbé Nollet, en attendant qu'on les affectât des signes + et, pour mettre en vedette leur neutralisation par addition algébrique. Le magnétisme a eu de même ses deux fluides, austral et boréal, Nord et Sud.

Le plus ordinairement, les hypothèses consistent en conjectures relatives à la constitution des corps et à leurs manières d'être. Telles sont les hypothèses atomistiques. La continuité que nos sens croient reconnaître dans un fragment de platine ou de silex n'est qu'apparente; ce solide est discontinu et formé de particules d'une ténuité extrême, de masse déterminée, en nombre fini, mais immense; elles sont insécables (leur nom prétendait l'indiquer), parce que ces éléments sont dénués de dimensions, croyait le P. Boscovich, parce que chacun d'eux est un être unique, un minimum quid, ne pouvant être divisé, au dire de Dalton, sans cesser d'être ce qu'il est. D'après des vues plus récentes et que l'on a des raisons de croire plus justifiées,

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