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voirs, avaient amené la résolution que la raison seule aurait peut-être long-temps encore sollicitée en vain. La nation venait de recouvrer ses droits; l'opinion publique allait recouvrer ses organes.

Appelés par le vœu de la France entière, solennellement promis par le monarque, les états-généraux allaient enfin s'ouvrir : après deux siècles d'intervalle, la représentation nationale allait s'assembler encore, et sa réunion, si long-temps désirée, promettait à la nation attentive la réforme des abus qu'un long arbitraire avait accumulés. Le tiers-état, d'abord exclus des assemblées législatives, ensuite admis dans une proportion insignifiante, avait obtenu dans les nouveaux états une représentation égale en nombre à celle des deux autres ordres, et cette première concession qui semblait entraîner comme une conséquence nécessaire la délibération par tête, présageait le triomphe du droit sur le privilége. Les Français étaient loin de s'attendre qu'une conquête si légitime dût être achetée par de si sanglans combats et de si déplorables catastrophes. L'espérance et l'allégresse étaient dans tous les coeurs. Voilà sous quels auspices s'ouvrirent les assemblées électorales.

Les districts de Paris s'assemblèrent le 21 avril 1789. On voit, dans les Mémoires de Bailly, l'impression qu'il ressentit en entrant, pour la première fois, dans une réunion de citoyens appelés, après une suspension si longue, à l'exercice des droits politiques : il crut respirer un air nouveau. Son caractère, universellement estimé, attira sur lui tous les suffrages; il fut nommé, le premier, électeur de son district. Peu de jours après (le 26 avril), l'assemblée des électeurs le choisit pour son secrétaire; le 12 mai, cette même assemblée le

nomma encore, le premier, député à l'Assemblée nationale.

En arrivant à Versailles, les députés de Paris trouvèrent déjà les états - généraux ouverts et les partis en présence. Les ordres privilégiés avaient hautement annoncé la résolution de conserver l'ancienne forme de délibération par chambres séparées, qui, donnant à chacun des ordres le veto sur les deux autres, opposait une barrière insurmontable aux innovations qu'ils redoutaient; le tiers, de son côté, insistait pour la délibération en commun, sans laquelle la double représentation n'était qu'un bienfait illusoire : le ministère ne se déclarait point encore, et paraissait se réserver le rôle de conciliateur; le chef du conseil, M. Necker, inclinait en faveur des communes; une autre partie du conseil, soutenue par des influences cachées, appuyait les prétentions du clergé et de la noblesse. La lutte était engagée et se poursuivait avec chaleur : ce fut alors que Bailly se présenta dans l'assemblée du tiers-état; sa modération, sa droiture, dont la réputation l'avait précédé, rallièrent encore sur lui les suffrages; et, le 5 juin, il fut proclamé doyen des députés du tiers-état, en remplacement de M. Dailly, qui n'occupa le fauteuil que deux jours.

Cependant, le temps s'écoulait les ordres privilé– giés s'obstinaient dans leurs prétentions : des tentatives de conciliation n'avaient amené aucun résultat : les travaux des États restaient suspendus, et cette session, dont la France avait espéré tant de bienfaits, se consumait en discussions préliminaires et en longueurs stériles. Pour mettre un terme à cet état d'incertitude et d'inaction, les communes se virent obligées, le 17 mai,

de se constituer en Assemblée nationale. C'est ainsi que, de simple doyen du tiers - état, Bailly devint le président de l'Assemblée constituante.

Ce coup d'autorité, frappé par les communes, alarma la cour qui n'aimait point et qui craignait le tiers-état. On obséda le monarque; on le pressa d'interposer son pouvoir. M. Necker aussi, de son côté, sollicitait depuis long-temps l'intervention royale; mais il la voulait favorable à la réunion des ordres ; il la voulait, lorsque l'état des choses la comportait encore, lorsque tout flottait dans l'incertitude. Au 17 mai, il n'était plus temps: les communes avaient déclaré leur constitution; elles se voyaient fortement soutenues par l'opinion publique. Il était un peu tard pour adhérer à leur vœu ; il était beaucoup trop tard pour essayer de le combattre. Ce fut pourtant à ce dernier parti que l'on s'arrêta.

Bientôt le bruit se répandit à Versailles qu'une séance royale allait avoir lieu; qu'elle serait dirigée contre les prétentions des communes. On savait que les mesures adoptées par le conseil avaient été prises contre l'avis de M. Necker, et l'on en tirait un sinistre présage. On craignait un coup d'État. Dans cette disposition des esprits, les membres de l'Assemblée nationale, se rendant au lieu de leurs séances, sont surpris de trouver la porte fermée; ils en demandent la cause; on leur annonce qu'on y travaille aux préparatifs de la séance royale.

Persuadés qu'on veut les empêcher de se réunir, les députés, sous la conduite de leur président, se rendent au jeu de paume, établissent leur séance dans cet humble asile qu'agrandit la présence de la représentation nationale, et prononcent, à l'unanimité, moins une voix,

le serment de ne point se séparer avant d'avoir achevé la constitution de la France (1).

Deux jours après cette mémorable séance, l'ordre du clergé vint se réunir à l'Assemblée nationale qui, dès le moment, renferma dans son sein, non-seulement la majorité des députés, mais la majorité des ordres.

Le lendemain même de la réunion, le ministère, qu'elle aurait dû peut-être éclairer sur sa position, hasarda la séance royale qu'il méditait depuis plusieurs jours. M. Necker, dont les conseils n'avaient pu être écoutés, refusa d'y assister.

Il y avait une imprévoyance bien inexcusable, dans la situation où se trouvait alors la France, à mettre aux

(1) 20 juin. Le serment du Jeu-de-Paume est un grand et solennel événement dans l'histoire de la révolution française. Le soin d'en perpétuer le souvenir avait été confié, dans le temps, à la peinture: le chef de l'école moderne devait consacrer ses pinceaux à représenter cette scène aussi animée qu'imposante. Le tableau qu'il avait entrepris n'a point été terminé; il n'y a eu d'achevées que les têtes de cinq principaux personnages. Mais le dessin, d'après lequel devait être terminé ce tableau, a été conservé soigneusement. Il est d'un travail beaucoup plus fini que ne le sont d'ordinaire les compositions du même genre ; et le talent du grand maître qui l'a tracé, l'effet général de cette belle et vaste composition, la grandeur des souvenirs qu'elle retrace, la ressemblance exacte d'une multitude de personnages célèbres ou fameux, tout rend ce morceau également précieux, soit pour l'âge actuel, soit pour l'avenir.

Une société, composée d'hommes de goût, d'hommes éclairés, s'est réunie pour charger la gravure du soin de multiplier cette grande page historique. Ils ont acquis le dessin de l'auteur; et le burin, aussi fidèle qu'exercé, de M. Jazet, doit reproduire cette importante composition.

Tous ceux qui, sans prévention, sans esprit de parti, recherchent ce qui peut intéresser les arts, ce qui doit éclairer l'histoire, remercieront M. Vallée d'avoir conçu et dirigé cette entreprise. M. Vallée demeure rue de la Chaussée-d'Antin, n°

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prises l'autorité royale et la force populaire. Peut-être les malheurs de la révolution, peut-être la chute du trône furent-ils les suites de cette démarche imprudente. On fit prendre au monarque trompé le ton du commandement en parlant à la représentation nationale; on lui fit casser les arrêtés pris par l'Assemblée dans les séances des 17 et 20 juin. Dès lors, la royauté, longtemps considérée par la nation comme une puissance modératrice et paternelle, commença d'être regardée comme une puissance rivale et contraire; la défiance s'établit; les conseils violens prirent un crédit qui ne s'accrut que trop rapidement, et le prince le plus humain, le plus ennemi du despotisme, vit s'évanouir en un jour, par l'imprudence de ses ministres, la popularité que lui avaient acquise seize années d'un règne bienfaiteur.

Le ministère espéra donner le change à l'opinion par l'énumération pompeuse des bienfaits que le monarque accordait à ses peuples: mais cette opinion, dont la lutte des ordres avait exalté l'effervescence, ne pouvait plus se contenter de ces concessions incomplètes et tardives. Dès le 5 juin, elle avait applaudi au doyen du tiers lorsque, le garde-des-sceaux lui rappelant l'ancien usage qui assujettissait les députés des communes à se mettre à genoux en présence du roi, il avait répondu avec fermeté: Et si vingt-cinq millions d'hommes ne le veulent pas, qui pourra les y contraindre ? Le 17 juin, elle avait applaudi à la constitution de l'Assemblée; le 20, au serment prononcé dans le jeu de paume; le 22, à la réunion du clergé ; le 23, elle applaudit aux députés qui refusèrent de se séparer après la séance royale; elle applaudit à la véhémente apostrophe de Mirabeau au

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